I fought an angel (Lana)

Elle semble éprouver de la culpabilité et pourtant, son visage ne trahit aucune sorte d'émotion. C'est assez déroutant de ne pas savoir ce qui se cache derrière tout ça, si ce sont juste des paroles sensées être rassurantes mais qui ne valent rien, ou si c'est son naturel qui veut ça. Je lui souris cependant, par politesse. « T'es du genre à gaffer à mort ? » me moquais-je doucement, préférant couper court à ce sujet pas très joyeux, et profiter pleinement de cette journée ensoleillée en charmante compagnie.

Mon approche, à la fois directe et détournée semble l'amuser, et elle semble même plus ou moins réceptive, à tel point qu'elle m'avoue qu'elle aime ses verres forts en alcool. Un large sourire s'étire sur mon visage, alors que je la scrute du regard. « Je prends note. Mais je ferai en sorte que tu puisses rentrer chez toi entière, malgré tout. Quitte à te raccompagner. » ajoutais-je en baissant un peu la tête, le sourire toujours fixé aux lèvres. Je ne savais pas si ça allait avoir l'effet escompté, mais je tentais. J'aime bien l'ambiance qui s'installe, le petit jeu, tout ça. C'est stimulant.

Je ne connais pas le groupe dont elle me parle. J'ai du mal à savoir, au départ si c'est du rock, du rap ou un style hybride, jusqu'au premier refrain. Là, je comprends un peu mieux son univers à elle, cette rage enfermée dans un corps d'ange. Un léger rire s'échappe d'entre mes lèvres. « Je suis assez ouverte musicalement, alors rien ne peut me choquer... sauf le zouk et le reggae. Puis, tu peux très bien m'initier. » dis-je en la regardant en souriant. J'étais satisfaite qu'elle puisse prendre une pause avec moi, apprendre à mieux la connaître, autour d'un nuage de fumée. Je la voyais s'enfuir quelques instants avant de la voir arriver avec son matériel dans les mains.

Je sortais de l'établissement aux côtés de la blonde et avant que je ne puisse sortir mon paquet de cigarettes, elle me tendait le sien pour que je puisse me servir. J'attrapais alors la tige, que je portais à mes lèvres, avant de sortir mon briquet et d'allumer nos clopes. « J'ai pas la chance d'être étudiante, je survis juste avec ce super job. Et toi, Lana du magasin de musique ? » dis-je en tirant sur le filtre en souriant, ravie d'en apprendre plus à son sujet.

Gaffer, ce n'est pas dans mon vocabulaire. Disons que je suis à un niveau au dessus de toutes les erreurs. « J'dirais pas ça. J'dirais que j'suis plutôt du genre à faire tout ce qui est humainement possible pour me foutre dans des situations pas vraiment confortables pour ceux en face ni pour moi-même. » avouais-je en souriant, amusée par toutes les fois qui me reviennent en tête à l'instant. En vrai, je suis un boulet.

L'hameçon a ferré. Je sentais bien qu'elle voulait jouer, mais elle ne sait pas qu'elle n'a aucune carte en main, que c'est moi qui mène la danse, et qu'elle n'a aucun pouvoir. Je ne le montre pas, mais ça m'éclate à mort, parce qu'elle ne va plus rien comprendre dans peu de temps. Tantôt brasier, tantôt iceberg. J'esquisse un fin sourire à sa proposition de me raccompagner chez moi à la fin de la soirée que je pourrais passer dans le bar où elle bosse. « J'viendrais sûrement avec des potes, j'suis pas du genre à me soûler seule, j'trouve ça triste. » Première salve de rejet. Je n'ai pas envie qu'elle me croit ouverte à toutes les propositions que je peux recevoir, ni même qu'elle s'imagine déjà avec moi sous les draps. Parce qu'elle sera déçue. On obtient pas le surnom de Frigo ou d'Iceberg en écartant les cuisses à la première occasion.

C'est tellement rare que quelqu'un me demande de l'initier à mon univers musical que j'en reste bouche bée. A part Gen, personne n'a les mêmes goûts pour ce qui est dark. Mes voisins me détestent, la plupart des colocations que j'ai visitées se sont soldées d'un échec à cause de mon univers trop "agressif et obscur pour la bonne cohésion de la coloc". « Ouais, j'peux faire ça. » répondis-je simplement, avant d'esquisser un sourire.

Je ne m'attendais pas à ce que sa flamme vienne à la rencontre de ma clope. Mais c'était un échange de bon procédé, sûrement. Je tirais dessus, une longue bouffée salvatrice. Je m'adossais contre le mur de la boutique, tige entre les doigts, écoutant ce qu'elle me disait. « Ca m'aide à vivre en dehors de l'université, payer mon loyer, les factures, les soirées, les trucs quotidiens quoi. C'est sympa, mais j'pourrais pas vivre de ça toute ma vie, comme lui. » dis-je en souriant doucement.

Je pense commencer à cerner le phénomène qu'est la demoiselle. Elle a l'air fière, provocatrice, maladroite qui fait passer ça pour un manque de tact assumé. Mais ça ne ressemble à rien de plus que de la maladresse dissimulée sous une autre appellation. « Et t'as toujours le petit mot pour faire rire de ta boulette ou c'est juste parce que c'est moi ? » dis-je en riant, sachant très bien que je n'étais pas la raison de son revirement de situation. Elle semble avoir tellement l'habitude de ce genre de situation qu'elle a déjoué tous les pièges possibles pour ne pas que ça s'éternise.

J'étais confiante, je sentais que quelque chose était en train de prendre, que j'allais pouvoir la revoir en tête à tête, même derrière mon comptoir. J'étais presque sûre que j'allais pouvoir saisir ma chance. Fusillée sur place. J'étais complètement décontenancée, ne m'attendant pas du tout à une phrase de ce genre. Séchée, sonnée, je souriais légèrement. « Ouais, viens avec des potes. Vous serez bien reçus, tu verras. » répondis-je simplement. Parce que je ne pouvais plus rien dire d'autre. J'avais perdu la certitude que j'avais en la regardant et en me disant que cette fille-là, il me la fallait, que je pouvais la séduire.

Elle était étudiante, parce qu'elle avait eu cette chance, contrairement à moi, qui avais gâché ma vie dans les trafics, dans la came et autres délits. Je tirais sur le mégot en la fixant, sourire aux lèvres. « Et tu fais quoi, comme études ? C'est quoi, le rêve qui t'anime ? » demandais-je avec sérieux. Je n'étais plus dans la phase de séduction, mais bien dans l'apprentissage de sa personne, même avec des questions idiotes. Même si elle venait à utiliser des mots que je ne comprendrai pas bien, même si je vais avoir l'air stupide à côté, j'ai envie de l'écouter, parce que j'ai pas envie de parler de ce passé peu reluisant.

Les bras croisés devant moi, je fixe la demoiselle qui essaie tant bien que mal de cerner ce que je suis, alors que moi-même je m'y perds parfois. Un sourire malicieux au coin des lèvres, j'appuie légèrement ma hanche sur le bac. « J'ai pas d'humour, j'suis pas non plus du genre à vouloir faire plaisir aux autres. Maintenant, à toi de voir si j'suis sérieuse ou si j'suis sarcastique. » dis-je en la défiant du regard, avant de me relever de l'étale de disques.

J'ai réussi mon coup. J'ai soufflé le froid glacial sur le petit feu de camp qu'elle pensait avoir allumé entre nous. Elle comprendra comme ça que je tiens toujours les rennes, et qu'elle n'a aucun pouvoir sur ce que je peux éventuellement vouloir ou non. Elle pourra tenter de me séduire tant qu'elle voudra, elle n'aura que l'issue que j'ai choisie au moment où je l'ai décidé. Et tout de suite, elle n'aura rien que cet échange informel. « J'en doute pas un seul instant. Promets moi juste d'éviter la musique antillaise de la playlist quand tu nous verras entrer. » dis-je en riant doucement.

Elle me pose des questions, comme si elle s'intéressait vraiment à tout ce que je peux bien faire de ma vie. « Journalisme, à Harvard. J'y suis grâce à une bourse d'études. Ce rêve qui m'anime ? Bosser pour le magazine Rolling Stone, ça doit être le pied. Et toi, parle moi un peu de toi, de ton passé, de tes rêves d'avenir, ce genre de choses. » dis-je en ponçant mon mégot avant de le jeter, quelques mètres plus loin et d'allumer une deuxième clope.

Je dois avouer qu'elle est plus complexe que ce que j'avais pu croire. Elle a l'air si sérieuse et en même temps, elle propose une issue moins tendue qu'est le sarcasme. Je la regarde un instant avant de sourire. « Je vois une petite lueur dans ton regard qui m'fait penser que c'était de l'ironie, joliment maniée d'ailleurs. » dis-je en faisant le signe "ok" avec mes doigts. J'y aurai presque cru, à son absence totale d'humour et son aversion sociale.

Je ne savais pas quoi faire pour rendre cette situation moins inconfortable pour moi. Je venais de me prendre un ouragan magistral alors que je croyais avoir allumé une petite flamme de séduction. Que dalle. Je suis tombée sur la Reine des Neiges en chair et en os. Je souris simplement, avant de hocher la tête lentement. « Je ferai de mon mieux, mais c'est malheureusement pas moi qui gère la sono du bar. Sinon, ça serait plus une rhumerie depuis un an. » Faut dire que si je garde ce boulot, c'est uniquement pour pas me retrouver à la rue, ou squatter la pitié chez les gens. Autrement, j'aurai déjà brûlé mon tablier sur du Black Sabbath.

J'avais en face de moi une femme intellectuelle. Une harvardienne loin de ceux que j'ai l'habitude de voir dans la petite rue d'à côté pour quelques grammes de poudre, quelques cachets et autres substances récréatives, à part Eris, qui est une exception. Ses rêves sont intéressants, c'est vrai que c'est un magazine assez complet et reconnu, que ce soit pour la musique ou parfois même pour d'autres choses. Puis c'est à moi de raconter mes rêves et mon passé. Un léger rire se laisse aller avec la fumée qui se dégageait de mes poumons, parce que c'est beaucoup moins beau que le sien. « Beau projet. Par où commencer... Je suis orpheline depuis mes dix-huit ans, j'ai pas toujours fait les bons choix et Harvard n'a jamais été dans mes cordes à cause de ça. Et mon rêve je dirais... Trouver un job où ils passent pas les mêmes musiques qu'au Black Dog. » essayais-je de résumer, espérant ne pas trop titiller sa curiosité. Je m'étirais longuement avant d'écraser mon mégot sous ma pompe, avant de le jeter plus loin.

Elle est observatrice, la jeune femme. Et visiblement, elle aime bien mes yeux. Je ne vois pas d'autre explication pour qu'elle ai pu voir une quelconque lueur qui en provenait. Un léger sourire en coin venait tirer mes traits avant qu'un rire ne s'échappe doucement. « Merci du compliment, c'est bien la première fois qu'on me fait celui-là. Et tu t'es genre...perdue dans mon regard pour y trouver une lueur ou c'est juste une phrase que t'as sortie pour faire genre ? » lançais-je, avec ce même regard provocateur et malicieux. Si je joue à la connasse ? Un peu.

Je ne savais pas si j'avais vraiment envie de rentrer dans cette rhumerie un jour, surtout de ce qu'elle me dit de l'enfer musical qui s'y trame tous les soirs. Peut-être bien que je me laisserai tenter un soir, et je ramènerai sûrement Eris avec moi pour qu'elle me fasse oublier le vacarme des îles avec ses histoires. J'hausse légèrement les épaules en souriant. « Au moins, tu seras pas seule dans l'enfer des Caraïbes. » me moquais-je alors. De toute façon, rien n'était fixé. Je ne planifie rien, je vis et vais là où le vent me porte. Et s'il venait à me porter dans son bar, alors j'irai.

Ma nouvelle clope à peine allumée, je crachais la fumée qui s'évaporait dans la rue. Je l'écoutais résumer son existence, assez sombre, son parcours incomplet et son rêve trop simple pour être vrai. Je la fixais, assez interloquée par ces bribes d'informations. Pour la première fois depuis longtemps, j'étais intriguée et j'avais envie d'en savoir plus. « Merde, c'est ouf pour... tes parents. Du coup, c'est quoi tes mauvais choix ? On en fait tous, j'vois pas pourquoi cette fac c'est pas dans tes cordes. J'peux pas t'aider pour le job, à moins que tu veuilles devenir strip-teaseuse ou barmaid dans un club de strip, c'est pas la même ambiance, y paraît. » dis-je en riant légèrement, avant de regarder autour de nous.

L'impression d'être sur des montagnes russes. Un coup elle est réceptive et le coup d'après, elle jette un froid polaire, et je ne sais pas du tout quoi faire pour réellement parvenir à la cerner. Je ne sais plus si je dois continuer de la séduire ou si je dois cesser. Si je vois que vraiment je m'enfonce, j'arrêterai. Je crois que c'est encore la meilleure option que je puisse trouver. « J'avoue que t'as un regard assez perçant et que son bleu est captivant. Donc non, c'était pas une phrase juste pour faire genre. » dis-je en souriant avec une pointe de charme et de timidité. Elle sait me charmer, malgré sa provocation et sa malice.

L'enfer des Caraïbes, ça allait plutôt bien comme slogan pour le bar. Un rire franc s'échappait et ça me donnait l'espoir de la voir débarquer un soir, et l'envie de mieux pouvoir lui parler après. Parce qu'aujourd'hui, elle doit avoir encore pas mal de boulot et j'accapare vraiment tout son temps. « Merci de ton accompagnement à venir alors ? » souriais-je en plantant mon regard dans ses iris.

Elle avait trop peu d'informations pour pouvoir s'en contenter, et c'était ce que je craignais. Mes mauvais choix, mon fardeau quotidien qui m'empêche de profiter pleinement de ma vie. « Si tu veux bien, on parlera de tout ça quand on se connaîtra un peu mieux. Ca serait con que tu te fasses une mauvaise image de moi par rapport à tout ça. Mais en échange, on peut s'échanger nos numéros, et si l'envie te vient d'en parler par la suite, on en discutera. » dis-je en baissant la tête, avant d'esquisser un sourire. « Je suis pas assez sensuelle pour ce boulot, tu vois le genre. » dis-je en riant. Je suis le concept même de la gouine qui sait pas onduler son corps pour faire kiffer.

Le regard d'un bleu captivant. Alors celle-là, il va falloir que je la note quelque part. C'est bien la première fois qu'on dit de mes yeux qu'ils sont captivants, perçant et ce genre d'adjectifs. Un sourire gêné se peignait sur mon visage, et je n'osais pas vraiment la regarder pendant quelques instants. « Et t'as sorti ça à combien de filles aux yeux bleus ? » finis-je par dire, moqueuse. J'ai bien compris qu'elle aimait bien séduire, que j'allais être sa nouvelle target du moment jusqu'au prochain petit cul bien roulé dans un jeans qui lui passera sous le nez. Je la fixe, provocatrice, peut-être même avec les regards des femmes fatales qu'on voit dans les films. Je fais la meuf, mais ça me plait bien, ce petit jeu.

Ma venue en enfer n'était pas encore une valeur sûre. Je n'avais pas décidé si le jeu en valait la chandelle, ni même si ça n'allait pas tourner court à la fin de cette journée. Peut-être que c'était un passe-temps, pour elle comme pour moi. L'occasion de m'échapper quelques instants du calme de ces quatre murs. Un sourire amusé s'étirait sur mon visage. « J'ai pas encore promis que je venais. J'ai juste émis l'hypothèse qu'un jour j'allais venir. » dis-je en ne lâchant pas ses prunelles jades. Après la montée, la descente. Un manège psychologique qui doit sans doute la perturber, et qui m'éclate.

Elle est maligne. Elle me ferre pour mieux pouvoir m'attirer dans ses mailles. Des bribes d'informations qui viennent se jouer de ma curiosité et visiblement des secrets à garder encore un peu, et l'espoir de mieux me connaître à la clé pour pouvoir m'annoncer ces choses inavouables. Qu'est-ce qui pourrait bien me donner une piètre image d'une inconnue ? « Si t'as buté personne, j'pense que tu peux me filer ton téléphone pour te laisser mon numéro. » dis-je en riant. J'ai beau aimer lire et voir des documentaires sur les tueurs en série, je ne suis pas encore prête à m'approcher de ce genre de personnes. J'ai beau être assez sombre, j'aime bien vivre. Un sourire moqueur vient de nouveau s'installer sur mon visage. « J'bosse pas dans ce milieu, j'peux pas juger ta sensualité ou non. » En revanche, je suis sûre qu'elle a certains atouts qui pourraient m'attirer, si je m'attarde un peu sur ses formes.

Elle est touchée, presque sensible aux quelques mots que je venais de lui offrir. Visiblement, ça marche plutôt bien, ces compliments inattendus sur la beauté du regard d'une femme. Les filles que je drague d'habitude sont plus bourrées que sobres, alors j'ai pas besoin de forcer des masses sur les compliments pour les ramener dans mon appartement. Hors, sur ce coup là, c'est pas des rames que je vais devoir sortir, c'est carrément le bateau. Parce qu'elle ne semble pas facile à séduire, comme elle est compliquée à cerner. Je lui adresse un léger rire. « Je te jure que c'est la première fois que je sors ça. C'était comme un éclair d'inspiration. » ajoutais-je avec un sourire. Son regard, mon dieu. Perçant, traversant de part en part, j'étais fusillée sur place. Je la veux, peu m'importe le temps que ça prendra. Je ne quitte pas son regard un seul instant, trop absorbée par le bleu de ses iris.

J'aime bien les manèges à sensations, mais je déteste les ascenseurs émotionnels. Et pour le coup, je suis servie avec du rab. Je touche le plafond du bout des doigts et me revoilà plus bas que la cave. Je la fixe avec intensité, parce que je vois bien que ça l'éclate de me balader de la sorte. Ca l'amuse d'user mes nerfs, de ne plus savoir si je dois m'entêter ou m'arrêter. Mais je fonce encore, tête baissée. « Si tu viens pas, tu vas rater les meilleurs mojitos de la ville, c'est pas grave. Et l'occasion de boire gratuitement toute la soirée. » lançais-je avec un sourire en coin. En général, une étudiante à qui ont dit alcool gratuit ne tarde jamais trop à se rendre là on c'est possible. Elle veut jouer, on sera deux.

Sa remarque m'amusait. Je faisais mine de réfléchir un instant, avant de sortir mon téléphone de la poche de mon jeans. « Alors sois tranquille, c'est pas demain la veille où on me verra buter quelqu'un. » dis-je en riant doucement, heureuse qu'elle enregistre son numéro dans mon répertoire. J'ai beau faire des choses illicites, tuer n'a jamais fait partie de mes plans passés et à venir. « Pour pouvoir la juger, il faudrait encore que tu veuilles la constater. » répondis-je simplement en souriant, avant de rentrer de nouveau dans la boutique. « Tu sais quoi, je vais prendre tous ces disques. Et je reviendrai en prendre d'autres chaque fois que je passe devant la boutique et que je te vois. » ajoutais-je avec un sourire moqueur. Mais je risque de flinguer mon budget assez vite, en réalité.

Elle a les mots, elle sait les manier pour que je me sente unique, et ça pourrait très bien fonctionner si en face d'elle, ce n'était pas moi. Je ne suis pas le genre de nana qui tombe dans ce genre de pièges. Les belles paroles ne valent pas grand chose pour moi, et j'ai très peu d'estime pour les relations romantiques. Cœur de glace, enfermé dans sa cage d'ivoire, où les sentiments ne peuvent pénétrer ni s'échapper. Pas une seule femme n'a su vraiment faire fondre cette épaisse couche congelée, même si parfois j'étais bien avec la personne. Mon plus gros défaut, c'est bien celui de ne pas dire les choses correctement. Au lieu de dire qu'une personne est belle, je vais dire qu'elle est pas moche. Tout un art de supporter ce genre de compliments. « Tu vas finir foudroyée avant la fin de la journée ou t'as déjà subi ta dose de survoltage en me fixant ? » demandais-je avec un sourire narquois, avant de garder ma clope quelques instants entre mes lèvres pour m'étirer.

Enfin un argument que je prends en considération. Loin de moi l'idée de ne pas apprécier les efforts qu'elle met en place pour essayer de me pécho, mais l'alcool gratuit a plus d'intérêts que les courbettes sur la beauté fatale de mon regard et sur la longueur de mes jambes, dignes de Claudia Schiffer. Un léger sourire montrait que cette fois, j'acceptais de capituler. « Bon ok, j'passerai goûter tes mojitos gratos. » Putain ça m'a écorché la gueule d'abdiquer. C'est tellement pas moi. Mais bon, je vais déjà qui traîner avec moi pour y aller, ça rendrait les choses plus distrayantes.

En la voyant réfléchir, je me sentais blêmir. Mais finalement, j'attrapais son téléphone entre mes doigts pour y enregistrer mon numéro et mon nom, avec l'émoji d'une bombe. « C'est rassurant. Si tu m'envoies un message sur whatsapp, tu auras plus de chances de me voir répondre. Me demande pas pourquoi, ça serait bizarre. » dis-je en riant, parce qu'en vrai, je n'ai aucune raison de préférer whatsapp à l'application de messages basique. C'est juste que c'est là que mes conversations les plus importantes se trouvent, et que j'ai moins tendance à tout supprimer. Tirant sur ma clope, je venais souffler la fumée par le nez en riant doucement. « Pour pouvoir constater, il faut que tu veuilles la montrer. » dis-je en la suivant du regard jusqu'à l'intérieur de la boutique, avec un sourire qu'elle ne pouvait voir. Joli petit cul pensais-je avant qu'elle ne se tourne pour m'annoncer qu'elle allait acheter tous les albums proposés et qu'elle comptait bien revenir. « Tu vas repasser tous les jours jusqu'au début de l'été alors. » dis-je en riant, avant de terminer cette deuxième cigarette et de revenir dans les locaux, derrière ma caisse, passant tous les articles et déduisant quelques pourcentages. « Ca fera 65 dollars avec la réduc' spéciale conseils de la vendeuse bizarre. » dis-je en souriant doucement.