Et il disparut dans le brouillard ♥ Reavada

Que ne fut la joie de retrouver Nevada alors qu'ils étaient un peu fâchés tous les deux. Read ne lui tenait pas rigueur de ce qui s'était produit lors de leur dernière rencontre, ce serait l'hôpital qui se moquerait de la charité, mais sa sœur de cœur semblait prendre ses événements trop au sérieux. Le pauvre jeune homme avait eu l'impression que quelque chose s'était brisé, comme s'ils avaient franchi un pas à ne jamais franchir. Mais en même temps, il la voyait toujours de la même façon, comme celle sur qui il pourrait toujours compté et celle qu'il aimerait toujours autant. Et la voir si radieuse, enceinte et épouse d'un garçon bien pour elle, c'était juste l'une des plus belles choses que pouvait rêver notre étudiant en médecine.
Ensemble, ils avaient entrepris de se rendre voir les enfants malades en oncologie pédiatrique. C'était peut-être ironique pour quelqu'un atteint d'un cancer, mais Read venait les voir très très souvent, pour les rassurer, pour pallier un peu au fait que les parents ne puissent pas être tout le temps là pour ceux qui devaient être hospitalisés un peu plus longtemps. Et surtout, il engendrait le dialogue dans les familles. Un peu une sorte d'ange gardien en quelques sortes. Même s'il aurait aimé avoir des supers pouvoirs pour tous les guérir. Read ne leur avait jamais caché que lui aussi était malade et c'était peut-être ce qui avait engendré chez ses enfants cette confiance en lui. Bien qu'il ne soit qu'un mec trop con pour avoir réussi à perdre encore son petit copain, la personne qui l'aimait certainement le plus....

Nevada savait terriblement bien s'y prendre avec les gamins. Read, en l'observant ne pouvait qu'en déduire qu'elle ferait une excellente mère. Il lui sourit tendrement alors qu'ils sortaient tous deux de l'hôpital. Direction : le cinéma. Il y avait un nouveau film à l'eau de rose. Un truc bien pourri, sans doute le navet du siècle, mais ce n'était qu'un magnifique prétexte pour passer d'avantage de temps ensemble. Et la salle était pleine, alors peut-être que ce n'était pas aussi désastreux que ce que l'on pourrait penser.
Read n'avait rien compris au film, mais ce fut avec le sourire qu'il sortit de la salle, attrapant Nevada par la main. Il l'avait toujours fait, et bien qu'elle soit mariée à présent, et que ce soit peut-être mal vu par certains, il avait toujours le réflexe de le faire. Tout sourire, il demanda, alors qu'ils avançaient doucement dans la foule sortante :
« Alors, t'en dis quoi ? »

Cette journée était particulièrement bonne pour Read. Si ce n'était son teint pâle et ses cheveux moins touffus qu'autrefois, l'on ne croirait pas qu'il s'agissait d'un malade. D'ailleurs, personne des gens auxquels il ne l'avait pas avoué explicitement ne s'en était rendu compte. Joyeux, actif, c'était ainsi que l'on pouvait le décrire en cette après-midi radieuse. Certaines personnes seraient déprimées après avoir fait un tour en oncologie pédiatrique et avoir vu tous ces pauvres enfants gravement malades, mais Read ne retenait de l'expérience à chaque fois que leurs sourires et la lueur d'espoir présente dans leurs yeux. Il sourit à Neva alors qu'elle lui adressa son opinion par rapport au film qu'ils venaient de voir. « Ah ça c'est sûr que y a mieux. J'ai franchement rien compris à la fin, je t'avoue.... Le mec part avec son ex-femme, mais depuis le début il disait être amoureux de sa quatrième épouse ? » demanda-t-il en se grattant le menton, faisant mine de réfléchir, avant de serrer encore plus fort la main de sa sœur de cœur dans la sienne. Parmi cette foule, elle risquait de se faire bousculer, ce qui pouvait être dangereux pour son bébé. Alors il était de son devoir de la protéger. Mais alors qu'ils venaient tous deux de presque traverser toutes les étapes de sortie, voilà que le drame survînt. Nevada fut bousculée et sans le vouloir, vînt heurter d'un coup de coude violent Read qui eut le réflexe de lui lâcher la main en tombant. Au moins, comme cela, la jeune femme était saine et sauve, sinon il l'aurait entraînée dans sa chute. Il appuya d'une main sur ses côtes. La douleur était fortement présente. Il expira un bon coup en se relevant. « Mince... » souffla-t-il en se caressant l'endroit endolori, fronçant les sourcils. « Ca va, tu ne t'es pas fait mal, Neva ? » demanda-t-il ensuite en souriant, comme si de rien était. En même temps, la douleur s'était déjà presque envolée...

Read hocha la tête. Neva avait raison en ce qui concernait l'amour, il était bien placé pour le savoir, lui dont la vie sentimentale était si difficile à suivre dernièrement. Avant c'était plus simple : il était célibataire et puceau. A présent les choses étaient devenues bien compliquées... Le jeune homme regardait son amie en souriant jusqu'à ce que, suite à un malencontreux accident il se retrouva au sol. Plus de peur que de mal ? Il n'en fut pas certain jusqu'à ce que le poids douloureux qu'il avait sur les côtes ne disparaisse. Il jeta un œil au ventre de Neva, qu'elle était en train de caresser. Tout allait bien, ouf elle n'avait pas été bousculée aussi fort que lui, et heureusement. Lui, il était un gaillard costaud et il ne portait pas un enfant dans ses entrailles. D'ailleurs, il se demandait quel effet cela faisait d'être enceinte. Certainement l'une des meilleures sensations du monde, malgré les nausées et les problèmes de santé que les femmes pouvaient rencontrer dans cette situation.
Il sourit pour rassurer son interlocutrice. « Je vais bien, t'en fais pas. Un peu mal, mais c'est passé. » dit-il en ôtant brusquement sa main de ses côtes, voyant que Nevada observait ce geste avec inquiétude. Il ne fallait surtout pas qu'elle s'en fasse, c'était néfaste pour elle. Il lui fallait juste beaucoup de repos. « T'en fais pas, c'est pas ta faute. Par contre, je dirais bien deux mots à l'hurluberlu qui a poussé et qui a failli te faire tomber ! » s'exclama-t-il. Non, mais attendez, dans quel monde vivons-nous ? Personne ne prend soin des femmes enceintes alors qu'elles portent pourtant la vie ! Il se saisit de nouveau de la main de Neva avant de déposer un petit baiser contre sa joue. « Tu veux qu'on aille où maintenant ? Tu veux que je te raccompagne peut-être ? Tu dois être fatiguée ! »s'exclama-t-il ensuite.

L'incident n'avait aucunement gêné Read. Même s'il avait eu mal, ce n'était certainement pas ce qui allait nuire à la bonne humeur. Il se contenta donc de sourire gentiment lorsque Neva lui affirma que retrouver le coupable de la bousculade ne servirait à rien. Elle avait raison, il n'y avait pas mort d'homme. Ce n'était pas ce petit coup de coude qui allait avoir raison d'un grand gaillard comme lui et encore moins de ses nerfs ! C'était surtout pour son amie et son bébé à naître qu'il s'était inquiété sur le coup. Mais voilà, plus de peur que de mal et le revoilà qui serrait la main de Nevada dans la sienne, prêt à combattre le reste de la journée. Une si belle journée où il avait tant d'énergie à revendre. Il pensait même passer un coup de fil à Snow pour la rejoindre dans la soirée, forcément, ces deux-là étaient devenus inséparables. Read se sentait renaître avec elle. Il était heureux, il pouvait le dire.  
La proposition fut faite de rentrer à l'appartement de Nevada. Notre étudiant en médecine acquiesça d'un large signe de tête. Son amie devait se reposer un peu, même si elle ne ressentait pas la fatigue. « On va faire ça, alors, mon caramel ! Par contre, juste avant, laisse-moi te payer une glace ! C'est histoire de quelques minutes! » dit-il. Un marchand de glace se trouvait en effet pas très loin du cinéma. Il y avait pas mal de monde dans la queue, mais bon, pour une fois que Read laissait éclater sa gourmandise au grand jour. Il pressa Nevada en la tirant par le bras. « Tu veux quel goût ? Je te préviens, le meilleur de tous, c'est bien le chocolat ! » continua-t-il ensuite enjoué. Fallait croire que les films à l'eau de rose le mettaient de bien bonne humeur. Et surtout, la présence de sa meilleure amie le mettait à l'aise. Il avait envie de profiter de chaque instant. Au cas où tout se briserait finalement. Il était si heureux qu'il voulait vivre de tout son être, mais il avait tellement peur que ce ne puisse être le cas. Optimiste, il l'était jusqu'au bout des ongles, mais pourtant, tout son passé affectif avait été un échec...

Alors qu'ils venaient de se mettre dans la file d'attente du marchand de glaces, Read se sentit un peu plus faible que quelques secondes plus tôt. Il n'y fit guère attention, il avait l'habitude d'avoir des malaises de temps en temps, pas de quoi alerter la cavalerie. S'il disait un mot, Neva ferait une syncope de toute façon, elle serait prête à appeler les urgences, les pompiers, la police et tout le tintouin. Alors il se contenta de lui sourire, en silence, alors qu'il palissait. Sa peau déjà pâle l'était encore d'avantage. « Il fait vachement chaud en fait ! Je pensais pas! » déclara-t-il alors qu'il suait, toujours en souriant. La queue avançait très doucement. D'ailleurs, cela lui parut plus long que ce qu'il ne pensait. Il observait Nevada, prêt à lui dire d'aller s'asseoir le temps qu'il termine d'attendre. Pas la peine qu'elle se fatigue. Mais visiblement, elle préférait rester à ses côtés. Enfin, ce fut leur tour de commander. Read demanda deux glaces au chocolat qu'il paya, évidemment. Il en tendit une à sa sœur de cœur et donna un grand coup de langue dans l'autre. « Qu'est-ce que je disais ! Le chocolat, c'est la vie ! » s'exclama-t-il ensuite alors qu'ils se dirigeaient vers un banc. Il laissa son amie s'y asseoir alors qu'il resta debout. Il avait soudainement l'envie de vomir, mais cette envie lui passa. Il sourit de nouveau à Nevada. « Tu voudras qu'on prenne le bus pour rentrer ? » demanda-t-il, prévoyant déjà le trajet d'aller à l'appartement de son interlocutrice. Et, subitement, sa glace tomba au sol, juste avant qu'il ne s'effondre lui-même, dans un bruit sourd. Le noir, c'était si beau l'obscurité, c'était tout ce qu'il voyait. Il ne voyait plus rien à vrai dire. Il lui sembla entendre la voix de Nevada, et d'autres voix autour de lui, mais c'était indistinct. Très indistinct, tout était flou, tout était loin, si loin, il avait l'impression de s'en être allé. Des doigts le touchèrent au niveau du visage, il ouvrit les yeux, il ne savait pas qui venait de le toucher. Penchant sa tête sur le côté, il vomit un mélange de sang avant de perdre de nouveau connaissance. Il s'envolait, et toujours cette obscurité, si belle et si oppressante à la fois autour de lui.