hold my heart please, it's falling to pieces (dimella).

Des fois, je n'ai pas l'impression que notre père est décédé il y a trois ans. J'ai l'impression que c'est juste une journée interminable. Il n'y a pas un jour où je ne pense pas à lui, où je ne me souviens pas d'une chose que j'ai l'impression avoir déjà oublié trois fois. C'est horrible mais c'est ainsi. Je ne veux pas que le souvenir de mon père s'efface alors, je le fais vivre comme je peux. Je pense que la douleur que j'ai dans la poitrine aujourd'hui - et qui s'éveillera demain - sera toujours là. Sauf qu'un jour, j'apprendrais à vivre avec. Je regarde Dimitri et quand il me parle de son sabre laser en plastique, j'avoue l'inavouable. C'est moi qui a cassé son sabre. J'avais déjà tout de Dark Vador à l'époque, que voulez-vous… " Oops ? " Que je souffle en tordant mes lèvres en une légère moue désolée. C'était qu'un bout de plastique, Camila m'avait fait mal, j'étais jalouse et… voilà. " T'en as eu un autre le lendemain, ça vaaaa… Et puis, si tu veux, je t'en rachèterais un demain " Que je lance avec un sourire sur le visage. J'étais une peste petite quand ça n'allait pas dans mon sens et … Ça allait rarement dans mon sens. Il suffisait que je me dispute avec papa pour vriller complètement. Une vraie colérique, pas facile de grandir avec moi. " Ouai, on a gagné à la loterie là dessus, je crois " Mais pas forcément sur le reste. Notre père parti, Camila qui a vécu des choses horribles et puis Dimitri et ses folles / peines de coeur / frayeurs. Si j'ai des rides et des cheveux blancs avant mes trente ans, c'est de sa faute. Les larmes me piquent les yeux mais je refuse de pleurer. Il y a quelques jours, j'ai versé le quota pour les dix ans à venir. " Moi aussi je t'aime Dimitri… " Que je souffle en regardant l'écran avec attention. Enfin, j'ai décroché quelques secondes et je repense à certaines conversations avec mon père. On a ris tellement de fois. Mais j'ai claqué la porte des milliers de fois aussi. " Tu crois que j'arrêterais de m'en vouloir d'être partie sept ans à Oxford ? J'ai perdu sept ans de papa… C'est énorme " Et maintenant, je ne pouvais pas rattraper le temps perdu. " Je sais que c'est pas facile avec maman tous les jours… Mais tu l'appelles souvent quand même ? On sait jamais ce qu'il peut se passer… " Ma voix est faible, j'essaye de la contrôler mais elle casse un peu à la fin. Je sais qu'elle est insupportable quand elle s'y met, qu'elle a des idées complètement folles mais ça reste quand même notre mère. Et ce n'est pas rien.

Je me souviens du visage de Dimitri quand il n'a plus vu son sabre, de ses larmes de crocodiles avant que maman lui promette d'en avoir un autre le lendemain. Mon père ne savait pas que c'était moi qui avait brisé le jouet de mon frère. Il l'a découvert plusieurs heures après en voulant jeter le gâchis de notre repas à la poubelle. " Papa m'a dégommé le jour là, je crois qu'il ne m'a jamais crié dessus autant que ce jour là " Que je lance avec un petit sourire. " Tu me pardonnes ? Ou tu veux que je demande à Greg d'aller t'acheter un laser demain ? " Que je lui demande, moqueuse comme jamais. Ah, je l'aime mon frère mais je vous jure, c'est du grand n'importe quoi tout cela. Mais ça fait du bien de se remémorer ces doux souvenirs d'enfance. Il n'y a pas eu que des cris chez les Marriott, clairement pas. On a passé de bons moments et on a profité de ce temps ensemble. C'était doux, sympathique et ça me manque. Tous les cinq, en vacances, moi toujours dans les pattes de mon père… Et je regrette bien d'être partie sept ans des fois. Je me dis que j'ai perdu sept ans de mon père, qu'il ne m'a pas retenu et que ses mots étaient même "il n'y a rien qui t'attend ici, de toute façon". Putain que ça m'a brisé le coeur à l'époque, du haut de mes 18 ans. Et du haut de mes presque 28 ans, ça ne fait pas moins mal. " J'espère… Tout ça, je le fais pour lui. Pour moi aussi mais surtout pour lui, pour lui prouver que j'en étais capable et qu'il aurait du me faire confiance à l'époque… Pas que tu fais mal ton boulot mais je suis l'aînée quoi " Et puis maintenant on va gérer tous les deux les plus grosses choses chez Marriott International. Il va garder la place de CEO mais nous serons deux pour le reste et ça, c'est énorme. Pour moi du moins. " Je comprends… Je sais pas pourquoi elle a fait ça, c'est pas défendable mais c'est notre mère Dim… Imagine si elle décède demain, j'ai pas envie que tu te dises que t'as gâché des moments avec elle à cause d'une connerie " Que je souffle doucement. Je ne veux pas qu'il se sente aussi misérable que moi quand j'ai appris la rechute de papa. Je pensais qu'il était débarrassé de ça, de toute cette merde… Eh bien non. " Papa supporterait pas que tu fasses la tête à Maman, tu le sais aussi bien que moi… En plus, Thaïs est probablement le seul petit enfant qu'elle aura… " Je ne compte pas trop sur Camila pour faire un enfant et moi, n'en parlons pas. " Tu me promets de venir avec moi en fin de mois ? Pourquoi pas avec Thaïs ? Ça ferait plaisir à maman… Et à moi aussi " Je ne demande pas qu'on joue à la petite famille parfaite mais juste qu'on profite du moment présent parce que tout peut partir en fumée en un claquement de doigts.

Nia nia nia, c'était normal, c'était son sabre. Et mon popotin, c'est du poulet fumé, non ? Ce n'était qu'un bout de plastique et il en a eu un nouveau le lendemain, on va pas ne faire tout un foin non plus. J'ai mal agis le jour là, maman est même venue chercher un de mes bijou préféré qu'elle ne m'a rendu que des semaines plus tard pour me faire comprendre que toute action a ses conséquences et qu'il faut vivre avec. " D'accord, je lui demanderais pas ça alors " Que je souffle avec un petit sourire sur le visage. Greg est notre Majordome sur le papier mais je l'envoie assez souvent faire mes courses à ma place. Rien de fou mais McDonald's, quelques achats de dernières minutes - essentiellement pour Thaïs - c'est toujours lui. Je sais que je peux compter sur lui et bien qu'on ait couché ensemble, ça ne change rien à notre relation professionnelle. J'écoute mon frère et nous passons d'un souvenir à l'autre. " Parce que je suis pas sa fille biologique " Que je souffle doucement. Je reste persuadée que ça reste cela. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être à tord. Et on ne le saura jamais de toute façon. " C'est ce que je me suis toujours dis… Ça et puis le fait que j'étais une fille. Il a du se dire que j'allais tomber amoureuse à un moment et faire une connerie avec l'entreprise pour mon mari " Je soupire et ferme les yeux quelques secondes. C'est la seule option que je vois. Ma mère nous a toujours montré que l'amour, ça vaut le détour et tout ce qui va avec. Elle était seule, elle a croisé notre père et hop, sa vie est passée de bien à merveilleuse. Elle avait besoin de ça mais moi, ce n'est pas mon cas. " Enfin, on saura jamais hein " Que je lance doucement avant de passer à Maman. Un sujet tout aussi important si ce n'est plus. Parce que là, il y a encore des choses à faire. Je sais bien que ma mère n'est pas la personne parfaite mais elle nous a toujours soutenu. C'est juste qu'elle a des coeurs dans les yeux pour absolument tout et n'importe quoi. " Si tu veux, je vais la voir moi Carter " Que je lâche en lui adressant un clin d'oeil. Et quand il parle de papa comme d'un papi poule, j'éclate de rire. " Mon dieu… Il nous aurait viré de notre suites pour lui donner l'étage qu'à elle oui ! Tu sais qu'il est très fier de toi aussi hein ? " Parce que je sais que je doute tout le temps de cela mais il a aussi besoin de l'entendre un peu. Nos parents sont fiers de nous deux. De nous trois même, aucun doute là dessus. On aime sa famille d'une manière inconditionnelle chez les Marriott- Wildingham, c'est comme ça. " Je suis sûre qu'il se dit qu'il a quand même fait un très bon boulot, même s'il était pas mal absent " Ce qui est le cas. Vous avez vu l'homme qu'est mon frère ?!

J'écoute Dimitri et j'ai comme une boule qui se forme dans la gorge. Ce sont les émotions. Et je déteste ça. Je suis nulle avec les émotions et je n'ai pas envie de penser à ça aujourd'hui. Je n'ai pas envie de penser au fait que mon père parlait de moi en termes élogieux alors qu'il m'a fait partir en me disant des mots dures, forts. Il n'y a rien qui m'attend ici. Et il a eu raison. Il n'y avait qu'Harvard, Brown ou peut-être Berkeley comme université mais à part ça… Rien. Nada. J'ai beaucoup appris à Oxford, j'y ai grandis, j'ai déambulé aux côtés de mes cousins et cousines, toujours à sortir, à profiter. Notre nom est respecté à Oxford et il le sera toujours. Mais ma vie, elle était ici. Mon égo touché, je ne l'ai vu que trop tard. " Bien un homme ça… Incapable de dire les choses en face " Que je souffle, tentant de détendre l'atmosphère. Mon père n'était pas dans les effusions de sentiments et de compliments. Pas avec moi du moins. Je n'ai jamais compris pourquoi et les réponses que je me suis donnée ne me plaisent pas. Comment puis-je croire que le fait que je sois une femme ou pas une Marriott d'un point de vue sanguin soit la raison de tout cela ? Du fait que ce soit Dimitri qui ait récupérer l'entreprise. Aujourd'hui, on va la gérer à deux. Je n'ai pas encore signé le contrat mais je le ferai demain. Encore plus symbolique, quand j'y pense… Je ne suis pas une enfant de choeur mais ce genre de choses, c'est important pour moi. " Tu m'étoooooonnes qu'il t'aurait fait une leçon ! " Et il en a eu une de ma part. Mais bon, cette erreur de parcours m'a apporté ma Princesse, mon petit Amour et ça, ça n'a pas de prix. " Je crois que ce qui l'aurait fait le plus vriller, c'est que tu te barres en Océanie pour elle " Ou peut-être qu'il n'y a que moi que ça a fait vriller. Tout simplement parce que l'amour, je n'y crois pas. Et toutes ces choses qu'on fait en guise d'excuses pour ce sentiment bah… Ce ne sont que des excuses. Il faut dire que ça m'a fait mal de voir mon frère partir à l'autre bout du globe. C'est moi qui quitte les gens et non l'inverse. Quand Dimitri parle, j'entends sa voix vibrer, se casser et je resserre mon étreinte autour de lui. " Moi aussi… Y a pas un jour où je pense pas à lui, tu sais. Tous les jours, je me demande ce qu'il fait là haut. S'il est heureux de nous voir comme ça, de voir que sa petite famille a tenu le coup, qu'on est uni plus que jamais et que rien ni personne ne pourra changer cela " On a nos hauts et nos bas. Nos coups de gueules et nos coups de coeur mais ça change pas qu'on s'aime plus que tout. " Arrête de te retenir Dimitri. Si t'as envie de crier ou de pleurer, vas-y " Que je lâche avant d'ajouter " Je suis là, je vais nulle part, laisse toi aller " Et ça ira mieux. Il ira mieux. Aucun doute là dessus. Ma gorge se serre à nouveau, mes yeux me piquent et je les ferme. Je l'imagine, là, à discuter avec nous et c'est un léger sourire qui prend possession de mes lèvres. Parce que la douleur ne disparaîtra pas et que je ne compte pas pleurer aujourd'hui. J'ai usé mon quota de larmes en début de semaines de toute façon.

Ce moment entre nous est tout particulièrement important pour moi. Ça me permet de souffler un peu, de profiter de mon frère et de discuter avec lui aussi. On a passé les derniers jours en froid, à cause de Wesley et de son mariage avec Hope. J'arrive pas à y croire. Vraiment. Je ne sais même pas ce que je ressens. Mais je laisse ça dans un coin de ma tête, celui qui se réveillera surement en pleine nuit. Je souris à la remarque de Dimitri et hausse les épaules. Je lui en ai beaucoup voulu quand il s'est barré à l'autre bout du monde et puis, ça a été mieux parce que… " Là dessus, je te suis. L'amour ça rend sacrément con. Mais je comprends. Je pense que si t'étais pas partie, je t'aurais foutu dans un avion à coups de pieds dans le cul juste pour que t'ailles chercher mon petit Amour " Parce qu'on ne séparera plus jamais ma famille. Je refuse d'être loin d'eux, de les laisser me quitter, de faire leur vie loin de moi. Notre famille est compliquée mais elle est belle. Elle est forte à sa façon et nous sommes heureux comme ça. Et plus la conversation avance plus je sens que mon frère va craquer. Sa réflexion me fait lever les yeux au ciel et je frappe sa cuisse. " Les hommes ça pleure. C'est quoi ces commentaires complètement cons " Que je lâche avant de resserrer mon étreinte un peu plus. Il enfouit son visage dans mon cou et je le sens trembler, pleurer. Je pince les lèvres et je ferme les yeux, posant ma joue sur le haut de sa tête. Je caresse ses cheveux et lui laisse le temps de pleurer, le temps de tout évacuer, de vider sa tête et de fatiguer ses yeux. Moi, je suis incapable de pleurer et je ne comprends pas pourquoi. Avant de pleurer l'autre jour, quand tout a éclaté, je n'avais pas versé une larme depuis le jour de la mort de mon père. Cette annonce, à l'hôpital, m'a dévasté, tué, achevé. S'il y avait encore une once de vie dans mon corps, dans mon coeur, ce jour là a tout éteint. Fermeture du magasin, circulez, y a rien à voir. Chaque sanglot me traverse, me transperce. Putain. " Ça va aller Dim. Je te promets, ça va aller " que je souffle en embrassant le haut de sa tête. " Je suis là " C'est simple mais il n'a pas besoin de grande effusion. Juste de savoir qu'il n'est pas seul, que je suis là pour lui. Pour toujours et à jamais. " Le film est fini, je vais éteindre la télé pour qu'on se repose, d'accord ? " Qu'on ferme les yeux, qu'on pleure, qu'on se donne la main et que ce soir passe tout aussi vite que demain.