dix verres ça libère. (jakrys)

Ce soir il fait froid, j'suis seule assise à une table au fond du pub, j'sirote mon mojito. La salle est bondée pourtant j'fais mon associable comme d'hab, j'continue de siroter mon verre espérant qu'à un moment le rhum fasse enfin effet, mon verre est finie. J'aimerais être comme ces filles qui dansent sur le comptoir là bas, être aussi libérée, aussi frivole, être juste moi sans avoir peur au final. La serveuse vient vers moi, débarrasse mon verre « Je vous sert autre chose mademoiselle ? » j'lève les yeux vers elle, hausse les épaules « ... la même chose s'il vous plaît. » je jette un coup d'oeil sur mon téléphone, comme si j'avais une tonne d'amis, zéro message. Putain j'aurais mieux d'organiser une course, j'me serais sans aucun doute fait moins chier qu'ici. J'a i juste l'impression de faire partie du décors, mais j'suis bien consciente que c'est de ma faute, j'aimerais disparaître encore plus. J'ai l'impression que les gens ne regarde que moi, cette pauvre fille toute seule dans son coin. Je vide mon verre d'une traite.

J'ai pas compris pourquoi, j'ai pas compris comment, tout ce que je sais c'est que le serveur est venu me remplir le verre . Je lève les yeux vers lui, comprenant pas trop pourquoi. Il se contente d'hausser les épaules « Faut croire que vous avez plu à quelqu'un. » et retourne derrière son bar. Je regarde mon verre, je regarde la salle, je regarde mon verre une nouvelle fois. En fait c'est un peu la première fois qu'on m'apporte un verre que je n'ai pas commandé. Je regarde la salle à nouveau. C'est peut-être lui qui se dirige vers moi, verre à la main. Je le regarde, l'air sceptique, qui est-il ? que veut-il ? pourquoi moi ? J'baisse les yeux sur mon verre et boit une grande gorgée, rien de tel. J'ai besoin de ça pour me sentir libérée. J'ai envie d'être une fille qui s'en fout de tout, j'allume une clope. Bonne vieille Malback'. Il s'installe face à moi, j'tire une latte sur ma clope, boit une gorgée et recrache la fumée en le regardant. Je l'interroge du regard.

Je ne le lâchais pas des yeux, lui aussi me fixait. J’appréhendais le pire, j'pensais tout de suite à un de ces beaufs qui viennent que pour nous mettre dans notre lit. J'étais pas la fille la plus sociale du monde j'dirais même que j'étais tout à fait l'inverse. J'avais remarqué qu'Harvard était en surpopulation de beaufs, autant filles que mecs, j'espérais me tromper sur son compte, il venait de m'offrir un verre j'avais pas trop envie d'finir par le remballer assez méchamment. « Moi c’est Jake. Ravit de te rencontrer.» j'arquais un sourcil attendant la suite, tirant sur ma clope, buvant une nouvelle grande gorgée. «Je t’ai vu de là où j’étais assis, et tu m’as plu, t’es différente des autres filles, et puis j’en pouvais plus d’entendre mes potes de fac parler de leur nouvelle bagnole ou de leur fringue.» C'qui est étrange c'est qu'autant le début de la phrase ne m’intéresse pas du tout, autant lorsqu'il me parle de ses potes j'relève la tête et sourit. J'le vois zieuter mon paquet et sourire, ça m'fait marrer même si j'aime pas trop ça qu'on me quémande des clopes mais sa façon de faire est drôle puis j'suis pas vraiment en mesure de lui refuser un truc si ridicule, j'fais glisser le paquet jusqu'à lui accompagnant mon geste d'un clin d'oeil. J'parle toujours pas, il doit regretter d'être venu m'voir au final. Je termine mon verre et appelle le serveur « Vous pouvez nous préparer deux fois un mètre de shooter s'il vous plait, et variez les goûts. » j'regarde mon nouveau pote « Tu vas pas m'laisser boire ça toute seule j'espère. »

«Dit donc tu n’y vas pas de main morte. Merci en tout cas pour la clope.» j'tirais une latte sur ma clope, j'avais envie d'm'amuser et c'était le seul moyen pour m'ouvrir aux autres alors ouais j'avais peut-être abusé mais j'étais sûre que j'allais m'décoincer. Il m'fixai et ça me gênais assez, j'aime pas quand les gens me regarde j'ai envie d'm'enterrer six pieds sous terre. J'avais pris la parole afin d'arrêter au plus vite ce mal-être qui m'envahissait. «Non t’inquiète, et puis tu bois tout ça et t’es bonne pour l’hôpital. T’as envi de jouer ? Pour prendre un shot il faut d’abord répondre à une question, ça marche ?» J'levais les yeux vers lui, esquissait un sourire et haussais les épaules « Pourquoi pas, par contre pas de questions trop personnelles. » Comme si j'allais raconter toute ma vie à un pur inconnu sous prétexte qu'il m'a offert et est venu s'asseoir face à moi.

« Non, mais ne t’en fait pas, j’ai dit ça pour s’amuser un peu, j’ai pas vraiment l’intention de te demander la couleur de tes soutifs» j'levais les yeux vers lui, encore heureux qu'il me la demandait pas, il aurait au mieux fini avec ma main dans sa gueule, au pire, j'ose même pas imaginer ce que j'aurais pu lui faire. Il riait mais ca m'faisait pas tellement rire, j'tirais une latte sur ma clope, le regardant sans rien dire. Il jetait un coup d'oeil sur la table, sans doute regardait-il cette file de shooters qui se dressait face à lui. J'm'attendais au pire sur sa question, puis «Donc je commence… Pourquoi une fille aussi jolie que toi se retrouve seul ce soir ?» et merde, question certes anodine pour certains mais embarrassante pour moi, je n'aime pas avoir de la compagnie, il m'aurait prise pour une folle, j'avais pas envie de ça. J'levais les yeux vers lui tirant une nouvelle latte sur ma clope, l'écrasant dans le cendard sur la table. « Euh ... parce que j'ai trouvé personne pour m'accompagner. » répondais-je sur un ton las et monotone. J'regardais le premier shooter de ma file, l'attrapais et l'avalais cul sec, menthe verte. « .. alors c'est à moi ... hm ... pourquoi est-ce que tu es venu t'asseoir à ma table ? » dis-je avec mon plus grand sourire.

Cette soirée allait finalement être amusante. Il est vrai qu’elle avait débuté plutôt faiblement, cependant la tournure des évènements laissait présager quelque chose pouvant être formidable. J’avais brisé la glace, j’avais ouvert le bal, j’avais posé la première question, mais elle était la première à boire, enfin à condition qu’elle accepte de répondre. Au son de ma question elle tira alors sur sa gauloise, prenant un moment pour réfléchir. Puis rétorqua tout simplement que ce n’était simplement parce qu’elle n’avait trouvé personne pour l’accompagner ce soir, ce qui me sembla étrange à priori, parce que bon elle ne semblait pas être du type solitaire et elle était encore moins moche, à mon avis elle était ici seule par choix plutôt que par dépit. Puis elle s’enfila le premier shooter. C’était à présent à son tour de me poser une question, question qui ne se fit pas attendre. Elle me demanda, avec son plus grand sourire, qui était il faut le dire magnifique, pourquoi j’étais venu m’assoir avec elle à sa table. C’était un peu une question piège, parce que bon je ne pouvais pas répondre n’importe quoi non plus, je ne voulais pas passer pour l’un de ces malades qu’on voit dans les thrillers hollywoodiens. En fait, si j’étais franc je lui dirais que je suis venu la voir parce que je me voyais en elle ce soir, parce qu’elle semblait être la seule personne ce soir à être dans le même état d’esprit que moi, mais je ne pouvais pas lui dire tout cela, elle en serait surement gêné si ce n’est effrayé. Je me contentai alors d’une réponse prudente. « Si je suis venu te voir ce soir c’est parce que tu étais seule, que tu n’es pas besoin de toutes tes copines pour sortir me plait.» Je terminé ma phrase avec le rouge commençant à me monter aux joues. J’avalai à mon tour mon shooter. Whisky. Un vrai gâchis de boire ça en shooter… C’était à mon tour de lui poser une question… « Tu fais parti d’une sororité?» Je tirai à mon tour sur ma cigarette, sourire aux lèvres j’attendais sa réponse.