Appel d'Elliot à Vega

Y’a un blanc causé par ma faute, le temps que je réfléchisse. Que je pose les choses à plat. Et c’est la première fois que c’est pas naturel avec toi. Que j’dois me forcer à penser. Et ça ne me plait pas. « Si. » J’ai peur de tout en fait. J’aimerais trouver le juste milieu. Mais j’suis même pas sur d’y arriver. « Moi aussi j’ai envie de rester avec toi Vega… Et non, j’couche pas à droite à gauche, et t’es la seule à avoir des fringues chez moi, et est-ce que tout ça ça peut te suffire - est-ce que je peux te suffire - pour l’instant? Juste quelques temps? » Le temps que je guérisse un peu. Et ouais, on se comporte comme si on était ensemble, et ça me dérange pas pour l’instant mais… « J’veux juste pas de mot. Pas d’étiquette. Pas pour l’instant. S’il te plait. » Et ça veut pas dire que j’me barrerais du jour au lendemain sans explication, ça veut pas dire que j’peux aller voir d’autres filles quand ça me change ou que je te suis pas redevable. Tout ça, c’est acquis. Les comportements, j’les ai. Mais les mots… J’peux pas. Pas maintenant. Pas encore.

j’allais rester parce que je mentais pas quand je disais que je commençais à ressentir des choses pour toi. et c’était exactement pour cette raison que je pouvais pas me résoudre à couper court à cette conversation, à couper court à ce qu’on partageait toi et moi. et j’crois que j’avais pas la force de me battre. ou plutôt, j’avais pas envie de déclencher le mauvais truc, de te faire fuir alors que c’était la dernière chose que je voulais. et je crois que pour ça, je n’avais pas d’autres choix que de me plier à ce que tu voulais. que de m’incliner devant tes demandes. « tu me suffis elliot. » j’ai pas besoin que tu me fasses des grandes déclarations, ni que tu me promettes de me décrocher la lune. j’veux juste.. j’veux juste être certaine que tu es à moi. que j’ai pas à angoisser à chaque fois que je ne suis pas avec toi. c’est tout ce que je veux moi. savoir qu’on peut avoir quelque chose. « d’accord » je souffle. j’ai cédé. je cède à chaque fois. j’ai peut être pas la force de caractère pour entrer dans des débats. « tu me suffis amplement et je m’en tiendrais à ça. » et si tu me montrais que je me plantais entièrement, alors je ne pourrais m’en prendre qu’à moi même de croire les gens sur paroles à chaque fois. « j’veux juste que tu saches que.. j’suis sincère avec toi. c’est tout. »

Je te suffis oui. Pour l’instant. Je sais que tu voudras plus par la suite. Mais c’est pas le moment, pas encore, je peux pas encore t’offrir ce que tu désires. « J’partirais pas du jour au lendemain sans prévenir, sans explication. Et pour l’instant, t’es la seule. Et si tu veux tout savoir, y’a jamais eu aucune fille qui a eu le droit de laisser ne serait-ce qu’une culotte chez moi. » Alors sens-toi spéciale, même si j’refuse de prononcer les mots qui me terrifient. Et puis, un autre petit blanc et je soupire doucement, je me détends un peu, comme si le plus dur avait été fait. « Tu dis que je te suffis mais tu ne me connais pas vraiment, en fait. J’te propose un truc. Chacun son tour, on dit quelque chose sur nous que l’autre ne sait pas. » Ça peut être des trucs importants — comme mon crash — ou des trucs totalement idiots — comme le fait que je préfère les petit-dejs anglais. « Ça te tente? » Ça renforcera la confiance. Et ça se trouve, ça te montrera que tu veux pas être liée à quelqu’un comme moi, parce que j’ai fait pas mal d’erreurs dans ma vie.

« je te crois » je te crois sincèrement. et j’vais vraiment essayer d’arrêter de pousser. j’fais pas exprès. j’fais pas ça pour te mettre mal à l’aise. c’est juste moi. et j’suis désolée si c’est dérangeant. vraiment. parce que j’ai pas envie de te poser d’ultimatum. j’ai pas envie qu’on se pousse dans le mauvais chemin. j’ai pas envie que les choses tournent mal entre toi et moi. et ta proposition, je ne l’avais pas vu venir. j’étendais mes jambes, me mordillant la lèvre et.. ouais, y avait pas de mal. j’voulais te connaître. te connaître vraiment. « pourquoi pas ? » mais qu’est-ce que tu voulais que je te dise moi ? j’savais pas quoi te raconter; j’sais pas, quand je voulais dire un truc, je le disais. peu importait le contexte, la situation. là, tu me prenais au dépourvu et.. « je suis claustrophobe. » vraiment. j’prends jamais l’ascenseur par exemple. j’rentre jamais dans un cagibi. parce que les portes n’ont même pas le temps de se renfermer que je suis déjà en train de paniquer, d’hurler. j’suis terrifiée par les endroits clos, par les petites pièces, j’ai la sensation d’étouffer en fait et j’peux juste pas. et du coup, si j’ai bien compris, maintenant, c’est à toi.

Je propose un petit jeu, histoire d’apprendre à mieux se connaitre, à mieux se découvrir. « Ça veut dire que je te ferai jamais l’amour dans un ascenseur? J’suis déçu. » que j’ironise en riant quelque peu. T’as de la chance d’un côté, toutes les pièces de la villa sont assez grandes donc tu ne devrais pas te sentir à l’étroit ici. « Elle te vient d’où cette phobie? » Toutes les phobies viennent de quelque part, qu’on en soit conscient ou non. Et à moi de t’avouer quelque chose. « Je suis un ancien addict. » Ouais, je commence fort. Mais peut-être que ce jeu, c’est un prétexte aussi pour te sortir toutes les choses dont je suis pas fier et voir si tu m’acceptes toujours dans tes bras ou pas. Peut-être que c’est les choses que j’ai besoin de sortir. « Enfin, ça fait pas longtemps que je suis clean… Depuis le 21 février. » Mais c’est déjà ça, non? Faut bien commencer quelque part. Et rien que le fait que j'arrive à me présenter comme tel, c'est du progrès. Parce qu'avant ma désintox, j'étais dans le déni complet, pour moi, j'étais pas accro. À rien. « Je consommais souvent de la MDMA, c’est des amphétamines… Et quelques fois de la coke mais rarement. Et après le crash, on m’a prescrit des somnifères et des anxiolytiques, des calmants, pour mes crises de panique et parce que j’arrivais pas à dormir sans revoir la scène de mon crash encore et encore. Et je suis devenu accro à ça aussi… Mais j’ai tout stoppé avant le Spring Break. Et pour l’instant, je tiens. Certaines nuits sont pénibles et… C’est pour ça aussi que j’ai du mal à dormir seul. » Que ce soit toi, Serah, Zora, Meghan… J’essaye de toujours avoir quelqu’un parce que ça m’apaise. Et oui, ça fait deux trucs mais tant pis. Le but c’est de se confier non? Et promis qu’après j’essayerai de parler de trucs un peu plus… légers.

« Jamais. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas pleins d’autres endroits à faire. » c’est juste que l’ascenseur ca ne pourra jamais se produire en fait. Pour la simple et bonne raison que je serais probablement en train de pleurer de panique et que c’est pas dans ce genre de moment qu’on a envie de faire quoi que ce soit. « Quand j’étais petite, mes parents avaient l’habitude de nous laisser pendant deux semaines chez mes grands parents en été. Ils avaient ce genre de grande maison avec un grenier gigantesque. J’avais pas le droit d’y aller mais je l’ai quand même fait. J’avais 9 ans et je suis rentrée dans une malle pour pas que ma petite sœur me trouve. La malle s’est refermée et je suis restée dedans pendant 8 heures. » parce que personne ne savait où j’étais et qu’ils n’avaient pas eu l’idée de monter voir en haut. Les huit heures les plus longues de ma vie où quand on m’avait sorti de là, j’étais à moitié inconsciente. Autant dire que depuis, je préférais rester loin de tout ce qui pouvait se fermer. Puis comme prévu, c’était l’échange. A ton tour, tu me donnais une information et je me mordais la lèvre en t’écoutant. Ah, un ancien drogué. Clairement je ne l’avais pas vu venir celle-là. « tu vas à des réunions ? » que je demandais. « tu sais, si ça ne va pas et que t’as besoin tu peux m’appeler n’importe quand elliot. » et probablement que je ne serais pas là personne vers qui tu veux te tourner mais au moins tu sais que je suis présente.

Je grimace à l’histoire que tu me racontes. Ouais, ça m’étonne pas que t’en sois ressortie claustrophobe… « Rappelle-moi de ne jamais jouer à cache-cache avec toi parce que je risque de perdre et je suis mauvais perdant. » Ouais, j’avais l’art de tourner les choses dramatiques en dérision pour leur enlever un peu de leur côté dramatique justement. Vaut mieux en rire qu’en pleurer quoi. A mon tour de raconter un truc et je choisis la drogue, parce que mine de rien, c’est un sujet important qui vaut être mentionné je pense quand on démarre une relation. Pour certain c’est éliminatoire. « Non, j’assiste pas aux réunions, j’ai un psy que je vois depuis ma sortie d’hôpital après le crash, c’est lui qui me suit. » C’est lui qui m’a foutu en désintox, aussi. Et je souris à tes mots. « J’y penserai. Merci. » Et c’était sincère, parce que j’me sentais bien avec toi alors c’était logique que ce soit toi que j’appelle quand ça va mal. T’façon, c’est pas un sujet que j’évoque particulièrement avec mes amis. « C’est à toi. » que je souffle, me glissant sous ma couette pour m’emmitoufler dans les draps. Ironiquement, je déteste les fringues mais j’peux pas dormir sans couverture. Ça, c'est moi, tout un paradoxe.

  « t’es jaloux de ma capacité à me planquer, je sais » je préfère en rire avec toi de tout ça. Dans le fond, c’est rien d’autre que le passé alors ouais, même si c’est un mauvais souvenir, je suis pas non plus complètement traumatisée. Disons juste que maintenant je préfère me tenir bien loin des endroits qui pourraient me retenir captive. « ok.. » je souffle un coup fermant mes yeux, me laissant bercer par le petit silence s’installant entre nous. Je sais pas pourquoi tu m’apaises comme ça, je comprends vraiment pas mais c’est le cas. Et j’aime cet effet que tu as sur moi. J’aime qu’on puisse se parler de la sorte, se confier.. je crois que bêtement, j’avais juste oublié ce que ça faisait que de s’accrocher à une personne comme ça. « c’est à moi » que je répétais doucement cherchant ce que je pouvais bien raconter sur moi. « je crois que j’aimerais bien travailler dans le médical. Sauver des vies. Je voudrais faire quelque chose qui compte vraiment, pas juste des tutos makeup » que je termine d’un petit rire. Ouais, je voudrais pouvoir changer les choses.

Je ris quelque peu et reprends mon sérieux, me préparant à t’écouter, bien calé sous les couettes. Et pendant le blanc, je sors un petit « Ca fait bizarre que tu sois pas là… » d’une petite voix. C’est con mais j’me suis habitué à ta présence, à tes doigts qui caressent ma peau avant que je m’endorme. Et j’me demande si moi un jour j’serais accepté chez toi. J’ai plus de nouvelles de Zeno depuis un moment déjà. Peut-être qu’il a accepté l’idée de me voir avec toi, j’en sais rien. Mais ouais, comme j’ai jamais vraiment été accepté dans l’entourage de Cléo, j’peux pas m’empêcher de me poser la question pour toi. « J’suis sûr que tes tutos makeup comptent pour les filles qui sont pas douées. » que je ris doucement. « J’aurais dû te rencontrer avant, tu m’aurais peut-être laissé une plus belle cicatrice que Dina. » Je passe mes doigts sur mon ancienne plaie en frissonnant quelque peu. « T’as choisi quoi comme études à la rentrée ? Pourquoi tu fais pas médecine ? » Tu peux. T’as pas encore commencé tes études, tu peux faire ce dont t’as envie. Moi, c’est trop tard pour que je change, ça fait cinq ans que je suis en Relations Internationales, j’peux plus reculer maintenant. Mais si on parle de l’avenir… « Moi j’ai aucune idée de ce que je veux faire. J’arrive pas à m’imaginer… dans quoi que ce soit. Et ça me fait flipper. » Parce qu’éventuellement, il me faudra un avenir. Un futur, un métier. Et pour l’instant, j’ai rien qui m’intéresse, rien où je me verrais bien.

mais est-ce que j’avais la carrure pour ça ? est-ce que j’étais vraiment capable de m’engager dans des études aussi difficile qui allait me prendre absolument tout mon temps ? j’en savais rien. et j’crois que ouais, encore une fois, je manquais un peu trop de confiance en moi. « je te manque à quel point ? » que je souffle. et je t’avoue que maintenant que les choses sont apaisés, j’regrette de ne pas être avec toi. de pas pouvoir me blottir contre ton corps, ma tête dans ton cou, à laisser glisser mes doigts sur ton bras jusqu’à trouver le sommeil. « vrai. j’suis sûre que j’évite des massacres faciales » j’en ris parce que ouais, j’suis quand même fière de ma chaîne, de ce que je fais, de là où je suis mais.. j’voudrais plus. j’voudrais sincèrement faire des choses importantes. « c’est même sûr » que je souffle. « j’pensais aller en informatique mais.. ouais, j’sais pas si j’serais assez douée pour la médecine. » alors que l’informatique, je sais que je suis douée. je sais que j’arrive à comprendre et que je peux m’en sortir dans ce domaine là. « j’te verrais bien dans un truc sportif, me demande pas pourquoi » j’étires mes jambes légèrement endoloris avant de reprendre. « y a rien que tu aimes faire plus que le reste ? »