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Loin du pervers en quête d’une nouvelle proie à transformer en chiche kebab, je suis juste ravi de croiser à nouveau le chemin d’une figure de mon passé. J’aurais pu faire carrière dans le journalisme, ma mère m’a transmis tout au long de mon adolescence les éléments qui étaient nécessaires à la réussite de quiconque voudrait devenir reporter. J’ai appris en l’observant, en mettant les mains à la pâte à mon tour. Nous avons travaillé ensemble plusieurs fois, sur certaines enquêtes qui nécessitaient un point de vue extérieur, plus jeune, moins formaté. C’est le secret ultime, d’après elle, confier le sujet à quelqu’un qui n’a rien à voir avec le journalisme et qui te donnera un avis riche en pistes à explorer. J’ignore si elle a été déçue de me voir emprunter une autre voie, la médecine. Si tel est le cas, elle n’a jamais rien dit à personne. Une mère qui couvre tes arrières comme elle, il n’y en a malheureusement pas assez sur cette terre. Loin des préoccupations journalistiques et des rencontres qui en découlent, je me déleste des hypothèses formulées par Morgan, un sourire toujours là, ne me quittant jamais plus d’une ou deux secondes. « Tu ne t’es pas trop trompé. » Au contraire. « Je trouve effectivement que tu as énormément grandi en quelques années. Du cran… Je ne sais pas, mais je trouve que tu as un style vraiment intéressant et que je pourrais te regarder faire du parkour pendant des heures. » Aucune place laissée à la plaisanterie, je suis honnête à deux cent pourcent. Je ne sais pas comment on en vient à parler d’un soulèvement fatal entre les chiens et les chats, mais nous sommes en plein milieu d’un débat qui, d’un œil extérieur, doit nous faire passer pour deux psychopathes… Encore une fois. J’écoute ses arguments, lui qui pencherait plutôt pour une victoire canine malgré leur statut d’outsiders. « Je ne sais pas trop. Déjà parce que les chiens ont naturellement bon fond, ils sont toujours là pour les autres, tu peux leur faire faire n’importe quoi alors que les chats… » Leur comportement est globalement assez opposé. « Les chats n’ont pas besoin de toi pour survivre, ils ont un instinct assez bestial de base et… N’ayons pas peur des mots, ils ont déjà une prédisposition pour le sadisme ! » Vous imaginez ce point de départ, une guerre de gangs animaux comme pilot d’une série ambitieuse produite par Netflix ? Ouais, je me verrais carrément binge-watcher pendant des heures les différents épisodes et écluser tous mes stocks de kleenex car beaucoup trop sensible aux pertes animales. « Je n’avais pas compris, effectivement. » Je constate alors qu’il me frappe de son frêle petit poing pour marquer son mécontentement après m’avoir entendu l’appeler petit une nouvelle fois. « C’est surement l’accent gallois… Très difficile à suivre et à comprendre ! » Je tape là où il faut, mon regard mutin trahissant ma volonté de le pousser un peu plus encore dans ses retranchements. Je m’amuse du fait qu’il se soit laissé aller à une brève analyse de mon enveloppe corporelle, me délecte de sa tentative de rattrapage qui le sabote un peu plus encore et m’offre les éléments nécessaires pour rebondir le plus innocemment du monde. « Mouais, t’as regardé avec suffisamment d’insistance quand même… Chez moi, on appelle cela : mater ! » Je pouffe de rire en reprenant son signe de guillemets pour bien appuyer sur le terme mater.
Ce petit bonhomme me distrait, je me sens étonnamment bien à son contact et j’en profite donc pour l’inviter à se désaltérer chez moi. Une limonade plus tard et nous voilà tous les deux à savourer ces quelques chips sur mon canapé. « T’inquiètes, tu peux venir squatter ici quand tu veux, mi casa es su casa ! » Je ponctue mes propos d’un clin d’œil qui apporte la conviction nécessaire à mes propos. Il ne s’agit pas de paroles en l’air. Qu’il se sente libre de passer quand il le souhaite. La masturbation nous offre un moment d’anthologie dont j’ai bien du mal à me remettre. Je glousse comme un couillon pendant de longues minutes en me remémorant son visage, ses traits qui se crispent, les difficultés qu’il a rencontré à avaler sa limonade… Tout était parfaitement en place, comme je l’imaginais. « Mec, t’aurais du voir ta tête… C’était… Priceless ! » Je n’ai pas autant rigolé depuis un long moment, mais putain ce que c’est libérateur. « Puisque mes histoires sexuelles ne t’intéressent pas, que veux-tu faire maintenant ? » A part manger des chips, parce que ça… C’est clairement déjà acquis.
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