(marley) t'es à la fois le calme et la confusion de mon coeur

Sac à dos sur les épaules, un autre placé contre mon torse, je marchais depuis j'sais pu combien de temps. Le soleil me brûlait la peau, j'avais des gouttes de sueur qui dégoulinaient le long de mon front et de mon dos. Plusieurs kilomètres de parcouru, j'avais pris quelques pauses pour m'hydrater. Si j'avais fait mes recherches sur google avant de partir pour le spring break, je pensais pas que j'allais autant m'enfoncer dans la forêt pour faire du camping. Autour de moi il n'y avait rien d'autre que des arbres, des rochers et un chemin qui menait tout droit à l'endroit où j'allais passer la nuit. À l'aide de main, je l'agitais pour faire du vent en direction de mon visage. J'crevais de chaud putain. Trois kilomètres plus loin, je m'arrêtais près d'une petite rivière -qui était d'ailleurs très propre selon de ce que j'avais pu lire, pour venir me passer de l'eau sur le visage et me rafraîchir vite fait. Encore une bonne heure et je serai arrivée. Lorsque je me relevais, j'apercevais une personne plus loin, en train de galérer pour chercher du réseau. Plaçant ma main sur mon front pour mieux voir, je reconnaissais.. Marcus. Wtf. « Marcus ? » demandais-je, l'étonnement sur mon visage me trahissait.

Essoufflé, trempé de sueur, je m'arrêtais un instant pour boire, observant le paysage magnifique qui m'entourait. J'étais parti sur un coup de tête, poussé par un besoin viscéral de calme et de solitude. Depuis mon arrivée en Floride, je n'avais cessé d'être suivi par les paparazzi, observé dans mes moindres faits et gestes, dans chacun de mes déplacements. Ils avaient beau se faire discrets, j'étais malheureusement devenu un radar à moustique, en permanence sur le qui vive. Dimanche, nous avions fini par leur donner ce qu'ils voulaient avec Saphyr, jouant le parfait petit couple pour redorer notre image comme nous l'avaient si bien demandé nos paternels respectifs. Et enfin, pour la première fois depuis plus de quinze jours maintenant, ils commençaient à me lâcher la grappe. Poussé par un besoin d'évasion, j'avais choisi le premier itinéraire trouvé sur google pour une randonnée et sac sur le dos, j'étais parti pour ce que je pensais être l'après-midi. Mais au fur et à mesure que les heures défilaient, je commençai à me dire que j'avais sous-estimé sa durée. Ou peut-être avais-je mal lu ? Soudain, je réalisais que je m'étais peut-être un peu trop laissé porté par les choses. Avais-je seulement le temps de faire demi-tour avant la nuit ? Rangeant ma gourde dans mon sac, je sortais mon téléphone, commençant doucement à m'affoler en voyant l'heure. Merde. « Mais quel débile » lâchai-je tout haut. J'avais beau me trouver dans un endroit paradisiaque, je ne me voyais pas faire le chemin arrière dans le noir complet. Voyant que je n'avais pas de réseau pour appeler Kenneth, je me déplaçai vainement, essayant de voir si je pouvais capter quelque part. « Marcus ? » Surpris d'entendre mon prénom je me retournais, reconnaissant... Brinley. « Salut.. ? Qu'est-ce que tu fais là ? » demandai-je, m'attendant à tout sauf la voir ici, dans un tel contexte. « T'as l'air... bien équipée » notai-je, me sentant de plus en plus con.

Y avait tellement d'endroit où il aurait pu se trouver. Genre sur un transat, une plage privatisée, même sur un bateau privé loin de tout ce peuple. Le retrouver ici, en pleine forêt? Jamais de la vie. Seul ? Encore moins. Depuis quand il était devenu Arthur l'aventurier ? Il avait vraiment pété un câble ou ça se passe comment ? Trop de questions me traversaient l'esprit. Je regardais autour de moi, il n'y avait personne d'autre que nous ici. Je me rapprochais de lui pour réduire cette distance, j'étais pas non plus une sauvage. « J'explore le coin et toi ? » J'étais certainement pas en train de jouer à cache-cache au milieu de nulle part, à des heures de mon hôtel. Déjà quatre jours que nous étions arrivés en Floride et fallait qu'on tombe l'un sur l'autre ici ? Gracie m'avait dit qu'il serait là mais j'avais pas trouvé le courage de prendre les devants pour aller le voir, briser la glace pour qu'on puisse communiquer ensemble. Avec nos caractères respectifs, ça aurait dégénéré. Là maintenant qu'il m'avait devant lui et vice versa, je savais pas dans quelle optique il était. Qui sait, peut-être que je venais de gâcher sa fin de journée. C'est ce que je comprenais dans le ton de sa voix, après peut-être que c'était pas ça non plus. « T'as l'air... bien équipée » J'ouvrais et refermais la bouche, parce que j'allais justement lui faire remarquer à peu près la même chose. Il n'allait pas aller loin avec sa gourde et son sac à dos lui. « Je me suis préparée en conséquence pour faire du camping ce soir. » disais-je en me dirigeant sous un arbre pour être à l'ombre. « Toi par contre.. j'doute que tu tiennes toute une nuit avec ça. » poursuivais-je, me pinçant les lèvres pour pas me marrer. Je voyais ses traits changer, un énorme point d'interrogation s'affichait dans son regard. « Est-ce que tu t'es renseigné avant de t'engager sur cette piste les yeux fermés ? » Testons son jeu d'acteur tiens.  

J'étais pas prêt à la voir face à moi, m'étant clairement imaginé la croiser en soirée ou à l'hôtel où nous étions tous logés. Ca, je m'y étais préparé. J'avais même envisagé la possibilité qu'elle puisse être avec Braden. Mais pas à la voir ici, au milieu de nulle part. La dernière fois où nous nous étions vus je lui avais fermé la porte de chez moi au nez alors qu'elle avait tenté de s'expliquer... Ce simple souvenir parvenait à assombrir mes pensées, me ramenant à toutes ces émotions qu'elle m'inspirait: la déception, la peine et... ce foutu manque qui s'insinuait toujours, là, malgré toute ma bonne volonté pour passer à autre chose. « Du camping ? » relevai-je immédiatement, tiquant sur le mot, tout en l'observant se mettre à l'ombre. Et petit à petit, je comprenais à quel point je m'étais fourvoyé sur cette randonnée que j'avais pensé de courte durée. Oooh non. No way. « Ah mais je dors pas ici moi » répondis-je, catégorique. Plutôt sportif j'avais toujours aimé les randonnées et le calme que cela me procurait. Mais camper ? Au milieu de rien dans une tente pourrie sans matelas ? Hors de question. Je me concentrais immédiatement sur mon téléphone, cherchant à nouveau désespérément du réseau. « Est-ce que tu t'es renseigné avant de t'engager sur cette piste les yeux fermés ? » Mon regard déviait vers elle un court instant, agacé. Non pas par elle, mais plutôt de ma propre bêtise alors que je comprenais un peu plus à chaque seconde dans quelle mouise je m'étais mis. « Je... c'était pas écrit qu'il fallait camper ! » me défendis-je tant bien que mal. « Il faut que je reparte ».

Ça m'faisait mal au coeur de le voir, la scène qui tournait en boucle dans ma tête où il m'avait dit de me casser de chez lui en me fermant la porte pas une mais deux fois au nez. Depuis, on avait pas eu l'occasion de se reparler sauf en lien avec veritas mais les échanges avaient été virulentes. Donc ça comptait pas. C'était toujours pas clair dans ma tête mais une chose était sûre: je m'en voulais terriblement. Et il me manquait. Ceci dit, il m'avait blessé en couchant avec Saphyr pour m'atteindre. Leur plan avait bien fonctionné, quelque soit la part de vérité là-dedans. « Exact, l'endroit est parfait pour en faire. » Au fil des minutes qui s'écoulaient, l'attitude de Marcus changeait du tout au tout. Retirant le sac à dos que je portais contre moi, je croisais les bras contre ma poitrine. Lâchant un léger rire, je levais les yeux au ciel. Bien sûr qu'il allait pas dormir ici, il voyait un hôtel cinq étoiles dans le coin ? Moi pas. On en avait déjà parlé lors de notre premier date, Marcus aimait le confort. Le camping c'était sa phobie. Quoique, s'il y aurait eu des chalets ça aurait été une autre histoire. Silencieuse, je l'observais s'acharner sur son téléphone. Le mien était dans une poche dans mon sac, trop loin pour l'atteindre. Sûrement que son téléphone faisait défaut ou bien on était mal situés géographiquement parlant. Il prenait conscience de la situation suite à ma question. « Tu choisis une destination au pif toi sans même lire ?! » Parce que le meilleur allait venir, il était pas prêt. Il commençait à rebrousser chemin, me laissant en plan là toute seule. Great. « Mais Marcus tu peux pas partir ! La nuit va tomber et c'est à des kilomètres ! Le temps d'arriver ils auront déjà fermé le sentier par sécurité. » disais-je en le rattrapant pour agripper son bras.        

Comment avais-je pu être aussi négligent, moi qui pourtant avais l'habitude de tout contrôler ? Je ne me reconnaissais pas moi-même. Mais la simple idée de devoir rester là pour la nuit... ah ah, non. Du coup je m'acharnais à essayer de trouver du réseau pour appeler Kenneth à la rescousse. Honnêtement, je ne savais même pas ce qu'il pourrait faire pour moi à cet instant. M'envoyer un hélicoptère ? Peut-être, mais j'allais me ramasser tous les écolos du coin sur le dos. Et puis surtout, je n'avais toujours pas de réseau. Brinley elle, semblait hallucinée de mon manque d'organisation. « Ca va c'est bon ! J'ai pas réfléchis ok ? » lui répondis-je, agacé de me montrer si stupide devant elle. Elle qui en revanche, avait l'air d'avoir bien prévu le coup avec tous ces sacs. Comment pouvait-on avoir envie d'aller camper ? Tête brûlée je décidais de faire demi-tour. Tant pis si je finissais le trajet dans le noir. Mais à peine avais-je fais quelques pas que Brin s'interposait, m'attrapant par le bras pour essayer de me raisonner. Immédiatement je réagissais à son contact, des picotements parcourant ma peau, comme si mon corps tentait de prendre le pas sur mon cerveau pour me montrer à quel point elle ne me laissait pas indifférente. Je restais sans voix, méditant ses paroles tout en essayant de contenir ma rage intérieure. Elle avait raison, évidemment. Mais dormir ici ? En pleine nature ? « Mais j'ai rien avec moi à part de l'eau ! » m'exclamais-je, réalisant soudain que je ne m'étais pas dégagé de sa prise. Soupirant je m'éloignais d'un pas, m'asseyant sur un rocher pour regarder à nouveau mon téléphone. Toujours pas de réseau. L'écrasant dans mon point, une grimace sur le visage, je soufflais, à deux doigts de le balancer à l'eau.

« Ca va c'est bon ! J'ai pas réfléchis ok ? » Non sans blague ? Il réfléchissait pas à grand-chose ces derniers temps, peut-être que c'était sa solution rapide pour s'évader et changer d'air histoire de pas penser aux problèmes qui le tourmentaient, y compris moi dans le lot. « Peu importe, c'est pas mon problème. » Non mais ça allait pas l'faire s'il commençait à s'agacer sur moi parce qu'il s'était pas renseigné au préalable. Une part de moi voulait qu'il se casse pour le laisser se débrouiller tout seul alors que l'autre, voulait pas l'abandonner. C'est comme ça que serait notre seul et dernier échange après des semaines ? J'oubliais pas qu'il m'avait envoyé chier la dernière fois que j'avais tenté une quelconque discussion. Sans me poser de questions, je finissais par le rattraper en agrippant son bras pour l'arrêter. Je tentais par tous les moyens de lui faire comprendre que son idée de partir là maintenant était de loin la pire. Même moi je voudrais pas pas revenir sur mes pas à la noirceur, entourée de bêtes sauvages. Des plans pour mourir. Mes paroles avaient réussi à le stopper, le laissant sûrement perplexe devant cette réalité. « Calme toi et écoute moi putain ! » disais-je en le relâchant alors qu'il s'éloignait pour se poser sur un rocher avec son téléphone, toujours en détresse. « J'ai une tente et des provisions, des couvertures.. un briquet pour faire un feu. J'vais pas te laisser crever, j'ai un coeur. » Coeur que t'a blessé mais t'as l'air de t'en foutre anyway. « Après si c'est trop pénible pour toi d'être à côté de moi, vas y j'te retiens pas. » Je reprenais mon sac que je remettais contre moi, il était autant têtu que moi et j'allais pas réussir à le convaincre de rester.      

Plus les minutes défilaient, plus je comprenais que j'étais coincé là pour de bon. Et ça m'énervait à un point... Au delà du fait que l'idée de dormir dans l'inconfort -alors que j'étais en vacances, rappelons-le- m'agaçait énormément, je n'avais clairement aucun équipement pour. Je me voyais déjà devoir dormir en pleine nature à même le sol et non, je n'étais pas prêt. Une envie de noyer mon portable devenu inutile me prenait alors que Brin essayait toujours de me raisonner. Si on m'avait dit que ça serait elle la voix de la sagesse tien... « J'ai une tente et des provisions, des couvertures.. un briquet pour faire un feu. J'vais pas te laisser crever, j'ai un coeur. » Immédiatement à ses mots, je comprenais ce qu'elle me proposait. Elle et moi, dans une même tente. Toute la nuit. Pas vraiment le scénario que j'avais imaginé alors qu'on s'était à peine adressés la parole ces dernières semaines, et ce pour parler de nos déboires avec veritas. « Après si c'est trop pénible pour toi d'être à côté de moi, vas y j'te retiens pas. » dit-elle en prenant la mouche, ayant probablement à peu près la même image en tête que moi. Je soupirai, levant les yeux au ciel alors qu'elle était déjà en train de ramasser son second sac prête à repartir. Je me relevais, m'interposant face à elle. « C'est bon, je viens » dis-je, résigné malgré moi. « Merci » ajoutai-je, ayant bien conscience qu'elle aurait tout aussi bien pu m'envoyer chier par vengeance ou que sais-je. « Donne-ça » dis-je en récupérant son sac, le passant face à moi. Il pesait un certain poids et mine de rien, j'étais assez impressionné de voir qu'elle était arrivée jusqu'ici seule, aussi chargée.

Mon côté altruiste ressortait malgré tout ce qu'il y avait entre nous en ce moment. Faut pas croire que j'lui avais pardonné d'avoir joué avec mes sentiments pour se venger d'un truc qui voulait rien dire. C'était inimaginable que je le laisse partir non plus, y'avait aucune logique dans ma tête. Donc j'en venais à lui proposer de partager la tente avec moi, c'était soit ça soit qu'il dormait à la belle étoile mais j'crois pas que c'était le meilleur moyen pour tenter de le reconquérir. Fallait que je mette de l'eau dans mon vin, comme quoi le coeur et la raison.. c'était une guerre perpétuelle. M'enfin, je finissais par lui donner le choix de décider ce qu'il voulait. J'avais pas non plus oublié qu'il voulait que je lui laisse de l'espace, donc je me préparais à repartir sans attendre une réponse de sa part. Regarde Marcus, j'me casse toute seule comme une grande fille. « C'est bon, je viens » lâchait-il en s'interposant devant moi pour m'empêcher d'aller plus loin. Je relevais les yeux vers lui, perdue. « T'as peur de te faire dévorer par les ours, j'comprends. » Je me doutais que ça devait faire mal à son orgueil d'accepter ça, lui qui maudissait les lieux sans confort. « De rien. » Maintenant il avait aucun intérêt à me faire regretter. Il m'enlevait le sac que je venais de reprendre pour le passer face à lui, je pouvais sentir une charge en moins sur moi. On se mettait en route, sans s'adresser la parole. Après un certain temps, on finissait par arriver au plus bel endroit ever de Miami. « T'en penses quoi de mettre la tente là-bas ? demandais-je en pointant un coin où il y avait du gazon, histoire que ça soit plus confortable.    

— T'as peur de te faire dévorer par les ours, j'comprends. Je levais les yeux au ciel en entendant sa remarque, me détournant pour cacher ce petit sourire qui apparaissait malgré moi sur mes lèvres. On se remettait en route et j'en profitais pour essayer de calmer mes nerfs toujours à vifs. L'effort physique me faisait du bien, m'aidant à me concentrer sur autre chose que ce qui m'attendait. De temps à autre mon regard déviait vers Brin, déclenchant cette sensation bizarre en moi. Je ne savais pas vraiment comment me comporter avec elle. Je lui avais laissé une porte ouverte par messages quelques jours avant le spring break, pas vers elle pour lui signifier que j'étais prêt à essayer de lui faire confiance à nouveau. J'avais imaginé la retrouver durant notre séjour à miami mais une fois de plus avec Brin, rien ne se déroulait comme je l'avais prévu.
Petit à petit, le paysage laissait place à une nature plus dense, nous soulageant en partie du soleil qui commençait déjà doucement à finir sa course. Les arbres aux racines proéminentes longeaient une rivière à l'eau turquoise, si transparente que l'on voyait parfaitement le fond. C'était vraiment magnifique, le genre d'endroit qu'il faut mériter. Et au vu de la sueur qui perlaient nos corps, nous avions donné de notre personne. Je m'arrêtais à la hauteur de Brin, acquiesçant à sa remarque en essayant de chasser la mauvaise humeur qui semblait vouloir me gagner à nouveau à l'évocation du mot "tente". — Oui c'est pas mal, ça reste à l'abri des arbres pour pas avoir trop chaud demain matin. Je l'aidais alors à retirer ses sacs, sortant la tente de son étuis. Comment ça se montait ce truc ?