Hard time in good company ft. Flora (18.11)

Se doutait-elle du pourquoi les Coréens savaient danser ? Ji-hun n’hésita pas à venir lui souffler la réponse près de l'oreille : tout simplement parce qu’ils connaissaient déjà la choré (/Corée). Blague qui, après les quelques verres ingurgités, ne pouvait que faire marrer. Et il trouvait encore plus belles les femmes qui (sou)riaient. Ses yeux se bridèrent davantage lorsqu’il les plissa et, l’un en face de l’autre, en rythme avec la musique, ils prirent gaîment leur pied. Amusement validée, soif étanchée, le nord-coréen proposa à Flora de faire une pause et de prendre l’air. Il fumait, il apprit qu’elle aussi. Ils quittèrent la piste non sans s’assurer qu’ils ne se perdraient pas parmi la foule et prirent la porte. À bonne distance de l’entrée, ils sortirent tous deux un bâton de nicotine et embrasèrent le bout de la flamme du briquet. Première bouffée toxique, premier jet de fumée, ils soupirèrent de bonheur. Tu m’as donné chaud, toi aussi, répliqua-t-il. Parce qu’il avait dû se mouver plus qu’il ne l’aurait cru pour égaler son niveau – et peut-être aussi parce qu’elle était jolie, mais il n’en dit pas plus. Il prit une autre inspiration à-même le filtre avant de demander : pour te ramener, t’as quelqu’un ? Possible qu’il pourrait la raccompagner jusqu’en bas de son immeuble – ou carrément dans son appartement si elle en avait envie. Le brun leva ses sourcils interrogateurs mais, juste avant ou juste après sa réponse, ils furent interpellés par un mec qui semblait pressé. Il tendit un sac vers le duo, et demanda s’ils pouvaient le lui garder, parce qu’il avait « trop besoin de pisser ».

Flora avait donc l'intention d’appeler un taxi pour rentrer chez elle ; et lui, alors ? Mais elle ne sembla pas avoir fini de partager ses plans avec Ji-hun qu’un homme mystérieux apparut près d’eux et tendit un sac de cours. Il prétexta avoir une envie pressante, alors Ji-hun, trop aimable, attrapa l’une des lanières et délesta du bagage l’inconnu qui s’échappa dans la ruelle plus loin ; avait-on le droit d’uriner dans la rue, comme ça ? Pas le temps de se poser davantage de questions que la brune le fit à sa place. Non, répondit-il, pas l’impression. Pourtant le nord-coréen n’avait aucun mal à se rappeler des visages de ceux qu’il croisait. Il mit l’Eastpack sur l’une de ses épaules et interpella sa comparse fumeuse : hey, ça me va bien, tu ne trouves pas ? Le style nouvel écolier. Il avait plus l’habitude des sacs sophistiqués maintenant qu’il était doctorant, ou des sacs ballon quand il se rendait aux entraînements. Pile où il faut il tombe, en plus, fit-il en tournant la tête dans son dos. Là, dans le creux de sa colonne, la base du sac ne cachait pas ses petites fesses bombées que les femmes se plaisaient de s'arracher – de regarder ou de toucher ; vive la natation ! Il tira de nouveau sur sa clope avant d’user d’un brin d’excentricité pour poser, tel un mannequin. Attitude sérieuse, l’envie de rire pas si loin. Nouveau job étudiant ? Son mètre quatre-vingt-six siérait bien, en tout cas. Alors, insiste-t-il, les sourcils interrogateurs. Elle le trouvait comment ?

À ravir, hein ? Ji-hun agrandit son sourire et demanda : te raccompagner jusqu’à chez toi, tu me laisserais, si un sac comme ça j’avais ? Malicieux, espiègle, joueur. Ça faisait un moment qu’il n’avait pas eu l’occasion de se laisser aller avec une femme – autre que Joyce. Celle-ci semblait l’avoir mis de côté, et le travail que demandait sa thèse l’avait un peu détourné de cette façon si particulière de trouver sérénité et détente auprès du genre féminin. Préférait-elle les hommes au style studieux ou les fêtards ? Le nord-coréen pouvait être les deux. À répondre, ne te stresse pas. Je plaisantais, la rassura-t-il, même s’il espérait pouvoir à minima déposer un baiser sur sa joue à la fin de la soirée. La curiosité piqua la brune bien plus vite que le brun. Il haussa les épaules avant de lever un coin de sa bouche. Prêt à lui proposer de faire glisser la fermeture, des officiers les interpellèrent en pointant le sac du menton. Ils ne semblaient pas commodes, et le doctorant ne comprenait rien à la situation. Il fit glisser la lanière de son épaule et tendit le bagage aux forces de l’ordre, incapable de faire exactement ce qu’ils lui demandaient. Ils l’ouvrirent eux-mêmes, passèrent la tête au-dessus de l’ouverture à tour de rôle avant de se regarder. Ni l’une, ni l’autre des Harvardiens ne brillaient plus ; la fête était finie, ils voulaient les embarquer, pour discuter plus amplement au poste. Ji-hun abdiqua sans le moindre refus d'obtempérer. L’inverse aurait été pire, pas vrai ? Dedans, il y a quoi, tu crois, adressa-t-il à sa comparse avant qu'ils soient conduits au fourgon garé plus bas.

Place prise dans la fourgonnette en compagnie de Flora. Ji-hun aurait préféré finir la soirée dans de meilleures conditions. D'autant plus qu'elle ne n'avait pas semblé totalement fermée à l'idée qu'il l'accompagne jusqu'à son logement ; à moins qu'il s'était fait des idées ? Ahn, s'exclama-t-il à la supposition de la brune quant aux éléments qui étaient retenus contre eux. De la drogue, des bijoux volés, une bombe. Tant de choses qui pourraient compromettre son avenir aux États-Unis. Et si le nord-coréen paniqua, Flora s'énerva. Elle se fit remarquée pour ses mots et geste injurieux, et pour espérer l'empêcher de les mettre plus dans le pétrin qu'ils ne l'étaient déjà, il prit ses palmes dans chacune des siennes et serra ses doigts autour. Pour t'empêcher de parler, de mains je n'ai pas assez, fit-il remarquer d'un ton calme et posé, bien qu'intérieurement il s'inquiétait de la finalité. Il ne pouvait donc plaquer sa paume sur sa bouche, alors il murmura : à t'embrasser pour ça, ne m'oblige pas. Il tourna la tête vers la Méditerranéenne, et la hocha pour appuyer ses dires. Parce que si ça pouvait sauver leurs peaux et leur éviter des problèmes avec la justice, pour sûr qu'il le fera. Jusqu'au bout... Tranquilles, tenons-nous, lui suggéra-t-il en caressant de ses pulpes la peau des revers de mains de l'étudiante pour la rassurer, ça va aller... Ça va aller... Il répéta, comme pour s'en persuader lui-même ; ils n'avaient rien fait de mal.

Elle n’aurait pas été contre un baiser, c’était ce qu’elle venait de lui avouer dans cette fourgonnette qui les menait jusqu’au poste de police. Et lui, il aurait tout fait pour la charmer jusque là, dans l’espoir de poser sa bouche contre sa joue – ou sa bouche contre sa bouche, et plus encore, si l’embrassade leur aurait paru alléchante à tous deux ; fichu timing. D’avoir accepté de prendre le sac, je suis désolé , fit-il, sans lâcher ses mains. Sans ça, la soirée aurait pu connaître une toute autre fin. Il soupira avant d’ajouter : rien n’est joué. Ce qu’il s’est passé, il faut raconter. Voilà tout. Être honnêtes, ne rien omettre pour que sa version corresponde parfaitement à la sienne. Ils étaient innocents, et ils le savaient. L’un des agents leur rappela que les contacts physiques étaient interdits en cas d’interpellation, et pour ne pas aggraver leur situation, Ji-hun obtempéra une nouvelle fois. Ses mains lâchèrent à contrecœur celles de Flora. Le trajet se poursuivit jusqu’au bâtiment où ils furent séparés pour l’audition. Le nord-coréen raconta sa soirée, de son arrivée au club jusqu’à son arrestation, et décrit le physique de l’homme qui les avait accostés. Après quoi, il se délesta de ses chaussures, de sa ceinture, et d’autres effets personnels, avant d’être lâché dans une cellule provisoire. Flora, murmura-t-il une fois que l’agent eut disparu ; était-elle déjà ici ?