This is where the fun begins - Leslie

Alors qu'il observait l'homme se réveiller à ses côtés, il se dit qu'il lui plaisait vraiment. Physiquement en tous cas, parce qu'à part le fait qu'il aimait ses burgers bien faits et ses frites bien chaudes, il ne savait rien de lui. Bon sa collègue lui avait dit qu'il était probablement un gentleman parce qu'il s'était excusé de son accès de colère. Au moins, il avait eu la conscience d'esprit d'y songer et de se rendre compte qu'il n'y avait aucune raison de s'énerver pour une histoire si futile. C'était un bon point. Et que dire de sa douceur et de sa tendresse cette nuit ! Leslie avait imaginé ce moment plus... froid, plus distant. Mais c'était un des instants les plus chaleureux qu'il avait vécu ses dernières années et ce malgré son manque d'expérience en la matière. Bref, ce matin-là, à son réveil, il se sentait serein, alors qu'il se trouvait dans le lit d'un inconnu. Oh bon sang, ce devait vraiment être une crise de la cinquantaine! Il ne se l'expliquait pas autrement. Dans tous les cas, il était rassuré. Il était toujours en vie et n'était pas tombé sur une personne malveillante. En tous cas, pour le moment, il était dans le vert.

Il sourit donc avec gentillesse, d'un sourire solaire et chaleureux lorsqu'il entendit son interlocuteur se présenter. « Andy. Un charmant prénom pour un prince charmant. » dit-il. Oui, c'était là sa meilleure tentative de drague. Il était rouillé, d'accord ? Il ne savait pas faire mieux ! Puis, ce n'était pas si nul, non ? Ce n'était pas comme s'il s'était levé et avait dit « j'aime les sardines », ce qui là, en effet, n'aurait aucun sens ! Il se sentait assez joyeux, et avait bien envie de faire plus ample connaissance avec Andy, et non pas juste partir et l'oublier. Il sentait, au plus profond de son être, qu'ils pouvaient tous les deux vivre quelque chose d'intéressant. Et au pire, ce serait juste des moments sympathiques, n'est-ce pas ?

Il sourit de plus bel, rougissant encore une fois à la question de son interlocuteur. « Je n'avais pas prévu de partir comme un voleur en tous cas. Et j'avoue que je ne pensais pas m'endormir comme une masse non plus. Mais comme je suis là, est-ce que tu aurais une objection à ce que j'utilise tes toilettes et ta douche ? » demanda-t-il simplement, le tutoyant car il se voyait mal vouvoyer après leur moment d'intimité partagée. Il sentait encore la friture de la veille, entre autres, et avait hâte de se décrasser un peu. Il puait sans doute moins que lorsqu'il avait son uniforme sur lui, mais cette odeur imprégnait absolument tout, surtout sa tignasse qui devait d'ailleurs être totalement décoiffée. Sans compter que les activités de la veille n'avaient pas amélioré son état de propreté. Il devait ressembler à rien ! Mais cela n'avait pas l'air de faire peur à Andy. Au contraire, celui-ci avait l'air plutôt ravi de l'observer encore un peu.

« Je suis assez bon en cuisine. Je pourrai te préparer un petit truc sympa pour le petit-déj’, en échange ? »

Bon, le voilà rassuré, l'autre homme n'allait pas le chasser de chez lui à coup de coup de pieds aux fesses ! Bien au contraire, il allait même le laisser prendre ses aises, d'abord dans la salle de bains, puis ensuite dans la cuisine ! Tant mieux, parce que vue l'heure, maintenant qu'il avait accès à son téléphone portable, il avait pu s'en rendre compte, il savait qu'il n'aurait pas le temps de passer par chez lui avant de repartir au travail. Heureusement, il ne faisait pas l'ouverture, comme il avait fait la fermeture la veille, mais il devait quand même se rendre relativement tôt au restaurant. Leslie quitta donc le lit, ramassant les vêtements qui étaient dispersés un peu partout sur le sol, prêt à les remettre, puisqu'il n'avait rien d'autre. Et il n'allait certainement pas demander à son hôte de quoi se changer, ce n'était pas parce qu'ils avaient échangé leur nom et partagé leur corps, qu'ils n'étaient pas encore des inconnus l'un pour l'autre. Il sentit le regard de ce dernier le suivre, et se tourna pour simplement lui sourire, mettant en avant son meilleur profil. Il n'allait quand même pas bouder son plaisir ! Il plaisait à Andy et il voulait un peu profiter de cette sensation, de se sentir beau dans le regard d'un autre, de se sentir désiré. Il lui rendit d'ailleurs son regard, lui signifiant de la sorte qu'il n'avait rien à lui envier. Son regard croisa de nouveau le sien, se perdant quelques secondes dans les beaux yeux clairs de son comparse. Subitement, les secondes défilèrent en silence, alors qu'ils se regardaient tous les deux. Leslie se racla alors la gorge, se rendant compte que c'était un peu... tendu ? Ou plutôt, c'était un drôle de moment.

« D'accord, merci beaucoup ! Et oui, je te promets que ce sera bien meilleur que le burger d'hier ! » répondit-il en riant. Il semblerait qu'Andy ait un peu d'humour également, et ce n'était pas pour lui déplaire, bien au contraire ! Il se hâta ensuite de se rendre dans la salle de bains, désireux de se laver au plus vite, pour retrouver une sensation de propreté, combien-même ses vêtements seraient les mêmes que ceux de la veille.

Une fois dans la pièce indiquée, il regarda dans le meuble sous l'évier, comme indiqué par Andy pour prendre une serviette, qu'il déposa sur le rebord de l'évier, avant d'entrer dans la douche. La sensation de l'eau coulant le long de son corps était des plus agréables, mais il se dépêcha, ne voulant pas trop profiter de l'amabilité de son hôte. Il se sécha à la quatrième vitesse et enfila ses vêtements.
Lorsqu'il sortit, il croisa Andy qui, semblait-il avait aussi envie d'une bonne douche.
« Je vais voir ce que tu as dans tes armoires et ton frigo ! » dit-il, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. A l'origine, Leslie aurait cru être gêné en la présence d'Andy, se réveillant au petit-matin auprès d'un inconnu, surtout que c'était la première fois qu'une telle chose se produisait dans sa vie. Mais non, c'était tout le contraire. Il en profita d'ailleurs pour jeter un œil sur l'appartement. Le moins que l'on pouvait dire, c'était que c'était un bel endroit, cet homme devait gagner au moins relativement bien sa vie.

Leslie trouva sans mal la cuisine, où il fouilla un peu les armoires. Il y avait vraiment de quoi faire, tout était bien rempli ! Aller, cela serait des pancakes (avec sa recette secrète, ils étaient divins!), des fruits frais et des œufs. Il s'attela donc à préparer une pâte à pancake, tout en mettant les œufs à cuir au plat. C'était un peu compliqué, car il ne savait pas où se trouvait les ustensiles, mais il se débrouilla plutôt pas mal, et avait presque terminé lorsqu'Andy arriva, sans doute attiré par l'odeur (qui n'avait rien à voir avec de la friture de veille huile de cuisson!).
« Ne t'inquiète pas, je remettrais tout en ordre ! » dit-il. Il n'avait pas foutu le bordel, loin de là, mais il lui faudrait tout ranger, nettoyer le plan de travail et faire un brin de vaisselle.

Lorsque Andy se présenta dans la cuisine, il était vêtu avec soin. Leslie se sentit subitement un peu comme un manant avec son t-shirt délavé et son jogging de basse facture. Il ne prenait jamais le temps de s'habiller de façon « stylée », parce que, de toute façon, dès qu'il mettait un pied à son travail, il allait enfiler son uniforme et ses grosses chaussures de sécurité. A la maison, il préférait le confort à la classe, c'était certain. Peut-être que ce Andy avait un job qui lui demandait de venir habillé en business casual minimum... Après tout, ce ne serait pas déconnant puisque Leslie avait bien vu que son appartement reflétait un certain niveau de vie et standard bien au-dessus de celui du quinquagénaire.

Il fut tiré de ses pensées par la voie de son interlocuteur qui lui demanda ce qu'il aimerait boire.
« Pas un champ de bataille, certes, mais un peu de vaisselle quand même... » Il posa les yeux sur ce qui semblait être un lave-vaisselle. Bon, au moins, ce serait rapide. Il retourna les pancakes qu'il était en train de faire cuire sur une grande poêle anti-adhésive. Pas mal ! Il faudrait qu'il regarde un peu la marque de celle-ci, cela l'intéressait grandement. Il n'avait pas beaucoup de moyens, mais il dépensait beaucoup en ustensiles de cuisine, comme certains le feraient en produits de luxe. C'était son luxe à lui ! « Je prendrais bien un café, s'il te plaît ! » répondit-il ensuite à sa question, tournant la tête pour lui offrir un sourire, et le regarder un peu. Andy ne savait pas à quel point il était fana de café, un peu trop même. Ce n'était vraiment pas sain une consommation pareille.

Il sourit de plus bel lorsque son amant de la nuit se rapprocha, humant avec plaisir l'odeur des pancakes en train de se former. « C'est ma recette secrète... Je la fais souvent et tout le monde en est ravi ! » S'il y avait un élément dans lequel Leslie était sûr de lui, c'était la cuisine. Il avait vraiment confiance en ses capacités là-dedans, et savait déjà que ce petit-déjeuner aurait de quoi séduire l'inconnu même un peu plus que les courbures de son corps. S'il n'était pas sportif, il était cordon-bleu ! Les pancakes, c'était l'une de ses spécialités, avec son coup de main pour les rendre aériens!
Il laissa la spatule en bois qu'il avait en main un instant pour aller chercher une des petites assiettes qu'Andy  avait sorties et déposées sur la table. Il y déposa ensuite avec soin une petit pile de quatre pancakes, et un œuf sur le plat, avant d'agrémenter le tout de quelques morceaux de fruits variés. Il fit un signe de la main à son amant nocturne pour venir s'installer à table et posa l'assiette, joliment présentée, devant lui. « Et voilà pour Monsieur ! » Il alla ensuite se servir la même chose, et posa sur une dernière assiette le reste des pancakes et des fruits découpés en morceaux. Heureusement que ce type mangeait bien, parce que sinon, cela aurait été plus compliqué de faire quelque chose de sympa et présentable.

S'installant face à son hôte, il lui sourit de nouveau, les yeux pétillants. « Bon appétit ! » s'exclama-t-il avec enthousiasme.

Leslie ne put que remarquer que Andy buvait son café comme lui, noir. D'ailleurs, heureusement que l'écrivain n'aimait pas ajouter du lait ou du sucre dans sa boisson chaude, sinon, il aurait une dose démente chaque jour, vu le nombre de cafés qu'il se servait. La dernière fois qu'il avait vu un médecin, celui-ci lui avait demandé de réduire les quantités, mais pour le moment, notre brave homme n'en avait pas trouvé le courage, cédons à cette addiction avec plaisir.

Lorsque son interlocuteur lui parla d'ingrédient secret étant l'amour, il prit une mine faussement embarrassée, avant de répondre, d'un air surpris : « Comment t'as deviné ? » Les yeux écartés, la face choquée. Puis, il explosa littéralement de rire. « Non, je déconne. Un secret est un secret, cela ne se dévoile pas ! » ajouta-t-il doucement, souriant, avant de finalement les servir à table. Ils s'installèrent et commencèrent à déguster les pancakes. Rien de meilleur après le plaisir du soir, qu'un nouveau plaisir, cette fois gustatif, au petit matin. Quel délice ! Leslie ne savait pas trop pourquoi, mais il prenait bien ses aises, chez Andy. Il se sentait bien, alors qu'il n'était censé qu'être le coup d'un soir que l'on oubliait le lendemain. Il se dit qu'il avait bien envie de le connaître davantage, ce garçon.
Il rougit face au compliment de l'autre homme. Il haussa à sa remarque. Il y avait songé, faire de sa passion son travail, ouvrir un restaurant ou quelque chose comme cela, mais pour ce faire, il fallait des fonds, au moins une bonne base... Et c'était à peine s'il parvenait à économiser une ou deux centaines de dollars par mois.

« En fait... Je dois t'avouer un truc... » commença-t-il, laissant quelques secondes passer pour faire perdurer le suspens, avalant un autre morceau de pancake. « Je ne suis même pas manager. Je suis juste équipier, mais vu mon âge, quand le manager n'est pas là, je me fais passer pour le responsable. Tu as vraiment fait peur à ma collègue hier soir. » expliqua-t-il simplement, en toute honnêtement, découpant un nouveau morceau de fruit. « On a souvent des enragés alors c'est plus simple d'accéder à la demande des clients et d'aller chercher un 'responsable' ». conclut-il par un sourire. Il n'allait pas se lancer dans les détails au sujet du fait qu'en vérité, bien que sa passion soit la cuisine, il était écrivain et illustrateur. C'était le domaine dans lequel il voulait se faire connaître, in fine, sans pour autant avoir des ambitions de célébrité internationale.

Lorsque Andy lui répéta que son petit-déjeuner était excellent, il sourit de nouveau, jovialement. « Merci. Je suis absolument ravi que ça te plaise. » dit-il. Il hésita un petit moment, ne voulant pas dépasser les limites, mais finalement, se lança. De toute façon, son interlocuteur n'hésiterait pas à le remettre à sa place s'il n'avait pas envie de répondre. « Et toi ? Tu fais quoi de ta vie à part ramener des inconnus qui sentent la frite dans ton lit ? » demanda-t-il, haussant les sourcils.

Leslie rit de plus bel à l'air faussement outré et la remarque de son interlocuteur. Non, il avait le sens de l'humour et cela lui plaisait grandement chez un homme ou une femme, d'ailleurs. Avec son épouse, ils riaient beaucoup ensemble, c'était un peu la fondation sur laquelle leur couple avait commencé. Ils avaient été heureux ensemble. Aujourd'hui, il pouvait repenser à elle sans tristesse, après plus de vingt ans de deuil. Il n'avait pas eu le temps de penser à lui, avec cinq enfants très jeunes dont il devait s'occuper. Il avait mis de côté son chagrin et ses soucis, pour ne se concentrer que sur ses petits monstres. A présent, c'était des adultes, et ils lui causaient peut-être encore plus de problèmes que lorsqu'ils étaient tout petits et salissaient les couches à longueur de journées.

« Oh, et bien, je ne regrette pas ce mensonge, c'est certain... » répondit-il en lançant un regard langoureux à son interlocuteur, et passant sa langue sur ses lèvres pour rattraper du jus d'un fruit qu'il venait de croquer et qui coulait vers son menton, de façon bien plus que suggestive. Il songea alors à la fougue avec laquelle son amant l'avait embrassé la veille, comment c'était agressif et doux à la fois... Il n'avait même plus souvenir de la dernière fois où il avait ressenti un tel désir, mais aussi une telle tendresse de la part d'un partenaire physique. Andy ne se servait pas, mais il prenait le temps, il faisait les choses bien et doucement, avec beaucoup de douceur et de compréhension. Leslie avait trouvé cette première fois en compagnie d'un homme vraiment parfaite. Il ne se l'imaginait même pas passée avec quelqu'un d'autre, bien qu'il n'y avait pas de sentiments entre eux, et que Leslie portait l'amour en grande valeur.

Il rit de nouveau. « Haha, et non tu n'es pas un enragé ! Tu as été très cordial, elle a juste eu peur quand tu as posé le plateau un peu violemment sur le comptoir. Si tu savais le nombre de gens qui nous agressent quotidiennement pour une simple sauce oubliée, ou même une serviette froissée ! J'ai l'impression que le monde devient de plus en plus violent... » commenta-t-il simplement. Il savait que Andy avait demandé pour la blague, mais il voulait également s'assurer que c'était clair qu'il n'avait pas été méchant. Ces dernières années, il semblait à Leslie que les clients étaient de moins en moins sympathiques, plus pressés, plus violents.

Il dégusta encore quelques bouchées de pancakes, les mélangeant avec les morceaux de fruits, et termina son œuf au plat. Il haussa les sourcils de plus bel lorsqu'il lui indiqua être médecin légiste. C'était marrant. Leslie avait affaire avec des gens violents et Andy en ramassait les victimes.
« Ah oui ! J'imagine bien que l'odeur de friture, c'est du Channel n°5 pour toi alors. » commenta-t-il simplement. « Ce que je retiens, c'est que tu es médecin. C'est plutôt pratique pour un vieil homme comme moi ! » dit-il ensuite en riant simplement. Et bien oui, certes il s’occupait des morts, mais il avait bien fait des études pour comprendre les vivants ! Et il s'était choisi un compagnon plus âgé pour la nuit ! « En tous cas, je ne sais pas pourquoi, je t'imaginais pas médecin... plutôt un métier du numérique, va savoir pourquoi. Tu as la tête à écrire du code. »