« S’il s’en branlait de toi il t’aurait lâchée depuis longtemps bébé. » Crois-le ou non, mais quand Basile n’est pas intéressé, il ne met pas quatre ans à le dire. « Ouais, j’suis mort je crois. » J’hausse les épaules, t’admirant quelque peu quand même. Moi aussi, j’étais un peu dingue d’elle, mais contrairement à toi, j’avais pas encore le cran de l’avouer. Sauf que j’oublie bien vite tout ça quand tu renverses mon sachet. J’t’avais dit de faire attention pourtant ! T’écoutais jamais rien t’façon… Et tu regardes dangereusement mon entrejambe, un peu trop près pour ma santé mentale, alors je passe une main dans tes cheveux et te fais te relever en tirant dessus. « La ferme, Ricci. » T’étais pas cool, ça faisait un seul jour que j’étais casé. T’avais pas le droit de me tenter comme ça. Je ne cèderai pas. « Et mets ta ceinture comme une grande fille. » Je te lançais un regard faussement menaçant, reprenant une conduite — à peu près — normale. J’savais toujours pas où on allait et je m'en foutais, je suivais juste la route sans me poser de questions, quittant Boston.
J’souris parce qu’on a l’air de deux cons là tout de suite. Qui l’aurait cru qu’on finirait mordu toi comme moi ? Et puis ce soir, on a pas le droit d’y penser. Ni à Basile, ni à ta brune aux yeux clairs. On est que nous, nous deux à la conquête du monde dans cette voiture. À la conquête d’un peu de folie. Folie qui tombe au sol, sur ta moquette entre les jambes. Et tu me cherches, tu me trouves tu sais.. Il m’en faut pas beaucoup quand il s’agit de toi, alors je veux bien garder mes distances mais ne me piques pas comme ça. C’est pas parce que t’es casé que tu m’attires plus. Alors je te regarde avec appétit, remontant sous tes doigts enroulés dans ma crinière pour me reposer contre le dossier. - Que si tu me la met toi. J’étais sérieuse, plus de mimique joueuse, j’en devenais aguicheuse. L’alcool, la drogue, mauvais mélange. J’attrape la main encore enfouit dans mes cheveux, la pose contre ma poitrine, tirant sur la ceinture en attendant que tu la saisisses ou me saisisse. À toi de faire un choix Maxwell.
J’aurais peut-être pas dû blaguer comme ça. Parce que toi, tu perdais pas une seule occasion pour te la jouer provoc’, Dina. Mais j’peux pas et tu le sais, j’viens de te le dire y’a à peine quinze minutes. Alors mes doigts s’emmêlent dans tes mèches blondes et je te fais te rasseoir dans le fond de ton siège. Sois sage un petit peu, tu veux? « Que si tu me la met toi. » J’tourne la tête vers toi. « Si j’te la mets où? Si je te mets quoi? » Attends, hein? On parlait de quoi là? Ta main guide la mienne sur ta poitrine sans que j’ai même le temps de réagir. J’suis trop amoché pour avoir un temps de réaction normal face à tes gestes. Mais… What the fuck? Ton regard me transperce, t’as comme un air de défi dans les yeux, et moi, mon pied est toujours sur l’accélérateur alors que je ne regarde pas la route. Je cligne des yeux, une fois, deux fois. Comme pour reconnecter mes neurones. Et je retire ma main, en oubliant même ta ceinture. « Tu m’emmerdes, Dina. » Je serre les mains sur le volant en cuir, reposant mes yeux éclatés à travers le pare-brise. « Sniffe ton rail là, ça calmera peut-être ta libido. Et puis, c’était pas censé être mon cadeau pour fêter mon inaccessibilité? » Parce que pour l’instant, j’avais pas l’impression d’être très inaccessible à tes yeux.
Je sais pas pourquoi j’arrive pas à résister, plus je te regarde et plus j’ai envie. L’alcool c’est pas bon, c’est mauvais et toi tu me repousses et ça me frustre. Ça me vexe mais au fond, p’têtre que c’est mieux comme ça. J’avais fait l’erreur déjà une fois avec toi, pourquoi j’ai quand même envie de recommencer ce soir ? Putain, je réfléchis pas. Jamais. Surtout pas quand je pose ta main sur moi, que tu me regardes toi aussi pendant un tout petit instant. Un minuscule instant où je vois une mince flamme de désir cramer tes prunelles. Mais tu retires ta main bien vite, je relâche la ceinture en silence. J’exécute, je trace les lignes avec ta carte et attrape un billet dans ma poche que je roule pour en faire une paille. Je snif trois rails d’affilée, les à coups de la voiture me font trembler. Je remonte le portable jusqu’à tes lèvres, la paille que je place dans une de tes narines. - À toi. Que je souffle insatisfaite. J’aime pas ton nouveau statut de mec en couple, ça me plaît pas mais j’suis bien obligé de faire avec apparement.
T’as pas le droit de me regarder comme ça, Dina. Comme la première fois. T’as juste pas le droit. C’est cruel, et c’est pas juste. Pas éthique. Tu sais que je suis casé, alors pourquoi tu fais ça? C’est quoi ton but à me détourner d’elle? Moi j’te détourne pas de Basile. Mais bon, en même temps, c’est mon pote, donc… Alors je reprends ma main et je t’intime de calmer tes ardeurs. C’est pas que j’te veux pas Dina, parce que là tout se mélange, l’alcool, la drogue, ça facilite pas les choses et j’me dis que j’aurais peut-être dû faire plus attention. Mais j’peux pas. Je peux pas. Tu inspires 3 rails — TROIS?! — et me mets ton portable à disposition pour que je puisse continuer ma conduite. A mon tour j’inspire — un seul rail, ça ira merci — retroussant un peu le nez qui chatouille à cause des résidus de poudre blanche. Et je continue ma route, montant encore un peu plus le son et chantonnant les musiques qui passent. Allez, détends-toi Dina, on se fait un petit Carpool Karaoke.
(…)
Ça faisait quoi? Trois quart d’heure qu’on roulait vers l’inconnu, toi et moi? « J’ai aucune idée d’où on est. » Je n’avais littéralement pas regardé les panneaux, j’avais juste suivi la route, toujours tout droit, sans me poser de questions. Et j’avais les yeux qui fatiguaient, les muscles ramollis, dans un état lascif à cause des substances ingérées. Mais ça faisait du bien de se vider l’esprit, de ne penser à rien.
Je suis faite pour tout briser, tout casser parce que je supporte pas le bonheur. Je supporte pas être accroc comme ça, être envahit par une seule et unique personne. Je supporte pas alors je fais tout pour tout envoyer en l’air. Sauf que toi, t’as l’air de mieux gérer que moi dans le domaine. T’as l’air de savoir faire vu que tu me rejettes, malgré la tentative d’approche, tu restes quand même de marbre. Et moi ça me rend folle, ça me perturbe parce que moi j’y arrive pas. J’arrive pas à être comme toi, à accepter tout ce que je ressens alors j’ai le besoin de tout foutre en l’air. J’écoute, je snif, peut-être que t’as raison et que ça me calmera. Que ça me passera. Mais l’idée reste dans mon esprit, l’idée de goûter à nouveau à ta peau ne veut pas s’envoler. Elle reste quelque part dans ma tête et j’essaye juste de la rendre silencieuse. Tu prends un rail, je termine le reste avant de ranger mon portable.
(..)
Le temps passe, on est encore en train de rouler. J’ai les yeux écarquillés, les pupilles dilatés. J’peux pas m’empêcher de claquer des dents et de bouger sur mon siège. Je chante, je danse et mon corps est juste en feu. J’explose de rire quand tu me dis ne pas savoir où on est, j’hausse les épaules avec nonchalance. - On s’en tape, je t’avais demandé de m’emmener au bout du monde avant que tu partes avec l’autre. J’sais pas son prénom, je veux pas le savoir, ça m’intéresse pas de toute façon. J’ai les yeux qui brillent, j’ai ma main qui glisse jusqu’à ta cuisse et moi qui m’approche, féline. Je m’approche encore, l’autre main qui caresse ta joue, appuie légèrement dessus pour la ramener contre mes lèvres. Je dépose un baiser à la commissure de tes lèvres. - T’as vraiment pas envie ?.. Je murmure contre ta peau alors que ma main glisse jusqu’à ton membre que j’empoigne fermement.
On est peut-être un peu trop détendus. Un peu trop nonchalants. Mais ça fait du bien n’est-ce pas? De chanter, de danser, de rire. De ne pas se prendre la tête. Je sais même pas où on est, je continue simplement de rouler. Et ça n’a pas l’air de te déranger. Je roule des yeux, mes yeux rougis et mes pupilles dilatées, prêtes à exploser, quand tu mentionnes Cléo aussi vulgairement. Jalousie quand tu nous tiens… « Détends-toi, tu risques de faire un AVC en étant aussi sérieuse. C’est pas bon pour ton coeur. » que je plaisante, sans trop répliquer sur Cléo. D’ailleurs, je choppe mon portable pour vérifier si elle m’a envoyé un message ou pas. Je vois son nom s’afficher, un texto reçu il y a une dizaine de minutes. Mais tu profites de mon inattention pour te rapprocher. Ta main sur ma cuisse, l’autre sur ma joue et tes lèvres un peu trop près des miennes. Je détourne la tête, je me penche à nouveau sur mon iPhone. « Arrête Dina, faut que j’réponde… » Faut que je vois ce que Cléo m’a dit, ça se trouve elle est chez moi, elle m’attend, ça se trouve son opération undercover a eu un problème, j’en sais rien mais…
J’entends à peine tes mots, ils sont trop loin, trop flous. C’est ta main que je sens, tes doigts qui empoignent mon membre avec une hargne sans nom et les substances qui décuplent les sensations. Et tout se passe trop vite. Beaucoup trop vite. J’suis surpris, j’entrouvre les lèvres, prêt à répliquer de façon rationnelle — mais y’a rien de rationnel ce soir. C’est mon corps qui réagit, à l’encontre de mes intentions. C’est ma main sur le volant qui glisse. Un gros coup, un peu plus brutal que ce que j’aurais voulu. Une route dangereuse. Une géographie mal-faite. Un fossé un peu trop près. La voiture qui quitte sa trajectoire sur le sol hivernal un peu trop glissant à cette heure de la nuit aussi tardive. Elle se retourne. Un tonneau. Puis deux. Le bruit du verre qui se brise, la carrosserie qui grince. La tête à l’envers, la voiture perchée sur son toit. Et ça se passe tellement vite, et pourtant j’ai l’impression que ça défile au ralenti sous mes yeux et que, même si j’ai pleinement conscience de ce qui se passe, j’suis impuissant. J’peux pas bouger, j’suis comme paralysé, j’peux rien faire pour sauver la situation. J’peux pas revenir en arrière, j’peux pas empêcher ce foutu coup de volant.
Je fronce les sourcils. De toute façon il n’y a rien de bien pour mon cœur en ce moment, ni la drogue que je viens de prendre, ni l’alcool, ni Basile. Lui, c’est le pire. Je me fous de tout et j’aime ça, j’ai l’impression que ça fait tellement longtemps. Depuis cet hôtel, cette balade en moto, depuis le mur du bar et cette fois chez lui, depuis tout ça moi j’arrive plus à être moi. À être moi sans lui, parce qu’il est toujours là partout et ce soir, j’ai besoin de me vider, de ne plus être sous son emprise ni sa prisonnière. Et toi, tu veux pas m’aider, tu veux pas céder à mes propositions. Pourtant je fais tout pour que tu me regardes encore, comme la dernière fois, pour que tu rugisses à nouveau.. - T’es avec moi ce soir, toi arrête. Je grogne en attrapant ton portable que je foutais sous moi rapidement. T’es avec moi, juste moi, alors si j’oublie Basile le temps d’une nuit, tu dois faire pareil. Je te laisse pas le choix de toute façon. - J’ai envie de toi Maxwell.. Que je chuchote près de tes lèvres, ta mâchoire entre mes doigts qui te forcent à me faire face. Nos yeux rougis et fracassés par les substances qu’on a pu ingurgiter.
J’en oublie la route, le monde, juste pour plonger une nouvelle fois dans ton regard. J’aurais dû te laisser tranquille, j’aurais dû t’écouter et enfiler ma ceinture, j’aurais dû finir ma soirée à la Mather, j’aurais dû te dire de ne pas prendre le volant. Pourtant, c’est bien tes pneus qui sont en train de grincer, c’est bien ton volant qui s’échappe d’entre tes mains et c’est bien notre route qu’on est en train de quitter. J’aurais dû faire tant de choses, mais j’ai rien fait. J’ai rien fait et tout se passe trop vite, beaucoup trop vite pour que j’ai le temps de comprendre. On est à l’envers, je regarde autour de moi avec la peur froide qui marque mes traits. Je touche la vitre doucement sans dire un mot, je réalise, je comprends toujours pas. Mais une goutte de sang vient perler le long de ma tempe, je touche doucement et le rouge me fait presque tourner de l’œil. Moi qui ne vit pourtant que pour le sang et les flammes. - Elliot.. Je murmure la gorge serrée, la bouche, mon corps qui tremble. - Pars Elliot.. Je souffle dans le semblant de lucidité qu’il me reste encore. Pars. J’ai pas la force d’en dire plus, pas la force de garder les yeux ouverts plus longtemps.
J’ai la tête à l’envers, les oreilles qui sifflent, la vue brouillée. J’comprends pas tout tout de suite, je mets du temps à reconnecter les neurones. J’pense que je me suis cogné la tête dans le choc et j’ai mal au poignet. J’te vois quelque peu bouger à côté de moi. Ok, t’es vivante. T’es vivante, putain. Merci mon dieu. Tu chuchotes mon prénom, et c’est pas pour créer un mood, c’est juste que tu peux pas faire plus que ça. Et c’est à tes mots suivants que je tourne enfin la tête vers toi, non sans grimacer sous la douleur qui me transperce le corps. Quoi? Partir? Et je retiens mon souffle quand je vois ton état. Du sang. Et je commence à paniquer. Ça me rappelle le crash, mon accident d’hélicoptère, où j’étais couvert de sang, la dernière image que j’ai vu avant de perdre connaissance. « Non, Dina… » Dina, me fais pas ça. Je m’extirpe difficilement de la voiture par ma fenêtre côté conducteur qui n’existe plus et je titube jusqu’au côté passager. J’ouvre la porte qui se désintègre mais j’m’en branle. « Dina… » Dina, parle, réponds-moi. Je glisse mes mains sous tes bras pour te tirer hors du véhicule, même si mon poignet probablement cassé me fait souffrir comme un chien. Respire le grand air Dina, respire, t’as pas le droit de me laisser… J’enlève ma veste, me retrouvant en t-shirt dans les températures négatives, et je la dépose sur toi. J’retourne dans la voiture, je cherche mon portable que t’avais foutu entre tes cuisses et dieu merci grâce à ça il est intact. J’appelle les urgences, je gueule pour une ambulance. Je sais pas où on est, j’m’en veux, j’aurais préféré être à ta place. J’reviens vers toi, j’me laisse tomber au sol à tes côtés et j’te prends la main dans les miennes. « Ils arrivent ok… Ils arrivent… Me lâche pas Dina… » Et concernant tes mots là? « J’vais nulle part ok? J’vais nulle part, j'reste là. J’vais pas te laisser. J’t’abandonnerai pas. » Je serre ta main, t’invitant à la serrer en retour. Garde les yeux ouverts Dina, t’es plus forte qu’un foutu accident de voiture… Et j’attends les secours, j’attends que ces connards se magnent avant que tu perdes connaissance, parce que j’suis pas médecin moi, et que là, j’essaye très fort de ne pas céder à la panique.
Comment cette soirée avait pu virer si vite au cauchemar ? C’était de ma faute. Toujours de ma faute et là, je venais d’entraîner quelqu’un d’autre avec moi dans mon monde où seul le chaos et la peine ont leur place. Et entre le sang et la panique, je réalise dans mon inconscience.. Je réalise à quel point je suis pas faite pour le monde, pour les autres, je réalise que je suis incapable de prendre soin de toutes ces personnes qui m’entourent. Je réalise et je me sens partir, de toute façon c’est bien mieux comme ça. Mais toi, tu t’obstines à vouloir me sauver, à pas vouloir te barrer pour sauver ta peau, ta vie pendant qu’il en est encore temps. Pourquoi tu fais ça putain ?! Je le pense fort, mais aucun son n’arrive à sortir de ma bouche. Tu me traînes hors de la voiture, je sens à peine mon corps frotter le sol. Tout me parait tellement loin, tellement faux et mes yeux s’éteignent même quand je force pour les ranimer. Tu me parles, ta voix je l’entends à peine, je te regarde sans te regarder parce que j’ai même plus l’impression d’être vraiment là. - Vas-t-en.. Que je souffle la gorge sèche, le goût du sang qui se dépose sur ma langue et ta main dans la mienne que je peine à serrer.