“.Parfois, on aimerait pouvoir éviter certaines personnes.“
❝ Il n’aurait su être dans une pire situation mise à part s’il avait été nommé Pinocchio à sa naissance par un père Gepetto aimant, car un nez s’allongeant au moindre mensonge aurait su l’amener avec aisance à la pénitence. Il avait parfaitement conscience qu’il mentait comme un arracheur de dents, offrant des mots à l’allure douce pour mieux atteindre la Prescott, retourner sa souffrance contre elle. Mais devant une cour de justice, il aurait su plaider avec ferveur son innocence, utiliser une excuse de circonstances atténuantes. Après tout, il ne mentait pas proprement; il omettait superbement. À sa première rencontre avec Quinn Alexis, il n’avait pas douté une unique seconde qu’elle ne l’aurait pas regardé si elle avait su d’où il provenait. Il fallait dire qu’elle n’avait pas le profil de la jeune fille aisée en recherche de bad boy pour faire sa rebelle auprès de ses parents. L’esprit du Kingsley n’avait pas été effleuré par l’idée qu’elle pouvait être différente de la tendance féminine dorée expérimentée jusqu’ici. Alors forcément, il avait menti, avait fait son one-man-show pour la jeune Prescott qui était tombé dans le panneau. Mais aujourd’hui, il savait qu’elle était différente, que ses yeux n’étaient pas ceux d’une pie.
« Je ne juge personne par son compte en banque ou de la famille dont il est issu, Nolan. Je préfère de loin un homme de revenu modeste voir pauvre et qui ait un coeur qu’un homme manipulateur, menteur et qui me brise le coeur. »
C’est que ça rime en plus, songea le dunster pour se distraire du regard acier de l’étudiante. Il était convaincu par ses bons mots, mais il savait qu’il pouvait jouer la carte du doute, de celle du “C’est facile de dire ça maintenant.“, mais cette dernière pouvait se finir par un “Tu ne m’as pas laissé la chance de te le prouver.“ qui couperait court ses arguments. Il ne pouvait faire qu’appel à son passé, à ce garçon sans scrupules qu’il était toujours, mais qui était plus ignorant de la situation que le lui présent.
« Je ne sais pas quoi te dire, Alexis, dit-il en soupirant, optant pour la soumission en baissant son regard avant de se passer la main dans les cheveux, feignant la nervosité qui n’était pas si fausse en elle-même. Je te crois bien volontiers aujourd’hui, mais dans le passé, ce n’était pas le cas et je n’ai pas eu les tripes de savoir si ça pouvait l’être. J’ai merdé, ça, je le sais bien. »
Peut-être aurait-il été un mauvais Pinocchio car il ne mentait pas. Il était plus marionnettiste que marionnette, manipulant avec soin son propre ressenti pour offrir un plus beau spectacle. Il était vrai qu’il n’avait pas pensé qu’Alexis était différente de la bourgeoisie dépeinte dans la littérature adolescente, mais il n’avait jamais cherché à le savoir dans le passé. Il se contentait de profiter d’un présent sans souci tout en restant préparé à un éventuel départ précipité dès que son mensonge s’écorcherait. Donner une chance à la Prescott n’avait jamais atteint ses pensées. Pourtant, à son contact, il avait appris que c’était une fille entière et non capricieuse, une fille qui savait vivre par elle-même et s’affirmer. Néanmoins, au cas où il l’aurait oublié, il dut s’en souvenir brutalement à l’aide de deux gifles gracieusement offertes par la jeune femme. Il les méritait, il le savait et il en aurait volontiers pris encore plusieurs si cela avait permis à Alexis de se sentir mieux après son jeu de manipulateur. Il aurait aimé la soigner de cette souffrance, vérité dite. Mais il devait penser à lui aussi. Il ne pouvait pas la laisser l’atteindre, détruire sa porte au monde doré. Néanmoins, cela ne l’empêchait pas de se sentir désolé.
« Je suis désolée de m’être emportée mais… Mais j’aurais aimé que tu aies été aussi honnête avant et non maintenant. »
Un faible sourire s’esquissa sur ses lèvres et il n’était pas entièrement feint. Il était temps de donner le possible coup final et il s’en sentait coupable. Piétiner et cracher sur ses propres sentiments étaient une chose, offrir le même traitement à ceux de la Prescott, une autre. Elle était différente et il le sentait au plus profond de lui, mais il ne pouvait pas risquer sa peau. Il ne pouvait lui donner un traitement différent juste parce que c’était elle. Il était une ordure et il l’avait accepté depuis bien longtemps. Elle n’aurait jamais dû s’excuser, s’approcher de lui, mais l’agneau fait toujours la même erreur avec le renard.
« J’aurais aimé également et je regrette, dit-il doucement, ses yeux plantés dans ceux d’Alexis, son masque sérieux parfaitement porté. Peut-être que la pointe de culpabilité en vue de son futur acte l’aidait à paraître plus sincère que jamais. Mais il est rarement trop tard pour adopter une nouvelle ligne de conduite, même si je pense que tu regretteras que je n’aie pas été malhonnête, ajouta-t-il avant de s’approcher doucement du visage d’Alexis et de l’embrasser avec une belle douceur, une de celles qui ne dure que furtivement. Il ne voulait pas risquer une troisième gifle qui briserait son coup de théâtre. Désolé de n’avoir été honnête sur mes sentiments que maintenant, mais sache que je ne t’oublierai pas.»
Libre à elle d’interpréter comme elle le souhaitait ces quelques mots sans rimes. Pour lui, il était temps de s’éclipser afin de réussir parfaitement son coup. C’est donc sans se faire prier, laissant que brièvement son regard s’attarder sur le visage de poupée d’Alexis, que Nolan s’éloigna à grands pas vers sa salle de cours, remerciant le karma qui le fit rencontrer deux amis auprès de qui se cacher en attendant d’avoir à nouveau internet sur son portable pour continuer sa précédente conversation. Il avait grand besoin de se changer l’esprit et il n’existait rien de mieux que faire son escroc pour ça. Être au sommet de son naturel, c’était le meilleur moyen de se convaincre qu’il n’avait pas à se sentir coupable.