NOT TODAY | XIVER

Le téléphone ouvert sur le comptoir du bar, elle tente de traduire l’idée du soir. « Vorrei … del vino. » C’est ce qu’il se boit ici, dans cette région, apparemment. Même si elle n’en est pas plus dingue que ça, que ça l’écœure, elle se dit que parfois, c’est nécessaire. Comme maintenant. Pour faire passer un plus important écœurement. « Un vino… rosso. » mais dés la couleur prononcée, elle a le liquide rouge et épais en tête, ça le dégoûte direct. « No, no rosso. » Bon sang, ce qu’elle aurait aimé que ce pays parle l’anglais. Alors elle s’excuse en un sourire gêné avant de se décider sur la teinte souhaitée. « Bianco. » plus doux que le rouge, s’apparente au sirop sucré s’il est moelleux, ce sera parfait pour adoucir ses pensées.

Parce que celles-ci n’arrêtent pas de tourner en boucle depuis qu’on le lui a dit. Elle n’a pas réussi à y croire, au début, évidemment. Mais elle vit dans un monde où la technologie règne en grande maitresse. Et elle avait dû faire face à la force de sa tristesse. C’est la seconde fois, qu’une photo lui fait cet effet-là. La seconde d’elle et lui. Non, en réalité, c’est plus douloureux aujourd’hui. « Grazie. » entourant ses phalanges sur le verre, prête à se noyer. Ce sera toujours douloureux de l’aimer.

L’image tourne et se retourne dans sa tête, plus que la colère, elle se sent des plus bêtes. Lui qui disait que la rousse s’était trouvée de nouveaux intérêts. Quand elle porte son verre à ses lèvres, elle baragouine deux trois mots, entre l’anglais et le sicilien, elle ne sait pas. Son verre, ça, elle en a conscience et elle le boit, probablement trop rapidement.
Si elle avait boudé le vin en excès quasiment tout l’été, elle estime qu’ici et maintenant, il est totalement justifié. Elle fête les retrouvailles de Wendy et Sheng, si tant est qu’ils se soient, un jour, quittés.
Et son téléphone, encore déverrouillé sur l’application de traduction, se met à vibrer, elle observe le nom de Sheng s’afficher, mais elle ne répond pas de suite, elle préfère laisser sonner, le temps de traduire ses volontés, déterminée, et confie au serveur, comme s’il s’en souciait. « Questo è un bugiardo. » qui l’appelle alors c’est pour cette raison qu’à peine décroché, elle articule, sans même l'écouter coupant court à ce qu'il vient de supposer, l’accent appuyé, « Mi dispiace, signor Xian, ma non sono disponibile al momento. Sono al bar dell'hotel e mi sto divertendo. » Pour raccrocher, blasée. « Un altro. » mais même le vin ne pourra pas l’aider.

Ca c’est un menteur.
Je suis désolé, M. Xian, mais je ne suis pas disponible pour le moment. Je suis au bar de l'hôtel et je prends du bon temps.
Un altro.

La chaleur de son premier verre s’est déjà insinuée dans son être, et quand elle attrape le second, il reste dans sa conscience une voix qui lui dit de ne pas le faire. Elle lui rappelle qu’elle ne tient pas l’alcool, que ce n’est pas une bonne idée, que cette photo, ce baiser, n’est qu’une nouvelle épreuve à surmonter. Qu’elle se doit de lui donner une chance d’explication.

Mais elle n’en a pas envie, n’est pas décidée, ce qu’elle souhaite s’est s’essayer à effacer ce qu’elle a vu, comme un cauchemar redevenu réalité. Alors sa colère et son aigreur, elle tente de les effacer en buvant une autre gorgée. Et parce que la brune ne tient absolument pas l’alcool, le point positif dans toute cette foutue histoire, c’est qu’elle ne mettra pas longtemps à être désinhibée.

Tandis qu’elle est en train de boire, achève le second rapidement pour demander le troisième, elle est paralysée par la voix derrière elle, « C'est quoi le divertissement ? » le regard qu’elle lui décoche est teintée de noirceur, reflète de son cœur la douleur. Et elle sourit, avant de reprendre son téléphone en main, rédige les mots avant de lui chantonner, pour que le barman entende, exprès, « Ho intenzione di chiedergli se vuole dormire con me. » le serveur est visé, le cellulaire glissé vers Sheng, pour qu’il puisse lire, et achève l’idée, « Perché un bacio non basta. » Un pied d’égalité, n’est-ce pas ? Il embrasse Wendy, elle passe la nuit avec lui.

Je compte lui demander s'il veut coucher avec moi
Parce qu'un baiser n'est pas suffisant

L’irritation qui découle de l’œillade qu’il lui lance ne fait que décupler celle d’Haiwee. Elle déteste lorsqu’il feint l’innocence, lorsqu’il s’amuse à celui qui ne comprend pas. Comme si sa mémoire était défaillante, une amnésie qui ne concerne que les détails de sa relation avec Wendy. Mais ce soir il a probablement tout gagné, elle en a marre de jouer. « Un verre, » Elle hausse les sourcils, pas même un peu touchée par la mauvaise humeur qu’il affiche. Il n’a pas de quoi se mettre en rogne, après elle, elle n’a encore rien fait. N’a fait que faussement l’envisager. « Un Negroni. » si bien qu’elle en avale une autre gorgée, soupire comme si sa seule voix parvenait à l’agacer.

Il lui rend son téléphone, et elle tapote dessus deux trois fois avant de le verrouiller, il n’est plus nécessaire de renier l’anglais. Les idées essentielles à présent posées. « Tu m’expliques… » Elle cède à la nervosité en un rire incontrôlé, le cœur à la dérive, l’esprit mélangé. « J’sais pas Sheng, c’est plutôt à toi de m’expliquer. » De sortir les rames, d’essayer de ne pas te noyer. Pour changer. D’en finir avec les mensonges. D’être honnête… De la laisser tomber, peut-être. « Je ne fais que suivre les règles de ton jeu, amore mio. » plus aucune tendresse dans ces mots, l’affection qui menace de partir à vau-l’eau.

Ses ongles qui tapotent sur le bois du comptoir, ça a le don de la rendre encore plus irritable, elle a presque envie de plaquer sa paume dessus pour l’empêcher de bouger, mais le refus de le toucher est encore plus puissant que cette volonté. « Tu devrais arrêter, » Encore un regard noir à son égard, se mord la langue pour se retenir de cracher qu’il est très mal placé pour la conseiller. « Et me dire exactement ce que tu me reproches. » Elle pouffe encore une fois, agacée. C’est toujours à elle de le faire, constamment en train de devoir le mettre devant le fait accompli. Jamais il ne prend les devants et vient lui dire les choses de but en blanc. Alors ce soir, elle se comporte comme lui, tout simplement. « Ce que je te reproche… » comme s’il y avait de quoi se poser la question. « Laisse moi réfléchir. » A l’évidence, lui, ne se sent coupable de rien. Mais parce qu'aucune prise de conscience de sa part ne vient, « Allez, je suis gentille. » Elle se force même à sourire derrière son verre, « Je veux bien te donner un indice. » Une opportunité, une véritable chance de s’en sortir, à voir s’il va la saisir. « Rousse. » A son homme, toute dévouée, la réponse à cette devinette, elle lui a quasiment donnée.