love & hate (jusia)

Jeudi soir rime avec tournée des bars. Si si, je vous assure. Je n'étais pas ivre, loin de là, mais j'étais avec plusieurs copines mathers et on s'amusait comme on pouvait. Ça faisait du bien de sortir, surtout avec toutes les galères de ces derniers temps. Entre le kidnapping qui me pesait encore, l'atmosphère sur le campus qui était irrespirable et... ma rupture avec Noah... Vraiment, j'avais besoin de penser à autre chose et c'était bien pour cela que j'étais avec mes copines et qu'on aller de bar en bar pour rire et faire des rencontres. Mais je faisais en sorte de ne pas trop boire non plus. J'avais peur qu'il m'arrive un truc et je ne voulais pas rentrer avec n'importe qui. Puis, mes copines semblaient chaudes ce soir, je ne vais pas le cacher alors, si elles étaient piquées d'idée de finir avec des mecs, il me fallait la volonté de dire non et de pouvoir partir. Toujours est-il que pour le moment, ce n'était pas au programme puisque j'entrais au Lord Hobo. Ce soir, pas de robe, juste un jean, des talons et un haut légèrement décolleté. Vraiment, je n'étais pas là pour séduire, mais surtout pour rire. Entraînée par mes amies, j'allais directement au bar, je regardais les propositions sur l'ardoise avant de finalement regarder le barman qui semblait attendre que je me décide. Jules. Jules m'a fait un faux adieu. Jules n'a pas quitté Boston. Jules est toujours ici et surtout, Jules travaille au Lord Hobo. Ok et bien... « Un cocktail s'il te plait » que je disais juste en le regardant et en m'asseyant en face de lui.

Parti. Pour toujours. Voilà ce que Jules était censé avoir fait. Pas en France, non. Mais juste ailleurs. Loin d'ici, loin de tout, pour recommencer, à zéro. Ou presque. Mais finalement, le voilà derrière le comptoir de ce bar, à Boston, pour changer. Le Lord Hobo, son lieu de travail depuis quoi ? Deux ans et demi ? Encore un truc qu'il aurait dû quitter mais qu'il n'avait pas fait. Ouais, parce que le mather était resté, en fin de compte, à cause de toute cette histoire de d'enlèvements, etc... Ses potes comptaient parmi les victimes et d'autres... aussi. Alors on pouvait dire de lui qu'il était insensible, qu'il n'avait pas de coeur, mais ce n'était pas tout à fait vrai. Jules faisait juste partie de ces personnes ne montrant quasiment jamais leurs sentiments. Ce n'était pas sa faute, il était comme ça et l'avait toujours été. Ou plutôt, il avait appris à le devenir, assez tôt d'ailleurs. Ça agaçait les autres, la plupart du temps mais ça ne l'empêchait pas pour autant d'avoir un certain succès auprès de la gente féminine. Sûrement cet air de "bad boy" qui ne le lâchait pas et son incroyable de don de faire un mystère autour de chaque question qu'on pouvait lui poser. Mais bref, le mather se trouvait donc là ce soir, comme quasiment chaque soir, à préparer des boissons pour chaque client en priant intérieurement pour que personne ne vienne lui faire la conversation. Un verre dans une main, un chiffon dans l'autre, le beau brun finissait la vaisselle lorsque son regard se porta sur... Ana. Sérieusement ? Elle, ici ? De plus en plus étonnant... Lui qui pensait qu'elle l'évitait au maximum depuis, bah depuis la fin de leur histoire en fait. Quoique, c'est vrai qu'ils avaient échangé quelques sms plus tôt, ce qui l'avait d'ailleurs pas mal surpris. Pour le coup, Jules ne comprenait pas. Comme d'habitude en fait. Mais la jeune femme avait tous les droits de se trouver ici ce soir et puis, pour sa part, sa présence ne le dérangeait pas. Ce n'était pas comme s'il avait quelque chose à dire de toute façon, puisqu'il était en service. Et qu'elle venait de lui commander un cocktail. "Tu sais qu'on sert au moins cinq types de cocktails différents ici ?" lança-t-il en s'efforçant de ne pas trop sourire, avant de reprendre, en balançant son chiffon sur son épaule : "Alors..., lequel tu veux ?" Ou bien allait-elle lui demander de choisir pour elle ? Ce ne serait pas la première fois et... visiblement pas la dernière.

Je sortais avec mes copines de la MH, mais on ne pouvait pas dire que je faisais vraiment des efforts. Faut dire que j'étais la fraîchement célibataire du lot et que du coup, je n'étais pas tellement dans le mood "drague". La rupture avec Noah avait été tellement violente que pour le coup, je n'avais aucune envie de remettre ça avec un homme. Enfin, je disais cela, mais avec ma volonté en carton et trois verres dans le nez, j'allais certainement changer d'avis. J'entrais dans le bar, me dirigeant au fond de celui-ci pour regarder l'ardoise et découvrir le barman dont je connaissais très bien le regard. Jules. Rien que de croiser ses yeux, ça faisait s'emballer mon cœur. Malgré notre passé encore douloureux, et grâce à ce coup de pute que je venais de subir de la part de l'eliot, Jules ne me semblait plus si méchant. Je commençais à croire que le problème venait de moi et non pas des connards dont je m'amourachais. Un sourire aux lèvres, je lui demandais un simple cocktail avant de poser mes fesses sur le tabouret en face de lui. Jules avait un charme fou. « Tu sais qu'on sert au moins cinq types de cocktails différents ici ? » Une petite moue vint déformer mon visage. Il se moquait de moi, je le voyais bien et en vérité, ça m'amusait. « Alors... lequel tu veux ? » J'hausse les épaules, prête à lui répondre "débrouille toi", mais au lieu de ça, j'optais pour une réplique qui allait le laisser de marbre. « Le Reynolds by De Lacroix » que je lui disais en le regardant, posant mon menton sur mes mains. Go Jules, fais-moi un cocktail personnalisé.

Certes, le Lord Hobo était un bar populaire et très vite rempli, peu importe le jour de la semaine, mais s'il y a bien une personne que Jules ne s'attendait pas à voir ce soir ni aucun autre soir d'ailleurs, c'était Anastasia. Elle le détestait, ne voulait plus entendre parler de lui et puisqu'elle savait que le mather travaillait ici, ça paraissait logique qu'elle ne décide de se rendre ailleurs plutôt qu'ici. Ou bien elle avait déjà tourné la page, l'avait même arrachée si bien qu'elle n'en avait plus rien à foutre. Mais le français en doutait, parce que lui-même ne l'avait pas complètement tournée, cette fameuse page. Surtout qu'il était celui qui avait tout foutu en l'air. Et là, la blonde lui offrait son plus beau sourire, comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes, lui réclamant un cocktail au passage. Il n'allait pas s'en plaindre, bien au contraire, mais une explication face à ce soudain changement de comportement ne serait pas refus. Enfin, une fois qu'il lui aurait donné sa boisson. Puisque c'était son job, de base. Non pas taper la discut' aux clients, ex petite-amies incluses. Ana voulait donc un cocktail. Difficile de faire plus vague. Le Reynolds by De Lacroix. Difficile de faire plus troublant. Évidemment qu'il voyait à quoi elle faisait référence. Il n'avait pas oublié, non. Mais ça, il ne s'y attendait vraiment mais vraiment pas. Ça pouvait d'ailleurs se lire sur son regard interdit. Il l'observa, droit dans les yeux, en silence avant de se retourner pour attraper un verre et commencer son mélange. Jules faisait un peu au feeling, selon son inspiration du moment et surtout, ses souvenirs. Il connaissait les goûts de la jeune femme et oui, il s'en rappelait. Ce n'était pas comme s'il y a encore quelques mois de cela, ils étaient toujours ensemble... "Reynolds by De Lacroix." glissa-t-il en posant le verre juste devant elle, une fois le cocktail prêt. Fruité, acidulé et assez doux... Elle n'avait plus qu'à goûter. Comme au bon vieux temps. Un temps où tout était encore à construire. Un temps qui lui semblait si loin désormais.

Ne sachant quoi choisir, je mettais le jeune homme au défi. Jules allait me faire une cocktail personnalisé. Je voulais qu'il me fasse un Reynolds by De Lacroix comme il avait eu tant l'habitude de le faire par le passé. Ce n'était pas la première fois non, et le jeune homme n'avait qu'à puiser dans ses souvenirs pour trouver mes goûts. J'osais espérer qu'il n'ait pas tout oublié si vite. En tout cas, il semblait surpris par ma demande et ça faisait apparaitre mon sourire. J'étais contente de moi, de mon coup. Quelques secondes le temps de se remettre de ce qu'il venait d'entendre et voilà que Jules se mettait en action pour me préparer LE cocktail de ma soirée. Celui dont j'allais me rappeler le plus. Accouchée au bar, le menton sur ma paume, je le regardais d'un air amusé, regardant la façon dont son corps se mettait en mouvement jusqu'à ce qu'il glisse le verre sous mon nez. « Reynolds by De Lacroix. » qu'il disait finalement en me regardant. « Merci ». Je me redressais et je portais mon verre à mes lèvres pour prendre quelques gorgées. Je venais joindre mon pouce et mon index en cercle pour lui indiquer que c'était parfait. Il avait vu juste, comme toujours. « Tu finis à quelle heure ? » Peut-être qu'il avait bientôt fini son service et qu'il pouvait se joindre à moi.

Reynolds by De Lacroix. Elle lui avait vraiment demandé ça et ce, sur le ton le plus naturel qui soit, comme si... comme si c'était naturel, justement. Sauf que ça ne l'était plus, depuis un moment maintenant. Mais Jules ne dit rien et s'exécuta. Bien sûr que ça le déstabilisait, pour le peu que ce soit possible. Parce qu'il ne comprenait pas à quoi elle jouait. Était-elle seulement en train de jouer ? Avec lui, pour voir sa réaction, le rester peut-être ? Le mather n'en avait pas la moindre idée. À vrai dire, il se demandait où était passé la haine dans son regard. Cette même haine qu'il avait pu observer lorsqu'il l'avait confrontée dans le salon de la MH par exemple. Mais non, pas le moindre signe de colère, de dégoût ou quoi que ce soit d'autre. Il avait raté une étape ou bien ? Pas que ne lui posait problème hein mais... il ne comprenait tout simplement pas. Au lieu de lui montrer à quel point elle le détestait toujours autant, Ana faisait remonter les souvenirs à la surface, d'abord avec sa commande et puis maintenant, elle lui tapait la discut' ? "Qu'est-ce qui se passe Ana ?" lança-t-il en se tenant droit devant elle, tout en essuyant un verre, alors que seul le bar ne les séparait. "À quoi tu joues ?" Ok, Jules n'était pas du genre curieux de base mais là, c'était plus fort que lui. Il devait connaître la raison de ce soudain changement d'attitude. S'il s'agissait juste de désinhibition pour avoir bu quelques verres avant de venir ici ou bien... si elle lui avait pardonné. Ce qui lui paraissait complètement incohérent.

Au fond, c'était un cocktail comme un autre. Comme à mon habitude, je n'arrivait pas à me décider. Quel cocktail choisir ? Aucune idée. J'étais nulle pour faire des choix, j'étais toujours dans l'hésitation et demander un cocktail personnalisé, c'était offrir quelque chose qui sort du commun au beau De Lacroix et aussi, ça me permettait de le déstabiliser un peu. Ça marchait. Je voyais bien dans son regard, sa façon d'agir que mes mots avaient toujours un impact sur lui. Je venais boire quelques gorgées une fois ne verre entre mes mains et je lui faisais signe qu'il était parfait. Jules connaissant mes goûts et ils n'avaient pas changé en quelques mois. Je posais mon nouveau cocktail préféré devant moi et j'offrais toute mon attention au mather, lui demandant à quelle heure il terminait son service. « Qu'est-ce qui se passe Ana ? » Mon regard sombre venait aussitôt se planter dans le sien. « À quoi tu joues ? » J'haussais les épaules en fronçant les sourcils. « Je n'ai pas le droit de te parler ? Je te dérange ? » Parce que si c'était le cas, je pouvais partir.

Peut-être que Jules s'était montré un peu trop direct en lui demandant cash ce qu'elle voulait mais au moins, ça avait le mérite d'être clair. Ouais, pour une fois on ne pourrait pas lui reprocher d'éviter le sujet ou de tourner autour du pot pendant trois heures. De toute façon, l'amabilité, ça n'avait jamais été son truc alors son attitude n'avait rien de surprenante, au contraire. Et Ana, ici présente, devait sans doute être la plus habituée aux questions sans réponses. Sans doute le plus grand talent du mather, après la natation et la création de cocktails. "J'ai pas dit ça." Non, elle ne le dérangeait pas et bien sûr qu'elle pouvait lui parler. Mais comme d'habitude, il fallait qu'elle ne déforme ses propos. Et non, elle ne voyait apparemment pas où il voulait en venir. Donc... c'était normal pour elle d'avoir une réelle conversation avec lui ? Alors qu'il y a quelques temps, elle désirait encore ne jamais le revoir ? "Mais j'peux savoir pourquoi tu veux me parler justement ? Je pensais que tu me détestais." C'était pas comme s'il n'y avait que lui dans ce bar, coincé derrière le comptoir. Si la blonde ne voulait pas perdre son temps, valait mieux pour elle qu'elle ne retourne auprès de ses copines qui devaient sûrement avoir un tas de choses à lui raconte alors que lui... Que pouvait-il lui dire hein ? Y avait absolument rien à raconter, comme d'hab. Ou en tout cas, rien que Jules ne désirait partager avec qui que ce soit. "T'as pas à te sentir obligée parce que t'as commandé un verre. C'est mon job." De servir à boire aux clients et de faire mine de les écouter. Alors non, il ne pouvait pas l'obliger à s'en aller mais il n'allait pas non plus l'obliger à rester. Pas si elle n'en avait pas envie.

« J'ai pas dit ça. » Bien. C'était déjà ça au moins. Mais je sentais qu'il y avait un problème tout de même. Jules était déstabilisé par ma présence ainsi que par ma demande de tout à l'heure. Le cocktail, ça avait surement été too much pour lui. Je ne sais pas, je m'en fiche. Je le regarde toujours, essayant de comprendre le pourquoi de sa façon de réagir. « Mais j'peux savoir pourquoi tu veux me parler justement ? Je pensais que tu me détestais. » Je le regardais d'un air surpris. Il avait raison, je le détestais et certainement qu'une part de moi le détestait toujours. « Il faut savoir aller de l'avant Jules. J'ai partagé cinq mois super avec toi, je te déteste moins aujourd'hui, j'essaie de sociabiliser... » Et je n'aimais pas vraiment devoir m'expliquer sur les actes qui se voulaient naturels. Mais je pouvais comprendre qu'il trouve ça bizarre aussi. « T'as pas à te sentir obligée parce que t'as commandé un verre. C'est mon job. » - « J'en avais envie, mais tu as plombé le truc là. J'te dois combien ? » Pour le cocktail et j'me barre ensuite.

Elle le détestait moins. Et elle voulait juste "sociabiliser". Parce qu'elle allait de l'avant. Laissez-le donc rire cinq secondes. Désolé mais là, Jules ne savait pas vraiment de quelle manière il devait interpréter les paroles de la jeune femme. Une part de lui se montrait compréhensible, après tout c'était une bonne chose si elle était déjà passée à autre chose non ? Parce que ça voulait dire qu'elle ne souffrait plus et que donc, il ne resterait pas un monstre à ses yeux indéfiniment. Mais une autre partie de lui espérait peut-être que si elle tentait d'engager la conversation ce soir, c'était plus que pour juste sociabiliser. Disons que sur le moment il ne savait pas trop, la présence de la blonde l'avait plus surpris qu'autre chose. Ana débarquait de nul part en lui rappelant leurs souvenirs, à eux, alors évidemment qu'il ne pouvait pas rester totalement impassible. Mais il bossait là, au cas où elle ne l'aurait pas remarqué et même s'il aurait bien aimé pouvoir lui tenir compagnie toute la soirée, le mather avait d'autres clients à servir. Des clients qui voulaient sociabiliser, eux aussi, mais qui le déstabiliseraient moins, sans aucun doute. Des clients qu'il ne ferait pas fuir sans même le vouloir. "Rien. Cadeau de la maison." finit-il par répondre en la regardant droit dans les yeux. Il venait de tout faire foirer, une fois de plus et Ana venait bien de le lui faire comprendre. L'envie de lui parler lui était passée, chose que Jules pouvait comprendre et à laquelle il ne pouvait pas faire grand chose. C'était dans ses habitudes de faire de la merde avec les gens mais pour ce qui était de rectifier les choses, on repasserait. Alors bon, après tout ce qu'il avait pu lui faire endurer, lui offrir ce cocktail était le moins qu'il puisse faire.