[Evelyn - Jessica] Perdue à Harvard

J’attrape mon sac et quitte la bibliothèque à la hâte pour rejoindre mon casier. Je me fraie un chemin à travers la foule, d’un pas rapide. J’ai encore du mal à me faire à cet endroit, parfois il m’arrive encore de perdre mon chemin, mais je dois dire que ce n’est en rien comparable à mes débuts ici, où même avec le plan que j’ai au fond du sac, me repérer était un supplice. Maintenant, c’est sans difficulté que je traverse le grand hall pour aller chercher dans mon casier, un bouquin à lire. Je compose mon code secret et l’ouvre finalement pour en extraire un petit livre relatant les frasques amoureuses d’une héroïne des temps modernes, pièce de théâtre actuellement étudiée en cours. Je referme finalement la porte en acier et me dirige un peu plus loin, dans un recoin pour observer les gens défiler. Ce n’est pas du pur voyeurisme, mais j’ai rendez-vous avec Eliah dans quelques minutes, et c’est toujours ici que nous nous retrouvions. J’en profite pour observer les gens, j’aime bien faire ça, et leur inventer une vie, des pensées, des discussions. C’est ainsi que mon regard se pose sur une jeune femme, à la silhouette élancée et à l’air pourtant si perdu. Elle semble ne pas se sentir à sa place ici et elle me rappelle moi, il y a quelques mois. Machinalement, je m’approche d’elle délicatement. « Excusez-moi, vous semblez perdue… Je peux vous aider ? » Dis-je finalement en priant pour qu’elle ne trouve pas mon geste totalement déplacée. « Au fait, je me présente, je suis Evelyn Campbell. Etudiante en théâtre, et toi, tu es étudiante aussi ? »

Je dus regarder la grande fille blonde qui m'abordait comme un naufragé regarde la bouée qu'on vient de lui lancer.
Je crois que je dus devenir toute rouge et balbutiai
"Perdue ? oh non... enfin un peu si... C'est vrai que c'est si grand ici ! Mais... à l'orgine je cherche à rejoindre l'amphi... l'amphi B07 je crois.. mais bon je crois que le cours est fini donc ça sert pas à grand-chose..."
Lorsqu'elle se présenta ce fut une nouvelle bouffée de joie.
« Au fait, je me présente, je suis Evelyn Campbell. Etudiante en théâtre, et toi, tu es étudiante aussi ? »
Elle était de grande taille, on aurait cru un mannequin. Une petite robe rouge et légère flottait autour de son corps harmonieux. J'étais flattée qu'elle s'intéresse à moi !
Ainsi mon rêve d'être intégrée à cette grande université aux étudiants beaux et brillants n'était pas tout à fait mort.
Je repris un peu d'assurance pour lui répondre
"Vraiment ravie ! moi je suis Jessica Collins, je suis en première année de sociologie"
»

Je souris à sa remarque. Combien de fois ai-je raté le début voir le cours tout entier à mon arrivée à Harvard ? Il faut dire que le campus est si grand et que lorsqu’on ne le connaît pas sur le bout des doigts, même le traverser devient une chose insurmontable. Je souris à la jeune femme, elle a l’air d’être une personne simple et douce. Ce n’est certes que sur son apparence que je me base en pensant cela, mais déjà, elle n’a pas jugé bon de m’envoyer balader, ce que beaucoup bien trop d’étudiantes prétentieuses auraient fait. « En effet, ce n’est pas évident de s’y retrouver… Mais pour la prochaine fois, sache qu’il n’est pas loin, il suffit de continuer un peu et de tourner à droite juste après les toilettes… » Dis-je finalement en souriant. Dans la foule, je cherche Eliah du regard, mais ne la voyant pas arriver je finis par me résigner, elle sera en retard, une nouvelle fois, mais cela ne me dérange plus vraiment. J’aurai ainsi l’opportunité de discuter un petit peu avec la jolie brune. Elle est en première année de sociologie, et j’admire ce choix. En effet, j’ai toujours voulu comprendre un peu mieux les gens qui m’entourent et la sociologie est très certainement la branche faite pour cela. « Enchantée Jessica. Je peux te proposer d’aller boire un café ? Ou autre chose, j’ai moi-même horreur du café… La cafétéria n’est pas loin… » Précisais-je finalement. Je nous fraie un chemin parmi les élèves qui se bousculent. « Sinon, comment se passe ta première année à Harvard ? Tu as choisi une confrérie déjà ? » Curieuse aurait pu être mon second prénom.

Evelyn J. Campbell a écrit:

Je suis aux anges pendant qu'Evelyn m'entraîne vers la cafeteria, le miracle est enfin arrivé et quel miracle ! Moi qui était prête à me lier d'amitié même avec la plus revêche des étudiantes s'il le fallait, il semble que je me suis faite une amie de bien plus haute volée !
Je sens mes chaussures comme portée par des ailes. Les autres étudiants ne me semblent plus si lointains ni si inaccessibles maintenant. J'évolue au milieu d'eux parfaitement à mon aise. Je suis l'amie de la belle Evelyn.
Elle me demande comment se passe ma première année.
D'un air un peu désinvolte, presque blasé, je lance "pas trop mal, les cours ont l'air intéressants" mais je ne peux m'empêcher d'avouer d'une voix un peu plus timide "bon c'est vrai que je connais pas encore beaucoup de monde en fait, je suis arrivée il y a à peine une semaine".
Une fois attablées, devant un coca light pour ma part, elle me demande si j'ai déjà choisi une confrérie. A vrai dire je sais vaguement que j'ai opté pour les Lowell, mais je ne vois pas trop de quoi il en retourne. J'ai peur de lui paraitre terriblement nunuche....
Néanmoins je réponds en levant le menton "Une confrérie ? oui bien sur, j'ai choisi de rejoindre les Lowell car je suis passionnée par l'art. Et toi tu en as une aussi j'imagine ?"

L’être humain est fait pour rencontrer des gens, pour vivre en communauté et je dois avouer que j’ai toujours aimé rencontrer de nouvelles personnes, c’est enrichissant à mon goût. Et puis Jessica a l’air si perdue que j’ai envie de l’aider à prendre ses marques ici comme j’aurai aimé qu’on m’y aide il y a quelques mois. Nous bifurquons vers la droite afin de rejoindre la cafétéria et rapidement nous nous retrouvons face à une immense porte battante que j’ouvre afin de la laisser entrer, je la suis de près et achète un jus d’orange avant de nous installer à une table. Tandis que je plante une paille dans la boisson, j’écoute attentivement ma nouvelle connaissance. « Et tu viens d’où si ce n’est pas indiscret ? » Je porte la paille à mes lèvres, et le breuvage sucré me redonne un peu de tonus. La vitamine C, il n’y a que ça de vrai. J’attrape dans le fond de mon sac mon téléphone portable pour prévenir Eliah que je ne suis pas à notre endroit habituel mais à la cafétéria. J’envoie rapidement le message pour ne pas paraitre impolie et reporte toute mon attention sur la jeune femme. Mes yeux émeraude détaillent sa longue chevelure brune. « Une artiste ? Quel genre d’art pratiques-tu ? » Demandais-je par curiosité. J’ai toujours aussi beaucoup aimé l’art, cependant, je n’ai pour cela, aucun don. « Moi je me suis inscrite chez les Cabot. Je ne sais pas si tu vois un peu qui nous sommes sur le campus. C’est une sororité, et on a pour devise ‘Travail, études, amour et fidélité.’ » Dis-je fièrement en souriant. « En tout cas, sache que même si tu fais partie des Lowell, tu es la bienvenue chez nous, les Cabot sont super sympathiques et elles sont toujours prête à aider une nouvelle arrivante à faire ses marques… » Et ce n’est pas uniquement pour vanter les mérites de ma confrérie que je lui donne ce petit tuyau. En effet, les Cabot ont toutes ou presque le cœur sur la main.

J'explique à ma nouvelle amie que je viens de New-York, une ville que je n'ai jamais quitté jusqu'à présent à vrai dire. Harvard est donc pour moi un saut dans l'inconnu et le début d'une nouvelle vie !
Et toi tu viens d'ou ?
Ca à l'air super tes études, qu'est-ce qui t'as poussé à faire du théâtre ?
J'imagine que tu veux devenir actrice ?
A un moment elle tape rapidement un message à son téléphone. Je conçois aisément qu'une personne comme elle doit être très sollicitée et ne suis que plus flattée du temps qu'elle me consacre..
Elle me demande quel genre d'art j'aime pratiquer.
J'explique que j'aime surtout la photographie. J'essaie de meubler un peu car en fait je suis très dilettante en la matière, mon appareil-photo est d'ailleurs des plus basiques qui soient, mais j'imagine que toutes les étudiantes d'Harvard ont énormément de passion et sont très impliquées dedans. Il ne faut pas que je paraisse trop néophyte aux yeux d'Evelyn !
Je balance un peu au hasard
Je photographie un peu de tout, des paysages, des monuments, des gens aussi,... des hommes, des femmes,...
Je m'arrête un peu brusquement en rosissant, par peur d'en faire trop. Il ne faudrait tout de même pas qu'elle s'imagine que j'ai des modèles à ma disposition.
L'idée me traverse alors d'avoir un modèle féminin comme elle. Avec un physique tel que le sien je pense que ma passion velléitaire pour la photo deviendrait tout de suite nettement plus prenante ! Comme cette idée s'impose à moi, je lâche sur le ton de la plaisanterie, histoire de voir sa réaction.
Je pourrais te photographier d'ailleurs si tu veux.
Elle me parle ensuite de sa confrérie, les Cabot, et me propose même de m'y rendre !
Évidemment que j'aimerais cela, de toutes façons elle pourrait me proposer n'importe quoi, je l'accepterais.
"C'est une bonne idée, j'irais avec grand plaisir, merci !"

La jeune femme me précise alors qu’elle vient de New York. Une New Yorkaise, enfin une personne qui peut comprendre à quel point l’acclimatation à Harvard est compliquée. Un sourire franc orne mes lèvres et je m’empresse de répondre. « New York ! Ca me manque, je viens aussi de là-bas en réalité, j’ai grandis là-bas et j’y suis restée jusqu’à septembre dernier… C’est fou comme le monde est petit mais je suis ravie de faire ta connaissance, tout le monde sait que les new-yorkaises sont les meilleures ! » Avouais-je sur le ton de la confidence. En effet, il n’y a nul doute possible, Jessica à l’air d’une personne réellement douce et gentille et elle semble être encline à faire de nouvelles rencontres, ce que j’aime moi-même faire. J’ai toujours été extrêmement sociable sans pour autant avoir une côte de popularité phénoménale. J’aime rencontrer les gens, découvrir, apprendre sur eux, mais je n’ai nullement eut le but ou l’envie d’être reine du bal ou ce genre de chose… La popularité a tendance à rendre les gens stupides et je n’ai nullement envie de faire partie de ceux-là. « J’ai choisi le théâtre parce que j’en suis passionnée, tant par le côté mise en scène, écriture des textes que par la comédie en elle-même. En réalité, j’ai déjà tourné dans des séries télévisées mais j’ai vite arrêté, je préfère fouler les planches d’un théâtre. Je veux être comédienne, mais je ne veux pas être une star… » En effet, je fais partie des rares personnes qui ne font pas cela pour la notoriété, au contraire. Je veux juste pouvoir avoir la chance de vivre de cette passion et ce même si c’est parfois difficile d’en vivre. La télévision ne m’attire pas et si je l’ai fait un temps pour nourrir ma fille, j’aimerai percer en tant que comédienne et non actrice. Mon téléphone vibre je jette un rapide coup d’œil à l’écran, et je lève les yeux au ciel en lisant le message de mon amie qui a tout simplement eut un empêchement. Dans un sens, cela m’enchante, ça me permet de passer plus de temps à découvrir Jessica. Je reporte toute mon attention à la jolie brune et écarquille les yeux face à sa proposition. « Et bien j’en serai ravie… Je suis timide mais je serai ravie de voir si tu as assez de talent pour faire de moi quelque chose de potable… » En effet, je n’ai jamais été persuadée d’être photogénique mais si elle parvient à me faire entendre le contraire, c’est qu’il s’agirait d’une réelle artiste. De plus, cela me permettra d’en savoir plus sur elle et sur son art… J’adore tout ce qui touche à la photographie, je suis admirative devant le talent de certains. A l’entrain dans sa voix lorsque je lui propose de rencontrer les cabots je sens que cette fille est vraiment une personnalité ouverte et j’aime déjà cela ! « Et bien tu es la bienvenue… Tu connais déjà un peu de monde sur le campus ou pas du tout ? » Demandais-je finalement. Je décèle dans le fond de la salle un jeune homme qui regarde en notre direction, avec insistance, il n’y nul doute il dévore Jessica des yeux et je souris en m’en apercevant. « En tout cas, il semblerait que ce garçon là-bas ait envie d’apprendre à te connaître… »

C'est une New-Yorkaise comme moi ! Tout de suite la complicité devient complète entre nous, comme si nous étions deux sœurs nous retrouvant exilées en terre étrangère.

Et tu es de quel quartier de New-York ? Moi je suis de Brooklyn.

Même si je n'en laisse rien paraître, je suis impressionnée par le pedigree d'Evelyn. Elle a tout de même joué dans des séries télévisées !
Une phrases qu'elle lâche suscite mon étonnement.
Ah bon tu as une fille ? Elle s'appelle comment ? Et elle a quel âge ?

C'est peut-être le moment d'en savoir un peu plus sur la vie sentimentale de la belle étudiante de théâtre.
Et le papa alors ? Tu es toujours avec ?
Ça doit pas être évident de conjuguer études et éducation d'un enfant !

Quand elle accepte ma proposition de la photographier je suis littéralement aux anges !
Je me fais la promesse d'acheter dès le lendemain un appareil-photo à la hauteur, même si j'y claque toutes mes économies. De toutes façons je me suis toujours dit que je m'achèterais un meilleur appareil, voilà l'occasion rêvée ! J'imagine déjà tous les clichés que je pourrais faire de ma belle amie si désirable...

Elle se penche soudain vers moi avec un air mystérieux et me dis qu'un garçon n'arrête pas de me regarder.
Je me tourne discrètement dans la direction indiquée, et je vois effectivement un grand brun baisser rapidement la tête, comme si je l'avais surpris dans sa contemplation.
Certes je suis toujours un peu flattée quand je suscite l'intérêt d'un garçon, mais comment expliquer à Evelyn que je ne ressens rien d'autre ?
J'espère qu'un jour elle pourra tout connaître de moi... pour l'instant ce serait un peu prématuré que de lui en dire plus...
Je me contente d'un "ouais ben tant mieux pour lui" qui sonne peut-être un peu brusque.
Et je reviens à mon obsession première :

"Sinon pour la séance photo on pourrait faire ça quand alors ? Demain soir tu es dispo éventuellement ?"

« Mes parents avaient un appartement dans l’Upper East Side. » Avouais-je à demi-mots. Cette époque me manque, la présence de mon père aujourd’hui décédé en particulier. Et il ne me suffit que d’évoquer ce passé heureux pour que ma voix ne flanche et que mes yeux ne s’embrument. Pourtant, je tente de ne rien laisser paraitre, en vain et je me focalise sur le verre posé devant moi. Je le porte à mes lèvres tandis que Jessica enchaîne sur une nouvelle question. Cette fois-ci, un sourire s’impose sur mes lèvres. Je suis un brin lunatique et je m’en rends compte. Je passe à la vitesse de la lumière de la tristesse à la joie, mais parler de ma fille me fait toujours cet effet. Parce qu’elle est la prunelle de mes yeux, c’est elle qui me donne la force de me lever tous les matins depuis un an, c’est pour elle que je me bats contre mes démons intérieurs, que je défie la vie malgré qu’elle m’ait enlevé mon père, malgré qu’elle m’ait imposé de si nombreuses épreuves, toutes plus douloureuses les unes que les autres… « Ma fille a treize mois. Elle s’appelle Aleyna-Molly. Elle est adorable. » Dis-je sur un ton admiratif. Je suis totalement folle de cette petite blondinette au regard azur qui court depuis deux mois dans tous les coins de notre appartement pour me faire devenir dingue. Cependant, la question suivante est plus délicate. Je me racle la gorge. « Le papa est partit avant même sa naissance. Enfin je ne veux pas que tu penses que ce n’est qu’un lâche. Il ne savait pas que j’étais enceinte en réalité. Il est partit du jour au lendemain après trois ans de relation, il a fui, il a changé de numéro, d’adresse. Alors je n’ai pas pu lui dire que j’étais enceinte quand je l’ai appris. Et puis je ne sais pas si j’avais vraiment envie qu’il entre dans notre vie après son départ sans explications… » Je m’arrête dans ma lancée en me rendant compte que je suis en train d’exposer tous ces détails personnels à la jeune femme aux longs cheveux ébènes. « Enfin, je ne voulais pas t’ennuyer avec tous ces détails… Mais c’est du bonheur d’être maman même si comme tu le dis ce n’est pas toujours évident de concilier tout cela avec les études… Avec de la volonté tout est possible, paraît-il. » Je hausse les épaules avant de lui faire remarquer le regard insistant d’un jeune homme dans le fond de la cafétéria. Elle se retourne brièvement sans y prêter une réelle attention et se contente de me faire comprendre que cela n’a pas d’importance. Ma nature curieuse reprend le dessus de ce pas, et je l’interroge d’une voix douce. « Il y a peut-être déjà quelqu’un dans ta vie pour que tu n’y prêtes pas attention ? Enfin je ne veux pas être indiscrète, c’est juste que je suis curieuse, un peu comme toutes les filles… » Voir plus que les autres… Je bois une nouvelle gorgée de mon jus et rebondit à sa question. « Oui bien sûr. Je me demandais si ça ne te gênerais pas aussi de photographier ma fille… Je suis gaga c’est certain, mais j’aimerai bien avoir des photos faites par une professionnelle d’elle… Je te paierai bien sûr si tu veux... » Je souris en la suppliant du regard. Je serai ravie d’être son modèle mais je doute légèrement sur mon côté photogénique… « Tu n’as qu’à venir à la Cabot House demain soir, ainsi tu pourras rencontrer les filles et je jouerai les mannequins… »