La forêt regorgeait de tous les silences dont manquait le terrain. Là où les OPEX n'étaient que stimuli, la nature lui avait toujours offert le repos nécessaire, une porte de sortie temporaire. Un nouveau souffle qu'il retrouvait aujourd'hui, entrouvrant ses lèvres pendant que Charlie en dessinait les contours.
Les mémorisait-elle pour un dessin prochain ? Le chemin de ses doigts qui s'attardait sur son épiderme donnait naissance à des fourmillements plaisants, influant sur les respirations de plus en plus profondes de l'ancien militaire. Tout ce qu'elle ne disait pas, Lewis pouvait le percevoir dans le moindre de ses regards, le traduire dans chacun de ses gestes tendres.
C'était entre ses mains qu'il laissait son corps meurtri s'abandonner. L'aurait-elle seulement regardé si elle avait rencontré le soldat avant l'homme ? La barbe fournie qu'il arborait aujourd'hui était un premier signe extérieur de lâcher prise, elle n'aurait pas eu sa place dans les campements. Mais elle avait toute sa place entre les doigts amoureux de Charlie. Leurs lèvres s'unirent pour former un
tout parfait, la main de Miles gravitant entre ses mèches claires. Dans un délicieux effet miroir, la main de Lewis suivit un itinéraire presque identique au sien, plongeant lentement dans les cheveux bruns de Charlie pour se positionner derrière sa nuque.
Tu en oublierais les moustiques... et les bruits extérieurs ? plaisanta Lewis avec un rire qui mourut contre les lèvres de Miles. Avec elle, le temps s'étirait. Charlie avait fait plus que l'accompagner, elle donnait vie
à son paysage. La sensation de son corps qui se superposait au sien lui coupait le souffle et la simple suggestion de Charlie suffit à réveiller son bas ventre.
Mais qui suis-je pour t'en priver ? souffla Lewis avec un sourire voilé,
heureux. Après avoir dansé sur son corps, ses mains caressaient désormais la peau de son cou et il avait du mal à croire que son amour était une offrande
après le chaos de la guerre. Le souffle discret de sa petite amie, contre son oreille, avait remplacé le bruit des explosions, abreuvant chacun de ses sens avec bonheur.
Bacio... L'italien naissait avec grâce entre les lèvres de Charlie, un mot indéniablement teinté de la nostalgie qu'il ressentait lorsqu'il pensait à ses racines. Au soleil de Palerme qui se déployait dans ses gènes. Jouant sur ses abdominaux musclés, Lewis se redressa doucement pour cueillir les lèvres de Charlie.
Il inspirait et expirait entre elles, il y dessinait de nouveaux souvenirs aussi. Le sourire de Lewis se fit plus large, sa poitrine se gonflant sous une force invisible.
Eu te amo... répéta l'ancien soldat, parce que c'était la pensée qui le traversait de part en part à chaque fois qu'elle était dans la même pièce, le même univers que lui. Les quelques mots de portugais soufflés par Miles lui étaient familiers, parce qu'il les avait déjà entendus mais la différence était que leur sens était aujourd'hui différent.
Exacerbé. D'ordinaire plus discrète et moins volubile, Charlie venait de doucement inverser la vapeur. Elle lui offrait des attentions nouvelles, des mots peut-être refoulés mais qu'elle laissait désormais vivre.
Tu es ma personne préférée, c'est bien ça ? l'interrogea Lewis en quittant l'oasis que représentait ses lèvres pour embrasser son front. Sa bouche s'y pressa avec tout l'amour qui l'animait lorsqu'il s'agissait de Charlie.
Parce que toi aussi, Charlie. Toi aussi, tu es ma personne préférée. E ho bisogno di te... Il avait instinctivement ajouté ces quelques mots d'italien, sans même y penser.
Rendors toi... ça ira, murmura Coleman du bout des lèvres. Il souriait tandis que son regard survolait le moindre point de contact entre leurs deux corps, s'attardant sur le T-shirt qu'elle lui avait emprunté et s'échouant finalement sur la colline que formait sa joue rosée. Dans une énième expiration, son torse nu s'abaissa une nouvelle fois. Lewis glissa doucement à l'intérieur du duvet, quittant l'étreinte de Charlie le temps de retrouver son pantalon de pyjama dans l'obscurité prégnante. Coleman l'enfila mais laissa délibérément son T-shirt au sol, il supporterait la faible chute des températures prévue pour la nuit.
L'essentiel était ailleurs ; la chaleur des doigts de Charlie effleurant directement sa peau, il avait besoin de la sentir.
A demain, dit Lewis d'une voix faible, son menton posé sur les cheveux de Charlie. Sous son T-shirt, sa cage thoracique enflait à un rythme régulier.
Elle dormait déjà. [...]
Encore lourdes, ses paupières refusaient de se soulever alors que le reste de son corps commençait à doucement s'éveiller. Un sourire fugace apparut sur les lèvres closes de l'ancien militaire tandis que l'un de ses pectoraux le démangeait, un frisson qui se propagea dans le creux de son cou et se diffusa dans le côté gauche de sa mâchoire. La fatigue l'enveloppait encore alors qu'il lui semblait avoir fait une nuit quasi complète. Etait-ce le cadre, la présence de Charlie ou son début de thérapie qui agissait ? Lewis émit un faible grognement sans se départir de son sourire. Son bras gauche se glissa dans le dos de Charlie pour la rapprocher de lui, juste avant qu'il ne dise :
J'aime ces réveils... Les yeux fermés, le monde autour de lui restait aveugle mais c'est au contact des baisers de Charlie qu'il s'animait. Leurs jambes avaient dormi enlacées et ni l'un, ni l'autre n'avait brisé l'étreinte de leurs corps pendant la nuit. Ses paupières s'ouvrirent enfin sur un environnement flou, ses yeux directement happés par le brun profond des pupilles de Miles. Volontairement, il n'avait pas mis de réveil - comptant sur son horloge interne - mais le soleil qui filtrait à travers le tissu de la tente lui semblait déjà haut.
Bonjour Charlie, dit-il en embrassant son épaule.
Un geste qu'il lui avait emprunté. Son T-shirt, trop large pour elle, avait glissé pour dévoiler un carré de peau. Son visage levé vers lui, il caressa sa joue du pouce. Charlie avait l'air plus reposée que jamais.
Tu as bien dormi ? l'interrogea t-il tendrement avant d'ajouter :
Et comment va ton genou ? Charlie le fit glisser sous le duvet pour le remonter et l'offrir à son regard. S'ils allaient devoir refaire un nouveau pansement avant de prendre le chemin du retour, la tâche brune ne s'était pas étendue. Signe que le saignement s'était tari pendant la nuit. La pulpe du pouce de Lewis épousa brièvement la zone située sous sa blessure.
On refera un pansement propre avant de partir mais en attendant... Petit-déjeuner ? Lewis releva ses yeux rieurs sur elle avant de déposer ses lèvres sur les siennes.
2 juin 2024, Middlebury. Nous voilà. Accroupi, l'ancien militaire récupéra le haut de pyjama qui avait dormi sur le sol et joua du zip de la tente pour l'ouvrir. La fraîcheur matinale couplée aux rayons du soleil inonda bientôt l'intérieur.
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