Pourquoi sa réponse ne t'étonne déjà plus ? Pour une évidence certaine, grincheux un jour, grincheux toujours. Mais cela ne t'empêchera pas de toujours pousser la provocation un peu plus loin. Comme là par exemple, en t'appliquant à faire ce chat grincheux sur son torse. Il pense que tu ne le vois pas tricher, certes, tes iris ne fixent que les traits de couleurs qui prennent formes petit à petit, mais tu le sens, ce regard sur toi et lorsque tu veux le démasquer, aussitôt, tu tombes sur des paupières fermées. Bien joué Lockhart. Au bout d'une heure, tu présentes ton œuvre et quand tu penses devoir mettre les voiles, sa réaction t'immobilise. Froissant les sourcils, tu ne comprends guère ce qui se passe. C'est totalement le contraire de ce que tu avais imaginé dans ta tête. Presque certaine qu'il t'aurait maudite pour dix années à venir. Et bah non. Monsieur semble tout à fait charmé par le résultat. — Attends. Deux sec... Main glissant sur son front pour vérifier sa température. Rien d'anormal. — Tu kiffes sérieusement ? Tu n'es pas en train de me jouer un mauvais tour-là ? Plan diabolique tombé dans les profondeurs de la déception. Toi qui pensais le rendre fou de rage après ça. C'est raté. Rire qui te prend aux tripes. Il va te rendre folle ce mec, à te prendre par surprise. — Du coup, puisque tu sembles si follement apprécier, je mérite une belle récompense digne de ce chef-d'œuvre, non ? Allez, tant que tu peux en profiter, tu ne te priveras pas de l'occasion, Julia.

Revirement de situation que tu n'avais pas prévu. Toi, qui aimais t’attaquer à des montagnes. La montagne, justement, venait de trembler, faisant un arrêt de freinage assez dur, entendant les plaquettes de freins souffrir le martyre. Tout ça, défilait présentement dans ta tête tandis que tu étais restée sans voix. Julia... Tu te rends compte que cette montagne sera plus difficile à graver que les autres qui ont défilé dans ta vie. De loin la plus difficile, c'est vrai. Mais ça ne te fait pas peur, non. Après tout, tout ce qui facile à obtenir ne t'intéresse pas trop. Regard qui valse entre le portrait du chat et les yeux brillants d'Iwan. Il kiffe le résultat, ça se voit. Et pour le coup, il t'arrache un léger sourire. Ta mission de le faire râler a fait flop, mais au moins, il est souriant, c'est le plus important. — Si j'avais su que ça te ferait autant kiffer, je me serais encore plus appliquée à la tâche. Quémandant une récompense, le garçon prend quelques secondes pour réfléchir et finalement, se tourne vers sa toile pour s'en saisir et te le tendre. Ah ouais, carrément ? Tu pouffes tandis que tu regardes la toile encore une fois. Vraiment pas joli, mais tu comptes honorer ta proposition et l'accrocher quelque part dans ta chambre en guise de souvenir. — Ce n'est pas vraiment ce que j'espérais comme récompense, mais j'vais la garder. Gardant la toile contre ta poitrine, tu réduis la distant entre vos deux corps. Visage qui se rapproche du sien, regard pétillant, iris qui capture les siennes... — Mes lèvres sont impatientes de pouvoir encore goûter aux tiennes là... Dodelinant de la tête, tu fixes ton regard dans celui de l'étudiant qui pouvait sans doute voir, les flammes danser dans tes yeux. Les traits envoûtants et aussi innocents qu'une biche.

Tu rêves ou bien monsieur vient de te faire une petite leçon de morale ? Tu n'es pas au bout de tes surprises Julia. Tu vas en voir défiler des tonnes de leçons, tu as l'impression. — Je t'ai dit que j'aimais bien me défouler en revêtant le rôle d'artiste, mais je n'ai jamais dit que c'était ma passion et que j'aimais ça au point d'en faire carrière. Comment si tu me regardes danser ? Il paraît que j'ai un déhanché divin. Lèvres pincées toujours avec ce regard espiègle. Regard qui trahit tes pensées, suivi même de tes lèvres qui s'expriment sans crié garde. Cette invitation à un baiser était tombé, seul, comme un rideau qui s’arrache avec le vent de la tempête. Et par son regard, tu décèles déjà ses intentions. Celles où il prendra un malin plaisir à te faire tourner dans le vide. Tu tends carrément le bâton Julia, manque plus qu'à pivoter pour recevoir ta petite fessée. — Je n'ai rien dit ? Fais comme. Main qui vient balayer tes longs cheveux châtains, mimant un sifflement dans le vent. — J'ai oublié qu'il faut que je débarrasse mes doigts de toute cette peinture ! Virevoltant avec rapidité ne voulant plus que ce regard perturbant se pose sur toi.

L'entendre te complimenter te fait sourire. Peut-être que dans une autre vie, tu aurais pu naître artiste. Douée pour le dessin et la peinture. Peut-être que tu aurais emprunté ce chemin, aurais fait carrière et aurais rejoins la longue lignée d'artistes célèbres. Mais pas dans cette vie, parce que pour toi, ce n'est juste qu'un divertissement dans lequel tu arrives à t'évader et à te réfugier pour oublier. Oublier ce monde et ses multiples problèmes. Pas une passion dans laquelle tu veux forger un nom. — Ce don ? Carrément ? Tu veux dire que tu me préfères largement à Picasso, c'est bien ça ? Personnellement, cet artiste ne fait pas partie de ton top, en vrai, tu n'as jamais réellement compris son art. Mais peut-être que d'autres oui, peut-être que de vrais artistes passionnés l'ont compris. — À partir du moment où quelqu'un se démarque des autres dans ce qu'il fait, cela devient un talent. Je peux t'assurer que tu n'auras jamais vu une danse de ventre aussi hypnotisante. Et ce n'est en aucun cas pour t'en vanter. Tu es douée, c'est tout, même plus douée que la grande Shakira. Si, si. Ouais, bon, t'abuses un peu Julia. Et tu vas de ce pas écouter les paroles du garçon et rapidement filer dans les toilettes pour te laver les mains. Tu reviens quelques petites minutes plus tard, regardes le garçon de tes grands yeux clairs. Considère son offre, qui est de lever l'ancre. — Et tu veux aller où, l'monsieur qui n'arrive pas à admettre sa défaite ? Sans que tu ne t'en rendes compte, il avait déjà regagné la sortie. Tu réduis rapidement la distance qui t'éloigne de lui en quelques enjambées. — Attends... Doigts qui agrippent sa main pour le tirer vers toi et l'obliger à te faire face. Sur la pointe des pieds, tes lèvres viennent caresser doucement sa joue dans un baiser. Pas besoin de quémander, si tu veux, tu prends Julia, mais tu préfères t'arrêter à cette légère marque contre sa mâchoire. Et sur ce geste, tu pousses enfin la porte pour sortir. Satisfaite.

Rien à dire, ça te fais juste plaisir que quelqu'un reconnaisse ton talent, même si tu ne compte pas en faire carrière. — Si tu veux, j'peux même te signer un autographe ? Je signerai pour mon premier fan. Avoues-tu en riant. Tu es comme ça Julia, tu aimes bien déconner. Rire. Taquiner. Enquiquiner. C'est plus fort que toi. Tu as ce besoin de l'être pour ne rien laisser voir. Pour que personne ne lise en toi. Mais parfois, tes émotions te trahissent. Parce que si tu es aussi douée en dessin, c'est grâce à ta mère. Tu tiens ce coup de pinceau d'elle et actuellement, ce n'est pas la joie entre vous tout comme avec ton père. Mais justement, tu ne veux pas y penser. Tu ne veux pas te laisser bouffer par les remords, persuadée d'avoir pris la bonne décision, pour ton bien mental. Mais aussi, tu ne peux pas nier qu'ils te manquent malgré le mal qu'ils ont pu te faire. — Façon, je commence à comprendre comment tu fonctionnes Lockhart, et tu n'y croiras pas tant que tu n'auras pas vu. Un jour, je te ferai changer d'avis. S'il y a une chose dans laquelle tu brilles comme une étoile, c'est bien la danse et oui, contrairement au dessin, tu aurais pu vouloir en faire carrière. Mais ton père a préféré que tu te lances sur ses traces et que tu lui succèdes lorsqu'il se retirera. Sauf que tu n'as pas envie de ça. Suivre le même chemin tout tracé. Heureusement que tu as quand même décidé de suivre des cours de danse. Ton petit caprice personnel, mais ça, il l'ignore et tu ne comptes pas lui dire. Puis de toute façon, t'as coupé les ponts. Il ne l'apprendra jamais de ta bouche. — Suivre sur le moment mes envies ? Oui, ça m'arrive quand la personne en face est inspirante. Parfois, ça fait du bien de perdre le contrôle. Lâcher prise. Ne plus réfléchir. Doigts qui s'empressent de glisser une mèche rebelle derrière ton oreille. Lèvres pincées accompagnées d'un sourire. — Mais avec toi, j'oublie à chaque fois que je ne peux agir sur un coup de tête. Par exemple, là, si j'ai envie de t'embrasser, je ne peux pas te voler un baiser. Sinon je risque de recevoir une fessée. Va falloir que tu apprennes à appuyer sur le frein lorsque vous vous voyez. Tu ne peux pas être cette Julia aussi folle et libertine de faire ce que bon lui semble. Tu n'aimes généralement pas restreindre tes gestes, mais il va falloir que tu le fasses quand même. En espérant que tu y arrives pour ne pas le faire fuir.