I'm not breaking down, I'm breaking out (Pv Sofia)

Je soupirais, rageant intérieurement sur le fait que j'étais coincé à New York depuis ma sortie d'hôpital. C'était trop pour un gars comme moi qui passait facilement quatre à cinq mois de l'année, à voyager aux quatre coins du globe. Mais c'était surtout trop long pour tous mes employeurs qui s'offraient régulièrement mes services. Je me baissais pour reprendre mes béquilles alors que Sofia venait dans le salon. Une fois debout, je reprenais la parole. « Ça ne fonctionne pas comme ça. Tu dois être là quand on a besoin de toi. Après, on a plus besoin de toi. Faut être là au bon moment et ça, je ne le suis plus depuis cette foutue chute. » Je commençais à me dire que j'allais jamais retrouver mon appareil photo.  Je venais embrasser rapidement Sofia tout en ajoutant: « Je vais prendre une douche, j'arrive. » Cela allait surement me calmer. Sous la douche, je repensais à tout ça et à la proposition que j'avais reçu la semaine dernière. Bien que j'avais laissé cette option de côté au profil de la photographie, je me disais de plus en plus qu'elle allait devenir mon unique alternative. Laissant l'eau ruisselait sur mon corps, je me détendais bien que la lassitude était toujours sur mes épaules. Une fois propre, je sortais de la douche, vérifiant que je n'avais pas mouillé mes plâtres puis j'enfilais un pantalon de jogging de couleur noir puis un t-shirt blanc sérigraphié à l'effigie du rock. Je jetais un œil à mon reflet dans le miroir. J'avais une barbe de trois jours et je n'avais aucune envie de la raser. Et mes cheveux avaient bien poussé. Je passais une main sur eux pour les discipliner. Une fois prêt, je quittais la salle de bain.

Le fait de voir Calhen aussi mal m'atteignait moi aussi. Je me sentais vraiment concernée par son problème et j'avais vraiment mal au cœur de le voir ainsi. Je détestais cela. Je pestais intérieurement contre les employeurs qui avaient eut vite fait de rompre ses contrats. Mais Calhen avait raison. Les employeurs n'avaient que faire de son état. Tout ce qui les intéressaient, c'était le rendement. Le monde dans lequel on vit est loin d'être rose et parfois, la vie ne se montre pas tendre. Calhen et moi le savions bien. Je soupirais légèrement. Je ne savais pas quoi faire - " Ouais, je sais... mais je suis certaine que tu obtiendras de nouveaux contrats quand tu seras rétabli." - Je lui souriais faiblement. Je ne voulais pas qu'il perde le moral davantage, ni qu'il perde espoir de retrouver son métier de photographe. Il était doué. Je ne doutais pas qu'il retrouverait des contrats dès qu'il serait d'attaque. Calhen m'embrassait avant de disparaitre pour aller prendre sa douche. Je décidais, en l'attendant, de retourner dans la cuisine pour commencer à préparer le repas. Je ne pouvais m'empêcher de penser à ce qui arrivait à Calhen - " Je fais des pâtes à la Bolognaise, ça te conviens ?" - Demandais-je alors que je l'entendais revenir dans le salon. Je relevais la tête pour le regarder. Je le trouvais diablement sexy, même avec sa barbe de trois jours et ses cheveux qui avaient poussés.

Je connaissais la branche dans laquelle j'avais décidé de travailler. Il ne fallait pas croire que le milieu de la photographie était un milieu tout rose. Je savais que le but d'un bon photographe, ce que je pensais avoir été jusqu'à présent, était de se trouver au bon endroit au bon moment. De dénicher les meilleurs clichés de la planète. Ce n'était pas pour rien que je voyageais très souvent. Ce n'était pas parce que j'aimais ça, ce qui était vrai mais c'était surtout parce que je voulais trouver à chaque fois la bonne photo, le bon angle, le bon site a  photographier. Et cela je le faisais bien. Si bien que j'avais réussi à devenir indépendant, à avoir un très bon salaire et pouvoir en vivre comme je le souhaitais. Maintenant que me restait-il? Encore trois agences sous contrat, mais est-ce que cela allait durer? Non probablement pas. La série noire allait continuer.

Je retrouvais Sofia dans la cuisine. Et le simple fait de la voir, me redonnait le sourire. Je m'approchais d'elle alors qu'elle me posait une question. « C'est parfait. J'ai une faim de loup. » Je l'embrassais avant de poser une béquille contre le meuble de cuisine. Puis je jetais un œil à ce qu'elle avait préparé pour faire la cuisine. « Je t'aide à faire la sauce? » J'ouvrais le frigo pour y chercher les tomates. Quelques minutes plus tard, nous étions entrain de déguster ces pâtes à la bolognaise.

Je laissais Calhen m'aider à préparer la sauce pour les pâtes à la Bolognaise. Une fois que ce fut prêt, nous passions à table - " Franchement. Je les trouve meilleures qu'au restaurant. On a peut être de l'avenir dans l'art de la cuisine." - Dis-je avec un sourire alors que nous étions entrain de déguster nos pâtes. Enfin, même si je plaisantais, c'est vrai qu'elles étaient plutôt bonnes ces spaghettis. Je posais mon regard sur Calhen avant de reprendre une bouchée de pâtes. Une nouvelle fois, je partais dans mes pensées. Je craignais que Cal perde d'autres contrats. Il avait perdu son cinquième contrat aujourd'hui. Cinq contrats en moins de trois mois c'était déjà beaucoup. J’espérais que ceux qui lui restaient ne lui glisseraient pas entre les mains aussi. Calhen vivait pour la photographie tout comme je vivais pour la danse. Je savais ce qu'il pouvait ressentir, car j'en deviendrais malade si je perdais la danse. Cette passion était pour moi aussi vitale que le fait de respirer.

Je mangeais silencieusement. J'étais un peu absorbé par toutes sortes de pensées. Je me demandais combien e temps allait mettre les autres agences pour faire appel à d'autres photographes et me laisser ainsi sur le carreau. Au bout de quelques minutes, je finissais par reprendre la parole après avoir bu une gorgée de ma bière. « Quand j'étais gosse, je voulais déjà devenir photographe. C'est ma grand mère qui m'a acheté mon premier appareil. Un vrai appareil de professionnel. Je passais des heures dehors à photographier tout et rien. Mais à l'époque, j'avais du mal à me concentrer sur le moindre papier. C'était un peu l'enfer. » J'étais dyslexique. Et Sofia le savait. La dyslexie m'avait handicapé pendant ma scolarité. Je devais me concentrer deux fois plus que les autres pour réussir à aligner des phrases compréhensibles les unes avec les autres. C'était épuisant. Cela s'est amélioré par la suite même si cela n'a jamais disparu. « Alors je me disais que je devrais peut-être trouver une autre passion. Et j'ai découvert le pilotage. D'abords avec mon parrain. Puis plus tard, en passant mon brevet.. » Je levais les yeux sur elle. En temps normal, je n'aurais pas eu cette discussion. Mais je pensais de plus en plus à la proposition de Luke. Et si cela continuait avec les agences, ce sera la seule voie que je voudrais emprunter.

Je relevais mes yeux sur Calhen tandis-ce qu'il prenait la parole. Je l'écoutais me parler de sa passion pour la photographie. Une passion qui l'animait depuis sa jeunesse. Je l'avais toujours connu avec un appareil à la main et pour moi, il était évident que Calhen devait être photographe. En plus, il était très doué pour cela. J'admirais ce talent. Il avait le don de savoir capturer un paysage et le mettre en valeur afin d'obtenir le cliché parfait. Je lui adressais un sourire et le laissais continuer sans l'interrompre. J'avais bizarrement l'impression que Calhen essayait de m'amener quelque part, de me dire quelque chose. J'avais un peu de mal à saisir où il voulait en venir en me racontant ça - " Tu éveilles ma curiosité, je veux entendre la suite." - Lui dis-je avec un fin sourire alors qu'il avait cessé de parler.

Je ne sais pas si j'aurais eu cette conversation avec Sofia si nous n'avions pas formé un couple. J'estimais cependant plus correct de lui parler de mes éventuels futurs projets vu qu'elle faisait à présent partie de ma vie, de façon intégrante. Et puis, je ne pouvais pas non plus le mettre au pied du mur. Malgré tout, ce n'était pas une conversation que j'aurais cru devoir aborder avec elle. Reposant ma bière, je prenais une nouvelle bouchée de mon plat. Puis je reprenais alors que je portais mes yeux sur elle. « J'ai toujours hésité entre les deux. La photo et le pilotage. J'adore voler. Et cela ne me demande pas un travail maximum pour mes jambes... » Je posais ma fourchette dans l'assiette, ayant fini de manger. « Et puis, j'ai fais West Point... j'ai donc un grade de lieutenant. » Je l'observais, me demandant si elle allait comprendre ou non. Si j'allais devoir dire la suite ou m'attendre à des reproches dès maintenant.

Je posais ma fourchette et pourtant, je n'avais pas encore terminé mon assiette. Ce que me disais Calhen accaparait toute mon attention et je comprenais désormais où il voulait en venir. Je fronçais les sourcils - " Tu es entrain de me dire que tu voudrais rejoindre l'armée et partir à la guerre ?" - Lui demandais-je simplement. J'ignorais pourquoi, mais cette idée me plaisait que moyennement... voir pas du tout. Enfin si, je savais tout à fait pourquoi je n'étais pas enthousiaste à cette annonce. D'ailleurs, ça devait se sentir. Je restais silencieuse un instant en réfléchissant à ce qu'il venait de me dire - " Écoutes, je sais que tu as perdu plusieurs contrats en tant que photographe et que c'est démoralisant. Mais, ça ne veut pas dire que tu ne pourra plus être photographe. Je suis persuadée que tu trouveras d'autres contrats une fois sur pieds." - Ajoutais-je finalement. J'avais l'impression que la perte de tous ces contrats le faisait renoncer à retrouver la photographie.

Voilà, je savais que Sofia était assez intelligente pour comprendre où je voulais en venir. Peut-être que je trouvais que les mots étaient moins durs venant de sa bouche. Je me repoussais un peu sur ma chaise. Puis à ces derniers mots, je haussais un peu les épaules. Elle n'avait pas tort mais ce n'était pas ce qui avait primé dans mon esprit quand j'avais pensé à l'armée. « Ce n'est pas seulement la perte des contrats, Sofia. » J'étais en convalescence, j'allais pouvoir reprendre la photographie. Je le savais, mais quand, c'était l'équation à l'inconnue. Et cela n'était pas le fond de ma pensée. « Je sais très bien que je vais finir par m'en remettre. Enfin j'espère. Mais cet accident m'a fait réfléchir. » Oh que lui, toutes ses heures tout seul, au milieu de nul part, sans contact avec les autres, m'avait permis de faire un point sur ma vie. « J'adore la photographie. Ce sera toujours le cas. Mais je ne veux pas mourir pour une foutue photographie. Si je dois mourir, ce sera en donnant ma vie pour une autre. » J'aurais pu me tuer ce jour là, dans le Nevada. Et ma mort n'aura servi à rien. J'avais envie d'être plus utile. Si je devais mourir, je préférais que ce soit pour épargner une autre vie, et non pas pour un cliché. Je ne savais pas si je serais à nouveau capable de reprendre un appareil photo sans songer à ce qui s'était passé dans ce gouffre.

Quelque chose avait changé chez Calhen depuis son accident. Il avait vu la mort de près, alors cela devait être normal. En l'écoutant, je comprenais qu'il avait bien réfléchit à son projet. C'était surement pour ça qu'il décidait de m'en parler maintenant - " Je comprends et j'admire la personne que tu es. Tu penses toujours aux autres, tu es toujours prêt à aider quitte à mettre ta vie en danger." - Je lui adressais un sourire sincère. Je pensais vraiment ce que je disais. Je pouvais comprendre qu'il ait envie de se sentir utile - " Mais pour être honnête, je déteste l'idée que tu mettes de nouveau ta vie en danger..." - Je n'avais pas envie de lui mentir, alors, je lui dévoilait le fond de ma pensée. J'avais eu trop peur de le perdre lors de son accident. Je n'étais pas certaine de supporter qu'il parte à la guerre. Là-bas, il serait en danger à tous les instants...