almost everything will work again if you unplug it for a few minutes, including you (charles&gigi)

the duo's flat. january 2023 w/ @Charles L. Davies
tw : violence conjugale, violence physique, dépression, colère.

La soirée au Nirvana a été longue et compliquée. Le changement d’ambiance ne plaît pas à tout le monde et j’ai passé de nombreuses heures à discuter avec des clients réticents, d’autres plutôt ennuyants et les coups de téléphone aux forces de l’ordre se sont multipliés. Usée, complètement fatiguée, je rentre à l’appartement avec un sachet plein de viennoiseries. Les croissants au beurre, les pains au chocolat et les chouquettes sont nombreux dans le sachet en papier et j’en prends un de chaque. J’ai besoin de ces pâtisseries françaises pour me remonter le moral avant d’aller hiberner pour au moins une dizaine d’heures. La tête dans le frigo, je cherche du jus et j'entends du bruit derrière moi. Il ne peut que s’agir de toi. De toute façon, je reconnais tes pas - bien qu’un peu plus lourd que ce à quoi j’ai l’habitude. Y a de quoi petit-déjeuner dans le sachet. Tu veux un jus multivitaminé ? Que je demande sans t’adresser le moindre regard. J’attends quelques secondes et quand je n’ai pas de réponse, je soupire profondément, m’apprêtant à te balancer un “oh, je te cause”. Seulement, il n’y a que le Oh - qui sort de ma bouche avant que mes yeux ne tombent sur ton visage. Putain ! Si le Oh étant assassin, le reste de ma phrase est plein d’angoisse et d’inquiétude. Le visage tuméfié, tu as sale mine. Je referme le frigo et m’approche rapidement de toi. Mais qu’est-ce que t’as foutu ? Et ne t’avises pas à me dire “tu devrais voir celui en face” parce que je risque de m’énerver sévèrement.

Home sweet home January 2023 w/ @Gigi Desrosiers

Je ne sais pas quelle heure il est mais la ville semble se réveiller quand j'arrive en bas de notre logement. Je monte les escaliers, comme pour sentir chaque douleurs dans mon corps, comme un châtiment. La porte passée, dans un réflexe je verrouille derrière moi avant de lâcher le trousseau sur le meuble le plus près. Le premier miroir me montre que malgré ma tentative de nettoyer le sang, il y en a encore du séché ainsi que des hématomes qui commencent à se former. Ta voix me fait quitter l'objet des yeux, la marche activée pour te rejoindre, conscient que tu vas avoir des questions à poser. Je n'ai aucun mot qui sort, comme pour te donner l'envie de te retourner et découvrir l'oeuvre. Ce que tu fais, parce que je te connais suffisamment pour l'avoir deviné. Dans la tentative d'un haussement de sourcils, je grimace parce que ma cicatrice me fait mal. J'ai dû prendre un coup dessus. Tu t'empresses de venir te placer face à moi, je te fixe le temps de réfléchir à savoir si j'utilise le sarcasme ou nan. J'me suis battu. La naturel est remonté et j'espère que tu ne vas pas trop m'engueuler. Parce que je me déteste assez de lui ressembler. J'suis pas trop amoché? Parce que dans mon boulot je ne peux pas me permettre de la jouer sosie de Rocky. J'ai l'image de l'hôtel à refléter, pas celle du club de baston d'à coté.

Le monde de la nuit n’est pas un milieu facile pour des tas de raisons. C’est difficile de contenir les gens, de les éduquer et de leur faire comprendre que non, le client n’est pas Roi. Mais il est aussi corsé de faire face à des personnes comme Charles. Quand je vois son visage tuméfié, le sang séché à certains endroits, j’hurle intérieurement. Les bagarreurs, ce sont les pires parce qu’ils ont l’impression que le monde leur en veut et leurs justifications sont toujours boiteuses. Si quelque chose ne va pas, il y a toujours le club de boxe du coin. No shit Sherlock ! Que je lance agacée en observant son visage. Je me doute bien qu’il s’est battu. Ou qu’il a été frappé. Mais il ne suffit qu’un coup d'œil sur ses mains pour voir qu’il n’est pas resté les bras croisés pendant l’altercation. T’es effrayant Charles. Que je réponds rapidement. Il doit s’attendre au pire plutôt qu’au mieux. Je soupire fortement, attrape un croissant dans lequel je mords en me dirigeant vers le congélateur. Je sors les petits pois surgelés et entoure le paquet dans un chiffon propre. Ta boss va te tuer. J’espère que t’es prêt à griller tes vacances. Que je souffle en posant doucement le chiffon sur son visage. J’ai envie de te tuer moi même. Pourquoi choisir la violence ? Et pourtant, j’en ai été victime. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi ce choix. La bassesse de l’humanité dans sa splendeur. Ce sont les animaux qui se battent, n’est-ce pas ? Enfin, peut-être qu’il a joué au chevalier qui vient sauver la demoiselle en détresse pour ce que j’en sais…

Home sweet home January 2023 w/ @Gigi Desrosiers

Effrayant? Pourquoi? Ce mot provoque un frisson qui va de ma tête à mes pieds, ou peut-être l'inverse. Parce que quand je suis rempli de colère, que je laisse l'impulsivité parler et que je termine dans la violence, je ne me fais qu'une réflexion : que les chiens ne font pas des chats. Et quand tu affirmes cela, je revois ma mère totalement épouvanter devant mon connard de père. Je ne veux pas lui ressembler mais je suis forcé de constater que son ADN coule bien dans mes veines. Je soupire, pour tenter de souffler au loin ces pensées quand toi tu te rapproches Ca peut se maquiller tu crois? Sinan j'lui demanderai de me trouver un poste temporaire où j'suis caché. Je grimace au contact du chiffon, de un parce qu'il est froid, mais aussi parce que l'alcool est descendu alors je ressens un peu plus la douleur. Dans quelques heures, je vais souffrir à certains endroits, je le sais. J'ai voulu m'excuser mais cet abruti a directement voulu jouer les gros bras. Sincèrement même si en ce moment ce n'est pas la joie, j'étais vraiment dans un mood festif sans la moindre envie de me bagarrer mais j'ai trop rapidement vrillé. Merci... Que je chuchote presque. Parce que je suis touché qu'à la place de m'étrangler, tu prennes soin de venir me soigner. Mes yeux dans les tiens, à ma manière je fais un aveu quand je ne prend même pas la peine de tenir le chiffon. Celui d'avoir envie que tu continues un peu à être attentionnée. Et toi? Comment était ta soirée? Parce qu'il faudrait vraiment me frapper fort pour que j'en vienne à ne plus me soucier de toi.  

Garder mon calme, garder mon sang froid, ne pas m’énerver. Voilà ce que je me dis quand je te vois la gueule amochée. J’arrive pas à comprendre comment t’as pu en arriver là. Y a quelques mois, on se prenait la tête parce que je trouvais que t’étais bizarre, que t’agissais d’une drôle de manière. Je savais que j’avais raison et que j’aurais dû creuser. Peut-être qu’on aurait évité ce carnage. Tu t’es pas regardé ? Que je souffle, presque défaitiste. Non mais sérieusement Charles. Je serre les poings, sentant la colère monter, me titiller dans le plus profond de mon âme. Ça va être la merde pour toi et je vais pas te lâcher. Non là je peux pas faire de miracles, ni toi. Que je lance, légèrement agacée. Tu ne peux pas t’en sortir comme ça à chaque fois, à coup de sourire et de gueule d’Apollon comme tu me le disais si bien il y a encore quelques jours. Là, on en est loin. Je soupire en m’occupant de lui et ne relève même pas ce qu’il me dit. C’est toujours la faute de l’autre mais vu la gueule de ses poings, il n’y est pas allé de mains mortes non plus. Mécanisme de défense, tout ça, je connais l’histoire pour avoir fréquenté des bagarreurs de première. J’ai bossé comme une tarée, comme d’hab. Rien de bien passionnant quoi. Les gars sont là pour tout mettre en place aujourd’hui, j’y retourne un peu plus tard. Mais pour le moment, je suis toujours face à toi, ne lâchant pas ton regard des yeux. Sérieux, pourquoi tu t’es battu Charles ? Et me dis pas pour rien, parce qu’on t’a bousculé ou quoi, faudrait pas trop me prendre pour une conne. Allez, c’est l’heure de la confrontation. Je sais que t’aimes ça autant que moi alors, pourquoi se priver ?

Home sweet home January 2023 w/ @Gigi Desrosiers

Je me suis regardé mais je tente de minimiser les choses afin de me rassurer. Je ne peux pas compter sur toi pour m'accompagner mais je ne t'en veux pas. On se sait, si l'un de nous ment, ce serait problématique. Ca fait chier. Je fais chier, je ne suis qu'un connard impulsif incapable de taire les pulsions violentes. Tu tentes de ramasser les pots cassés avec ce chiffon glacé qui malgré les contorsions de mon visage, apaise les endroits blessés. Pense à te reposer de temps en temps. Je me suis donné du mal pour avoir la pire tronche entre nous deux, alors vient pas concurrencer avec une tête de cadavre. Je te souris, nos yeux impossible à détacher. T'es entrain de me scanner? Parce que ce que tu me demandes me perturbe même si j'arrive à rester stoïque. Seulement le torse qui se gonfle pour la grande inspiration encourageante. Quoi te dire? Que si je pouvais résumer ce que je ressens pour toi, en un seul mouvement, je te giflerais et t'embrasserais en même temps. Que si je suis un don juan en ce moment c'est parce que la séduction est un costume que je porte, difficile à ôter. Un costume qui me fait parfois oublier qui se cache en dessous. La dernière fois que tu m'as demandé ça, j'avais une amie décédée. Là, j'en ai une qui s'est faite interner... Tu vas te dire que mon entourage est vraiment instable. Alors oué, ça joue un peu sur ma santé mentale et ma capacité à rester calme. En ce moment j'me sens... J'peux même pas dire que j'suis pas bien, c'est pas ça. J'suis juste à cran. J'ai souvent la sensation d'étouffer mais en étant incapable de reprendre une bouffée d'air frais. Si, j'en ai l'illusion quand je couche avec des inconnus, quand je suis plongé dans mon travail ou quand je suis un peu bourré. Mais quand je suis là à te fixer, c'est compliqué d'aérer l'esprit torturé.

La violence est la gangrène du monde. Ça m’énerve, ça me débecte presque. Je ne suis pas la plus douce des femmes de la ville mais en venir aux poings, ça me montre juste que la race humaine, bien que se croyant supérieure aux animaux, ne l’est pas du tout. Dire que je suis déçue de toi est un euphémisme. Mais j’ai pas envie de gueuler tout de suite parce que ça m’inquiète. Est-ce que t’as quelque chose de cassé ? Tu le mériterais mais quand même… J’ai de trop bons gênes pour te ressembler de loin ou de près mon chou. Que je réponds rapidement avec un léger sourire sur le visage. Je sais plus si tu sais Charles, mais j’étais reine de beauté il y a quelques années alors je connais toutes les astuces pour enlever les traces de cernes et la fatigue de mon visage. Je devrais partager certains de mes secrets avec toi mais j’ai plutôt envie de chercher ce qu’il se passe. Je t’écoute et fronce les sourcils. Moi qui pensais que j’avais mon lot de drames et d’histoires un peu perchées, je me rends compte que finalement, ça va plutôt bien à côté de toi. Je suis désolée de l’apprendre. Si elle s’est fait interner, elle doit pas être franchement stable mais c’est qu’elle accepte l’aide qu’on lui propose, où qu’on l’y a forcé. Pourquoi tu me parles pas de ces choses ? Je ne suis pas que là pour le faire chier, le pousser à bout et tout faire pour le faire crier. Je pensais qu’on était amis. Et je me rends compte que ça me touche bien plus que ce que je voudrais. Je suis presque un peu déçue - une couche de plus - mais j’essaye de ne pas le montrer. Tu devrais faire de la boxe. Ça pourrait t’aider à relâcher la pression. J’en fais pas mais moi, quand ça va pas, je danse au Nirvana quand y a personne. Ça me permet de me détendre et d’avancer. Au moins tu sauras te défendre. Le pic bien placé, ma grande spécialité.

Home sweet home January 2023 w/ @Gigi Desrosiers

Mes yeux dans les tiens, j'ai quelque peu envie de t'étriper parce que je sais au fond que tu as des astuces que tu ne veux juste pas partager; certainement pour me punir ou juste pour me faire chier. Dans les deux cas, ce n'est pas quelque chose que j'ai envie de valider mais je ne vais pas non plus en faire la remarque parce que pour ce soir, je me suis assez bagarré. Tu saoules. Balancé comme un je t'aime, du fond de mon coeur. Un coeur qui ces derniers temps, prend un peu cher avec les événements. Il y a des bonnes choses, mais je ne sais plus en parler parce que la tristesse est bien trop souvent en ma compagnie. Et justement, tu soulèves mes silences, sans te priver d'exprimer ta déception dans ta gestuelle que je sais parfaitement déchiffrer. Bien sur qu'on est amis. Un autre souci mais laissons. Je... Ne suis pas du genre à me livrer? Puis je n'ai pas besoin de continuer que tu me fais une suggestion de sport. Oué j'vais y penser. Et même quand tu es mécontente de moi, tu réussies à me piquer. Je roule des yeux, mais faut se l'avouer, moi non plus je ne suis pas satisfait. Je dois bien une explication sur la raison de mon manque de communication J'parle pas parce que j'ai toujours été seul dans ces moments là. Fils unique, loin d'être celui à papa et une mère tellement dominée et éteinte qu'elle n'aurait jamais su comment m'aider J'avais personne à qui raconter mes malheurs ou mes bonheurs alors... j'sais pas faire. Je me renferme et je gère à ma façon. Ho je sais que tu vas me dire que je ne suis plus seul, j'en ai conscience mais tu ne peux pas me blâmer pour quelque chose que je ne sais pas faire. Apprend-moi. J'veux pas te blesser. T'as pas interêt à penser que t'es pas suffisamment importante pour moi parce que j'arrive pas à me confier. Et j'insiste du regard pour appuyer que oué, t'as pas interêt. 

Je ne peux m’empêcher de partager mon plus beau sourire avec toi. Toi aussi tu me saoules Charles, surtout quand tu fais de la merde comme ça. Tu sais à quel point j’aime pas tout ce qui a rapport avec la police de près ou de loin et toi tu fais ça. Je sais même pas si j’aurais pu venir te chercher si t’avais fini derrière les barreaux pour décuver et tout ce qui va avec. Je ne sais même pas réellement à quoi consiste une cellule de dégrisement, j’y ai jamais mis les pieds et ça fait pas parti de ma bucket list. Je te regarde, attends que tu m’en dises plus, mais comme pour détendre l'atmosphère hyper tendu et réduire ma déception, je renchéris aussitôt, ce qui te coupe en plein élan. Ouai mais tu l’es plus. Que j’avance rapidement. Je veux que ce soit clair, tu n’es plus seul. T’as des amis ici, je le sais, mais tu m’as aussi moi et ce n’est pas rien. Je sais bien que la vie ne t’a pas fait de cadeau mais je refuse de rester spectatrice de ce débacle. Nos regards ne se lâchent pas et j’hausse les épaules. C’est un peu le cas pourtant, non ? J’ose pas le dire parce que j’ai pas envie que ça parte en crise mais c’est ce que je ressens. Tu me blesses pas. Là c’est toi que t’amoches. Et je bouge ma main libre devant ton visage. C’est pas moi qui morfle, c’est toi et ça ne me plaît pas. Puis sérieusement, je préfèrerais d’hurler dessus que t’es un gros con que de te voir comme ça. Ça serait plus nous en plus, tu ne crois pas ? Et tu sais quoi ? Je vais le faire. Y a toute l’énergie de la découverte de ton visage et du fait que tu ne me dises rien qui grondent en moi. Tu me fais chier Charles. Sérieusement. T’es inconscient et je déteste les hommes aussi faibles que ça, que toi ! Mon index est pointé dans ta direction et la colère monte un peu plus. Que t’ai des soucis, je comprends plus que n’importe qui. Par contre, que tu te comportes comme le dernier des connards, un peu moins. Et si ce type avait un couteau ? S’il t’a suivi jusqu’ici pour te coller une raclée dès que tu sors de l’appart hein ? C’est une vie dangereuse que tu veux ? Ça me rappelle presque quelque chose mais je ne sais pas quoi.

Home sweet home January 2023 w/ @Gigi Desrosiers

Nous sommes dans cette pièce, où tout s'est éteint, où le silence pèse plus lourd que les deux âmes que nous sommes. Nous sommes dans cette pièce, où l'on ne se retrouve plus, où nous nous sommes cependant connus. Le silence est un carnage alors on le remplit de tout ce qui n'est pas nous juste pour enfin réussir à respirer un peu. Oué c'est vrai, tas raison, je suis un peu comme une fêlure, une crispation incomprise et la douleur indélébile s'écrit sur mon front, tout mon visage même. Plus rien n'était assez bien, plus rien ne valait la perte que je me suis causé. J'ai le bide vide, le néant se creuse là où il restait encore un bout de vivant sur ma chaire. Ma cervelle se gonfle de futurs lointains, de rêveries et d'incertitudes. Mais là tu vois, à ce moment précis, j'aimerais bien que ta colère vienne soutenir la mienne. Ça voudrait dire qu'il reste encore un peu d'espoir. Qu'il reste… je ne sais pas moi, quelque chose, n'importe quoi, même un détail noyé dans le whisky, même un bout de route caché dans ce désert de bouteilles. Et alors que je te crois signer la résignation, la fin de l'histoire, l'abandon, tu sors enfin de tes gonds. Sans t'interrompre, je ne fais que te fixer jusqu'à tes questions Ca n'est pas arrivé. Les "et si" et tout ce danger. Par chance, Louise était dans le même bar. Elle m'a stoppé avant de m'aider à m'en aller pendant que tout le monde s'amassait autour de ce pauvre type. Tu me détestes? Ca me revient à l'esprit. J'te mettrai jamais en danger. Ca me fout en rogne que tu puisses penser ça. Oué je sens que c'est entrain de monter, je pince ma lèvre et je te balaye du regard désormais. Tu m'détestes? Je n'ai pas la force de revenir dans tes pupilles, apeuré de la réponse, flippé de ma réaction future. La douleur n'est presque plus sur mes blessures physique.