Invité
est en ligne
Invité
Le silence crépitait dans l'air tandis que gravitant comme un astre perdu, adossé à ce maudit canapé, mes doigts caressèrent mes genoux tandis que mon cerveau absorbait petit à petit les récents évènements. Les mots ne sortaient plus. Dehors, une pluie diluvienne coulait. Puis, une larme. Une deuxième ... Et le tonerre se mit à gronder. Chacun des bruits frustrés qui sortait de notre chambre me faisait sursauter tandis que l'engrenage de mes neurones se mit à fonctionner à deux cent à l'heure. Parcelle par parcelle, les souvenirs de notre passé commun me revinrent, petit à petit ... Cette journée à la glacerie de la ville, ces nuits torrides passées dans le doux silence d'une intimité complice ... Comment il avait essayé de s'intéresser à mon monde en me demandant de lui apprendre à dessiner, comment j'avais fait de même en lui demandant de jouer au football avec moi - me blessant, lamentablement lors de l'opération, mais c'était, après tout, l'intention qui comptait.
Les larmes coulaient de plus en plus vite alors que je me rappelais de chaque "je t'aime" exquis soupiré entre deux gémissements fragiles et délectables. De chaque caresse tendre et passionnée qui avait fait frissoner ma peau, il fut un temps. De ces si belles lèvres qui frémissaient à l'idée de s'écraser contre les miennes, de ce regard étincelant qui ne voulait que croiser le mien ... Je commençais à avoir le vertige, un mal de coeur opprimant comme si une fraction de mon âme m'avait été arrachée et qu'on avait essayé de la remplacer avec une photocopie de celle-ci, un simple clone incomparable à l'original. Mes phalanges se mirent à caresser la texture du canapé, ce même tissus où il m'avait fait comprendre que son corps m'appartenait et qu'il ne pouvait vivre sans le mien tandis que j'étouffais un léger cri de désarroi. Ce n'était pas fini. Ça ne pouvait pas être fini. Pas comme ça. Je le refusais, c'était trop facile. Non. Pas maintenant. Je ne le voulais pas, c'était le mauvais moment, les mauvaises raisons ... Stupide. J'étais stupide.
Ordonnant à mes jambes de se mettre en marche, je me précipitai vers la chambre, ôtant pull, béret, gants et écharpe et les laissant échouer sur la plage de carrellage qui nous servait de sol.
- Aiden, Aiden, Aiden. murmurrais-je de plus en plus fort, de manière agitée.
Une porte croisa mon chemin, puis une autre, d'abord à gauche, puis à droite, mais je n'y prêtais aucune attention. Celle qui m'intéressait, moi, c'était celle tout au fond ... La porte en bois blanc contre laquelle il m'avait déjà pris, une nuit où il était particulièrement violent et où je m'étais contenté de lui en demander plus. L'ouvrant avec un fracas assourdissant, je me mis à hoqueter:
- Tu ne peux pas partir. Tu ne peux pas me laisser comme ça. [...] Pas cette fois ... Un instant je restais là, debout dans l'ouverture du seuil, avant de me décider de me continuer dans ma dernière tentative de salut. Me jetant dans ses bras, je plaquai ma tête contre son front, en profitant pour le renverser sur le lit, comme j'avais pris coutume de le faire si souvent auparavant. Mon oreille contre son coeur, j'avais un instant l'impression que tout était oublié, que tout était pardonné ... Mais ça ne dura qu'un instant, et puis, les sanglots arrivèrent par trombes cacophoniques tandis que je luttais pour trouver les mots nécessaires.
- Mon coeur, mon coeur ... Je suis d-désolé, je suis t-tellement t-tellement d-désolé. je lâchais entre deux sanglots. Mes doigts se seraient enfoncés dans sa chair si j'avais eu des ongles, de ça, j'en étais persuadé, tandis que mon corps tremblait, horrifié par ce qu'il venait de se passer. Pleurant, je terminais.
- Je t'aime, je t'aime tellement, je t'aime tellement que ça me fait mal.
Mon visage se tordit en une grimace de douleur intense.
Puis, je me tus. Et je restais là, plaqué contre sa poitrine, après lui avoir avoué que je l'aimais encore.
Que pour moi, ce n'était pas terminé.
(Invité)