Un sourire amusé glissait sur mes traits lorsque je l’entendais parler des monstres sous nos lits, dans nos lits. Et ouais, c’était sans doute de cette manière qu’on pouvait en parler même si j’avais follement envie de rétorquer que les monstres se trouvaient partout. Leurs griffes acérées pouvaient se refermer à n’importe quel instant sur mon être. Ils pouvaient venir m’étouffer n’importe quand peu importe où je me trouvais. Les monstres me pourchassaient de façon incessantes. Ils étaient toujours là. Tapis quelque part. Proches. Trop proches. Et toujours si douloureux. Un soupir filtrait entre mes lèvres alors que je retenais ces propos de monde trop noir. Ces propos qui auraient pu montrer à quel point je vivais dans un Enfer fait d’obscurité et d’horreurs. Un Enfer de flammes carbonisant ma peau. Je ne restais pas silencieux pour autant. Ma langue se déliait pour autre chose. Je confiais ce trouble qui m’avait été diagnostiqué au sein de la Mafia. Ce trouble qui permettait de me coller dans une case et de me donner un traitement adapté pour tenter de maîtriser ma nature profonde. Ce trouble dont je n’aimais pas parler. Pourtant, face à lui, les propos glissaient et j’osais même parler de cette voix qui cognait à l’intérieur de mon crâne. Cette voix étouffante contre laquelle j’avais l’impression de ne rien pouvoir faire. Mes dents venaient mordiller nerveusement ma lèvre en entendant les mots qu’Aaron soufflait. J’avais tellement envie de croire en de telles paroles. J’avais réellement envie de mettre en pratique les conseils soufflés. Baissant un peu plus la tête, je me concentrais sur le bandage alors que je laissais échapper « Elle me manquerait je crois… » Ouais, elle me manquerait. Si je l’étranglais et que je ne la laissais plus faire la maligne, le manque viendrait se faire sentir dans mon être. Si je devenais le maître, elle me manquerait. Présence rassurante avec laquelle j’avais appris à vivre. Voix me bousculant à laquelle j’étais sans doute devenu accro. Gamin autodestructeur qui ne savait plus se défaire. Stupide gosse qui sombrait par plaisir. Et finalement, le sujet principal revenait sur le devant de la scène. Caesar. Mon Honey. Celui pour qui j’étais venu ici complètement torché. Venu récupérer mon pull. Venu en espérant le voir et me blottir contre lui. Venu sans pouvoir le voir. Venu pour me prendre une claque de la réalité. C’était terminé. Caesar voulait que je disparaisse de son existence et je babillais ces mots qui se formaient dans mon crâne. Terminant le bandage, j’acquiesçais doucement face à la réponse d’Aaron. Je n’avais pas envie d’aller plus loin. Je ne voulais pas confier que j’avais cette impression que de plus en plus de personnes ne voulaient plus de moi. Je ne voulais pas sombrer encore plus face à quelqu’un qui chercherait à me tirer du gouffre. Alors, je me contentais d’être ce garçon effectivement sensible au bien-être des autres. À son bien-être à lui tandis que je cherchais à savoir s’il avait de quoi soulager la douleur qui irradiait dans sa main. La réponse tombait et je rétorquais un sage « D’accord… » sans savoir quoi répondre d’autre. Je ne le connaissais pas vraiment et je ne pouvais clairement pas lui proposer d’aller chercher ce qu’il voulait pour lui ramener ici. De toute manière, il n’en avait sans doute pas envie. J’avais suffisamment bousillé sa nuit comme ça. La réalité percutait ma tête et je me relevais soudainement faisant savoir mon intention de départ. Face aux mots, je marmonnais « Je… Vais pas… J’vais pas faire ça… J’vais pas faire de bêtises… » Ou pas d’aussi définitives en tout cas. Peut-être que j’allais retourner boire et me foutre la tête à l’envers. Peut-être que j’allais trouver des gens avec qui me battre pour cogner et ressentir quelque chose. Peut-être que j’allais juste me rendre dans un endroit désert pour brûler le tee-shirt de Caesar. Ou peut-être que j’allais simplement rentrer chez moi pour chialer sous mes draps. Je n’en savais rien. Ma langue glissait sur mes lèvres. Je m’agitais nerveusement un instant. Et, finalement, je soufflais un « Merci… » avant de me diriger vers la porte. Après un dernier regard à l’homme, je me faufilais à l’extérieur prêt à me laisser engloutir par la nuit et mes démons. Prêt à continuer de glisser malgré tout parce que c’était dans ma nature de sombrer.
The end
@Aaron Kaine
(Neal T. Hood-Spritz)