Ton regard s’agrandit exagérément un peu comme dans les dessin-animés et j’aurais presque envie de rire –presque. « C’est que … euh.. j’ai un peu quelqu’un dans ma vie. Avant c’était toi mon choix, sauf que comme t’m’aimais pas comme ça. » Wait. Back the fuck up. Tu quoi? Je fronce les sourcils, trop sous le choc pour réagir maintenant. Mon cerveau prend un moment à enregistrer tes paroles et moi j’suis figé en attendant. Toi? Tu continus de babiller. « T’es mon amie j’veux pas t’perdre Liz c’est tout. » Je cligne des yeux et la ceinture choisis ce moment pour se décoincée, m’envoyant pratiquement valser sur le dos. Je me ressaisis, la met en place et retourne sur mon siège, les mains sur le volant, le regard dans la vague. Quand enfin l’info atteint sa cible, je lève les bras dans les airs en gueulant : « Qu’est-ce que vous avez tous à assumer que je suis incapable de retourner vos sentiments bon dieu d’merde?!?! » Ma voix raisonne fort dans l’habitacle de mon vieux taco et je ferme rapidement les yeux en me pinçant l’arrêt du nez. Après Aaric, c’est toi tour apparemment de me larguer une bombe comme ça et j’arrive pas à l’croire. « Pourquoi t’as jamais rien dis Nick, mh? » Je tourne lentement la tête vers toi, déçue, blessée.
Au moment même où je termine ma phrase je sens que quelque chose a changé dans l’air. Mes paroles n’ont clairement pas laissé Liz indifférente et il est trop tard pour les reprendre. C’est ce qui arrive quand j’abuse un peu trop de l’alcool, je parle sans arrêt et je finis par regretter… J’ajoute aussitôt que c’est mon amie et que je n’ai pas envie de la perdre, mais elle ne réagit pas pour autant. La ceinture se débloque ce qui la propulse un peu plus loin de moi et je tourne la tête vers ma gauche pour continuer de la regarder. J’ai envie de lui crier de dire quelque chose, que ce silence m’énerve, mais je m’abstiens parce qu’au fond je sais que je ne viens pas juste de lui avouer que j’avais envie de faire un arrête au Mcdo. Quoi quand y pensant ça pourrait être bien d’y faire un petit arrêt… Bien vite je me retrouve interrompu dans mes pensées par Liz qui agite ses bras en parlant un peu trop fort à mon goût. « Je suis pas certain d'comprendre pourquoi t'es énervé.. » Je fronçais les sourcils en réanalysant ce qu’elle venait de dire. Pourquoi avait-elle mentionné un « vous »? Je regardais vite fait sur la banquette arrière… ah non on était bien que nous deux. Elle ferme les yeux et j’hésite à ajouter quoi que ce soit craignant qu’elle ne s’énerve encore plus… après tout avec les hormones et tout ça c’est évident que la patience doit être limitée. « Ben.. » J’haussais les épaules baissant le regard sur mes mains avant de poursuivre. « Je sais pas… tu sais bien qu’avec Ro les choses ont tellement été difficile que j’osais plus… puis j’ai jamais eu l’impression que t’aurais pu avoir ce genre d’intérêt pour moi. J’voulais pas gâcher notre amitié voilàa.. »
« Je suis pas certain d'comprendre pourquoi t'es énervé.. » Non, bien sûr que tu ne comprends pas Nick. Comment tu pourrais comprendre hein? Surtout dans ton état. T’es beaucoup trop saoul pour même te souvenir de ta propre adresse alors j’vais pas espérer que tu démystifies les sentiments des femmes ce soir, t’en fais surtout pas. Alors tout ce que je te demande, tout ce que je veux savoir –et j’espère que tu sois au minimum en mesure de répondre à cette question- c’est pourquoi est-ce que tu ne m’as jamais rien dit? « Ben.. » Je te fixe en silence, j’attends une réponse, une explication qui à coup sûr risque de me faire gueuler d’avantage. J’croyais qu’on se disait tout. « Je sais pas… tu sais bien qu’avec Ro les choses ont tellement été difficile que j’osais plus… puis j’ai jamais eu l’impression que t’aurais pu avoir ce genre d’intérêt pour moi. J’voulais pas gâcher notre amitié voilà.. » Je secoue lentement la tête, le regard peiné alors que j’ai juste envie d’ouvrir la porte et de te pousser à l’extérieur de ma voiture pour que tu marches et réfléchisses un peu. Mais j’en fait rien parce que j’vais pas te laisser rentrer tout seul et que j’vais pas non plus de pousser en bas d’ma bagnole. « Eh bien t’as de très mauvaise impression mon grand. » Je détourne à nouveau le regard et plante les clés dans le contact avant de faire démarrer le moteur dans le silence le plus lourd qu’on a jamais vécu tous les deux ensemble.
Espérons que mon explication faisait un semblant de sens. Faut dire que lorsque Liz avait monté le ton contre moi ça m’avait légèrement ramené à la réalité. Elle m’en veut, je ne sais pas trop pourquoi, mais je sais que c’est le cas. Même si l’alcool continue de couler en quantité bien trop grande dans mon sang, je sens que cette discussion risque de changer les choses entre nous et c’est maintenant hors de mon contrôle. Finalement elle me dit que mes impressions sont mauvaises et je fronce à nouveau les sourcils. Le moteur démarre et je reste en silence alors que tout continue de tourner dans ma tête. J’ouvre la bouche pour parler puis la referme en me disant que ça risquait d’empirer les choses, mais finalement c’est plus fort que moi et je me lance. « Si mes impressions sont si mauvaises… c’est que t’avais un intérêt aussi? » Je fais une courte pause pour aligner mes idées parce que c’est franchement pas évident en ce moment. « Si t’avais un intérêt… t’as pas plus dit quoi que ce soit. » Voilà au moins c’était dit, j’allais peut-être le regretter demain, mais demain serait un autre jour.
Le silence est lourd, très lourd entre nous. Assez pesant pour me donner l’impression d’avoir non pas deux, mais plutôt quatre enfants en mon sein en plus d’avoir du mal à me laisser respirer. Je ne dis pourtant rien pour alléger l’ambiance, trop frustré par cette situation et tes révélations tardives. À côté de moi, je te sens légèrement agité, mais me concentre sur la route en t’ignorant du mieux que je le peux jusqu’à ce que tu demandes : « Si mes impressions sont si mauvaises… c’est que t’avais un intérêt aussi? » Je te jette un regard du coin de l’œil, ne répondant même pas. « Si t’avais un intérêt… t’as pas plus dit quoi que ce soit. » Je serre la mâchoire et te regarde à nouveau avant de reporter mon attention sur la route. S’il n’en tenait qu’à moi, j’aurais enfoncé les freins pour que tu te cognes la tête sur le tableau de bord. Mais comme ma bagnole risque de rendre l’âme pour ce genre de frivolité, je m’abstiens. « Si tes impressions sont si mauvaises, c’est surtout parce que si tu avais pris la peine de m’en parler avant, de me faire part de tes sentiments, on aurait pu avoir une discussion digne de ce nom Nick et tu aurais vu que je ne suis pas pourvu d’un cœur de pierre. Je t’adore, tu le sais très bien. Je tiens à toi plus qu’à bien des gens et j’aurais pu tomber amoureuse de toi, ok? » Un feu rouge et j’immobilise la voiture, tournant la tête pour croiser ton regard. « Quand on a couché ensemble, il y avait bien plus que du sexe, tu le sais bien. »
À peine est-ce que j’avais terminé de parler que j’avais l’impression que l’ambiance s’était encore alourdit, chose que je croyais impossible. Elle finit quand même par me répondre, mettant fin à ce silence qui m’avait paru interminable. D’ailleurs ses explications me paraissaient un peu longue également et je m’y perdis légèrement, mais j’en compris le principal. Elle aurait pu tomber en amour avec moi… une supposition. J’haussais les épaules. « Peut-être que oui… peut-être que non. » La probabilité était de 50/50, sauf que mon cœur avait été bien trop blessé pour que je parie sur une telle probabilité. La voiture s’immobilise à la lumière et je tourne la tête lorsque je sens son regard se poser sur moi. Des images me reviennent en tête lorsqu’elle aborde la fois où on avait couché ensemble, pour moi c’était clair que c’était pas que du sexe, mais faut dire qu’au moment où ça c’était passé j’avais déjà développé quelque chose pour elle. « J’pouvais pas savoir Liz… T’mas pas parlé pendant plusieurs jours après ça... j’ai toujours un peu pensé qu’tavais regretté. » La conversation devenait bien trop sérieuse comparé au moment de son arrivé, tellement que je me disais qu’un petit shooter de plus ne me ferait peut-être pas de tort! Sauf qu’à cette pensée j’eu un petit haut le cœur. Ouais non, finalement valait mieux oublié tout autre alcool pour le moment car j’étais même pas certain d’être capable de me rendre jusqu’à chez moi sans être malade.
« J’pouvais pas savoir Liz… T’mas pas parlé pendant plusieurs jours après ça... j’ai toujours un peu pensé qu’t’avais regretté. » Je soupire et secoue lentement la tête de gauche à droite. « J’ai pas regretté, j’ai eu peur de ce que ça pouvait représenter. » Le feu change, éclairant ton visage d’une lueur verdâtre plutôt que rouge et je reporte mon attention sur la route en remettant la bagnole en marche. « Comme toi, j’voulais pas gâcher notre amitié, mais c’était plus que du sexe pour moi Nick. » J’suis plus calme que tout à l’heure, ce qui est une bonne chose, mais je déteste avec cette conversation avec toi maintenant. D’abord parce qu’on aurait dû l’avoir il y a longtemps, mais aussi parce que j’ai peur que tu ne t’en souviennes même plus demain matin. Je te jette un coup d’œil rapide sans trop savoir quoi ajouter de plus.
Pourquoi est-ce que j’avais contacté Liz déjà? Ah oui, j’étais juste trop saoul pour comprendre ce que je faisais. Je regrettais, non pas d’être en sa présence, mais de lui avoir dévoilé mon sac ainsi, dans cet état. J’avais toujours été trop peureux pour lui avouer tout ça et voilà qu’un verre de trop et je me vide le cœur. Pourtant au fond de moi je sentais que c’était mal et que demain je le regretterais. Je ne réponds rien parce qu’il n’y a rien à dire, l’auto redémarre et je fixe devant moi sans même réaliser par quel chemin elle avait décidé de passer. Quand elle avoue que ce n’était pas que du sexe je tourne lentement le regard vers elle, on dirait que je cherche à comprendre si elle blague ou si elle est sérieuse. « Pour moi non plus. » finis-je par ajouter avant de me reconcentrer sur la route. J’avais du mal à croire que pendant toutes ses années j’avais jamais rien dit.. alors que peut-être qu’au final il aurait pu y avoir quelque chose entre nous. « Navré d’avoir toujours été trop craintif pour t’en parler. » C’était bien tout ce que je pouvais faire maintenant que le mal était fait. J’appuyais ma tête contre la vitre regardant défiler le paysage, j’avais l’impression qu’avec tout ça je n’arriverais jamais à m’endormir. « J’t’aurais bien proposé un verre pour faire passer toute cette histoire mais.. » Mon regard se baissa sur son ventre sous-entendant que ce serait impossible pour elle. « Moi j’crois que j’ai pas assez bu finalement. » ajoutais-je avant de recoller mon front contre la vitre, peut-être qu’avec un petit verre de vodka le sommeil viendrait mieux.
« Pour moi non plus. » Ugh, ce n’est définitivement pas comme ça que j’avais imaginé terminer ma soirée. J’vous rappelle que j’suis en pyjama présentement en train de conduire mon pote trop saoul jusqu’à chez lui alors qu’il ne se souvient plus de sa propre adresse. « Navré d’avoir toujours été trop craintif pour t’en parler. » Je continus de te jeter des coups d’œil en conduisant. J’peux pas réellement t’en vouloir quand tu fais cette tête là, mais je ne peux pas non plus te pardonner si vite alors je ne dis rien. Au final, c’est toi qui brise à nouveau le silence. « J’t’aurais bien proposé un verre pour faire passer toute cette histoire mais.. » Je suis ton regard jusqu’à mon estomac. Mh, ouais. « Moi j’crois que j’ai pas assez bu finalement. » Ouais, bah heureusement pour toi, nous voilà déjà sur la rue où tu habites. Lentement, je ralentis la voiture jusqu’à ce qu’elle s’arrête sur le bas-côté. Je coupe le contact et inspire un grand coup. « J’vais t’aider à sortir… » Je détache ma ceinture et sort, contournant la voiture pour venir de ton côté en espérant que t’as au moins réussi à te détacher tout seul.
Liz était restée bien silencieuse le restant du trajet et peut-être que c’était mieux ainsi. En tout cas je préférais ça que lorsqu’elle s’était énervée un peu plus tôt en me criant par la tête. Après une route interminable elle s’arrêta devant chez moi me mentionnant d’attendre pour qu’elle m’aide à sortir. Je regardais rapidement par la fenêtre et ouais… on était bien chez moi. Heureusement qu’elle était passé me chercher, sans quoi je sais pas comment j’aurais fait pour rentrer chez moi. La portière s’ouvrit et je lui souris, c’était un peu ma façon de dire merci même si au final je devais juste avoir l’air stupide. Après quelques tentatives j’appuyais sur le bouton pour me détacher et sans trop attendre l’aide de Liz je tentais de me relever du véhicule trop rapidement et je perdis pied me retrouvant rapidement au sol. « Aie. » lâchais-je lorsque mon avant-bras frappa le sol. De peine et de misère je me relevais avec l’aide de Liz qui devait être plus que découragé actuellement. « J’crois j’me suis blessé… mais j’pas sûr. » ajoutais-je en articulant très peu les mots. La fatigue commençait aussi à prendre le dessus ce qui ne m’aidait pas du tout dans mes déplacements.