FLORIAN LEFEBVRE ► xavier serrano

Qu’est-ce que j’ai hâte que tu sois plus vieux Léo. J’ai hâte de pouvoir te parler sincèrement de tout. Aujourd’hui tu es bien trop jeune pour que je te raconte la vie en détails. Je t’épargne de cela et dans le fond, je suis peut-être un peu jaloux. Je préférais être un enfant, avoir aucune responsabilité et que les gens autour de moi s’arrangent pour que je reste sur mon petit nuage. Ça serait le rêve. Malheureusement je n’ai pas eu cette chance, alors je compte bien te la donner au moins. Du mieux que je peux. De mon côté, j’ai grandi avec des parents qui se fichaient de moi. Enfin, c’est également ton cas comme on a les mêmes, mais au moins, tu m’as. Je sais que je ne suis pas la perfection, mais je me considère pas mal vu ce que j’ai eu de mon côté. Je suis né à Paris, tout comme toi. C’est en 1997 que nos parents eurent la brillante idée d’avoir un enfant. (Bien entendre ici mon sarcasme). Ils n’avaient pas d’argent, vivaient dans un petit appartement, faisaient des boulots sans y rester bien longtemps… Bref ils n’étaient pas stables. Cela a tout de même fait que j’ai été autonome très jeune. Il fallait bien que je m’occupe de ma petite personne sinon personne n’allait le faire. Mes parents étaient trop occupés à sortir, profiter de soirées, bosser parfois pour payer les factures à la fin du mois. Je ne sais même pas pourquoi on ne m’a pas sorti de cette famille dans mon enfance. C’était comme si je n’existais pas et cela m’a frustré. Je ne l’ai exprimé qu’à l’adolescence. J’ai voulu devenir complètement autonome, mais on ne peut se prendre un appartement à 12-13 ans quand même, alors je fuguais quelques jours, je faisais des conneries pour avoir un peu d’argent. Puis ils m’accusaient d’être le pire enfant au monde. Comme si ce n’était pas de leur faute tout cela. Bon, pour tout le monde autour j’étais le petit rebelle. Je ne faisais rien de mal, enfin pas trop. En trainant comme ça, j’ai découvert rapidement plusieurs choses que je pouvais faire… et avoir. (J’ai besoin de détailler ou pas? En gros, les drogues et les filles). Je jouais souvent un personnage en quelque sorte, n’aimant pas celui que j’étais et d’où je venais. Puis ce Florian plaisait aux gens, alors pourquoi pas? Malgré le fait que je déteste mes parents, qu’ils m’énervent au plus haut point et me traitent comme de la merde, j’avais tout de même trouvé un point positif : ils étaient rarement à l’appartement. Je devais simplement m’assurer qu’ils ne se rendent pas compte de mes activités. C’est ainsi que j’ai passé la majorité de mon adolescence, découvrant par moi-même le monde et forgeant ma personnalité. Je devais bien être fort et sûr de moi, car je savais que je n’aurais rien de facile. Ce fut tout de même le choc lorsqu’à 15 ans, mes parents m’annoncèrent qu’ils allaient avoir un bébé. Ma réaction? Je les trouvais idiots. Complètement idiots. Ils ne s’étaient jamais occupés de moi, ils étaient encore des adolescents eux-mêmes alors pourquoi ça changerait? Ils disaient cependant que c’était une deuxième chance. En gros, ils m’abandonnaient et allaient se concentrer sur ce nouveau bébé. Heureusement que je m’étais détaché d’eux déjà, sinon j’aurais pu être réellement blessé. Alors voilà qu’en quelques mois, j’avais un lit de bébé dans ma chambre et tout ce qui va avec. Après tout, ils n’allaient pas le mettre dans leur propre chambre, ils en avaient… besoin. Je détestais cette idée à la base, je leur en voulais… jusqu’à ta naissance. Toi, Léo, petit être si innocent qui n’avait jamais demandé de venir dans cette famille de fou. J’ai changé de perception en te voyant et en m’occupant de toi. Parce que nos parents n’avaient pas changé. En réalité, je crois qu’ils ne se sont jamais rendus compte de tout ce que tu demandais, car c’était moi qui étais là pour te répondre en premier et m’assurer que tu ne manquais de rien. Bon c’était un peu la merde à 16 ans de refuser une soirée car j’avais un bébé à m’occuper, mais je transformais les choses, disant que j’avais un rendez-vous par exemple, ou en tout cas, mieux à faire. Je sortais tout de même parfois. Je restais un adolescent qui adorait les soirées, qui faisaient plusieurs activités, qui avaient plusieurs amis et fréquentations. Puis tu avais des parents officiellement, tu pouvais bien survivre une soirée sans moi. Enfin, c’était ce que je croyais jusqu’à ce que je revienne à la maison. Tu avais un an, tu avais besoin de surveillance. Quand je suis revenu de soirée, tu étais seul. L’appartement était vide, il y avait simplement toi qui pleurais dans la chambre, dans notre chambre. J’ai vu noir, je leur en ai voulu à mourir et j’ai fais nos valises. J’ai tout pris, tout. J’allais bientôt être majeur et je me trouverais un boulot. Peu importe, ça serait mieux que rester ici. J’ai écrit à mes parents. Qu’est-ce qui aurait pu t’arriver pendant ce temps? Depuis quand étaient-ils partis même? Ça ne se faisait pas! Je leur ai lancé tout ce que j’avais sur le cœur depuis des années et je leur ai dis que je n’avais d’autre choix que de partir avec toi. Ils ne se sont même pas opposés à cela! On pourrait leur remettre le prix des pires parents au monde, ça c’est certain. Ils ont probablement réalisé, grâce à mes paroles, qu’ils avaient merdé encore une fois, qu’ils n’avaient pas réussi à se reprendre en main. Alors j’arrivais au collège avec un petit d’un an, complètement perdu. J’ai eu de l’aide au début par les services sociaux. J’en avais besoin après tout, je ne pouvais pas beaucoup bosser et eux voulaient s’assurer que tu allais bien. Bon je n’allais pas me plaindre, mais ils auraient pu le faire avant. Ou à moi par exemple. Personne ne connaissait ma situation, pas même mes amis mes plus proches. J’avais trop honte. Pas de toi bien sûr, je sortais régulièrement en ville avec toi, mais plutôt de mes parents, de ma condition. Je dois avouer que tu n’es pas né dans la meilleure des conditions non plus, mais je te promets qu’il y a de belles choses dans ce monde. Même si je cache une bonne partie de ma vie aux gens autour, j’ai eu la chance de connaitre du bon. J’ai eu de belles histoires. Il y en a une que je t’ai parlé. Enfin tu étais petit et ne comprenait probablement pas de quoi je te parlais. D’ailleurs, je ne t’ai pas tout dit. Je ne t’ai parlé que des bons côtés, de mon amour pour cette fille. Pas des mensonges pour l’atteindre et maintenir cette relation. Bref, la fin n’est pas importante. C’est plutôt le bonheur qu’on peut avoir auprès de quelqu’un. Je te le souhaite sincèrement. Pour ma part, je me dis que mon temps est passé. J’ai eu ma chance et je l’ai laissé passer. Ou plutôt, j’ai tout fait pour qu’elle rate complètement. Je compte bien te montrer des bonnes valeurs et te donner une meilleure chance dans la vie. C’est pourquoi j’ai décidé de quitter le pays. On a tous les deux besoins de nouveauté. De toute façon, nous n’avons pas réellement de soutien à Paris, alors pourquoi ne pas recommencer à zéro? De mon côté, cela m’aidera à avoir un meilleur job éventuellement. J’ai travaillé fort pour mon admission et surtout, avoir des bourses. Autrement je n’aurais certainement pas pu être accepté à Harvard. J’aimerais bien voir la tête de nos parents s’ils savaient que j’étais aujourd’hui un étudiant de l’une des universités les plus réputées du monde. J’en suis plus fier, de moi, de nous. Je suis majeur ici et en quelque sorte ton tuteur. J’avoue qu’avoir un gosse de 5 ans dans les jambes, ce n’est pas l’idéal pour profiter pleinement de la vie étudiante, mais tu passes quand même avant tout. Puis tu es un petit garçon très intelligent, tu sais que j’aime sortir également et tu ne gueules jamais quand tu te fais garder. Un vrai petit ange. Bon j’exagère clairement, parce que tu m’énerves parfois. Mais cela passe rapidement car je suis tellement heureux qu’on puisse se donner un nouveau départ ensemble.