Get inked! (Ewen & Oliver)

Dure journée. Crevante, mais satisfaisante. Long cours de photo aujourd'hui. Le prof a décidé qu'on se claquait l'excursion plein air : je me suis gelé le derrière et le bout des doigts, planqué derrière la lentille de mon appareil photo, mais je suis plutôt fier de ce que j'ai réussi à capter. Qui plus est, une fille qui m'a demandé si elle pouvait me coller aux basques parce qu'elle aime bien le style de mes photos m'a demandé quelques conseils et elle semblait vraiment s'amuser à découvrir le monde d'une autre façon suite à mes réponses. C'est une chose que je prends toujours comme un bonus et ça me fout le sourire aux lèvres pour le restant de la journée.

Maintenant que le cours est fini par contre, j'ai qu'une idée, c'est de rentrer au chaud à la Lowell. Y'a des moments ou Cambridge n'a rien à envier aux journées froides de l'automne montréalais, je vous l'assure! Ayant envoyé un sms à Ewen pour savoir s'il serait à mon arrivé, j'ai fait le détour par le Starbuck du yard pour nous approvisionner.

- Livraison de café! lançais-je en passant la porte, la refermant d'un coup de pied.

Constatant l'absence de mon coloc entre les quatres murs - j'irai pas voir à la salle de bain -, je dépose les gobelets sur mon bureau, prenant le temps d'arriver. L'étui de ma caméra déposée sur mon bureau, mes souliers sous celui-ci, je délaisse également mon manteau et ma veste sur ma chaise, les troquant pour un hoodie un peu trop large. Comme beaucoup de mes hauts, en fait.

Prenant le gobelet pour mon colocataire, je vais le déposer sur sa table de chevet.

- Hello le gremlin, fis-je au passage en apposant une caresse sur la tête d'Aeryn, bien installé sur le lit de son maître.

Allant le délaisser, je remarque l'objet sur lequel il est couché : le calepin de dessin d'Ewen. Je sais qu'il n'aime pas qu'on touche à ses choses, mais…

- Fait voir un peu ce que t'as là, marmonnais-je, repoussant doucement le chat pour récupérer le livre sans trop le déranger.

Une nouvelle caresse, machinale, pour me faire pardonner tandis que mes yeux ne quitte pas la feuille que j'ai devant moi. Men! Je veux ce dessin!

Le chat retiré du dessin, j'en constate l'ampleur. Ce n'est pas tout à fait ce à quoi je m'attendais : c'est carrément mieux! Incapable de décrocher le regard, j'en observe tous les détails et la minutie. Je sais qu'il n'est pas terminé, mais je l'adore. Vous connaissez le principe du coup de foudre? Vous savez que ça n'arrive pas qu'envers un être humain? Non? Bah je vous l'affirme ici : je suis dingue de cette oeuvre! Je veux la voir complète et je veux l'avoir!

Debout près du lit de mon coloc, je ne prends pas attention au bruit de la douche qui a disparu, ni à celui de la porte de la salle de bain qui s'ouvre pour laisser passer le grand blond avec qui je cohabite et c'est pourquoi j'en sursaute légèrement quand il parle. Au ralenti, je lève la tête vers lui, mettant quelques secondes pour que mon cerveau assimile ce qu'il m'a dit. Machinalement, mais avec énormément de respect, je lui tends son book. Mon regard accroche une fois de plus l'oeuvre sur la page et j'explose.

- Ewen, je t'en prie, faut que tu me le vendes! M'exclamais-je, les yeux brillants d'intérêt.

Je suis dingue de ce design. Il est parfaitement bien balancé. J'adore le look, le style, tout quoi! Je veux en faire mon prochain tatouage! Faut qu'il me dise oui!

Pris en flag avec le book de mon coloc en main, je le lui rends avec le plus grand respect pour ses oeuvres, incapable de décrocher mon regard du dessin qui m'a fait le soulever en premier lieu. Je sais qu'il n'aime pas qu'on touche à ses effets, mais je suis en adoration avec ce que j'ai vu.

- Navré, m'excusais-je encore une fois.

Ou alors est-ce que c'était dans ma tête.

- Je sais qu'il n'est pas fini, je te laisse tout le temps que t'as besoin aussi, lui assurais-je. Il est juste… génial!

Je veux l'avoir Ewen, comprends s'il-te-plaît! J'ai rarement le coup de foudre pour une illustration au point de tout de suite vouloir me le faire encrer. Ça prends toujours quelques corrections, quelques ajustements. La dernière fois que ça m'a fait ça, c'était pour les ailes d'Hermès, version harfang des neiges, que j'ai aux chevilles et mollets. Perdu dans ma fixation et ma recherche d'arguments pour le convaincre je stoppe pourtant sur certains mots, le fixant mon cerveau n'assimilant plus ces nouveaux mots, bloquant encore sur les autres. Il va le… le…

- Mais t'es pas bien dans tête ou quoi!? M'exclamais-je. Tu vas quand même pas détruire ça! T'y as sûrement passé des heures et tu voudrais le détruire après l'avoir… l'avoir… tatoué.

Perdant en un instant ma véhémence, je me retrouve à le fixer comme un con pendant que j'assimile le reste de son discours.

...

Il fait des tatouages.

...

Il est tatoueur.

…

Il s'est fait...

- ...Tatoué par Kat Von D!? Répétais-je, incrédule.

Ça doit faire trois plombes qu'il a son rendez-vous! Alors c'est à L.A. qu'il est aller! ...Il était pas parti à Atlantic City? Putain, je suis perdu!

Il semble s'amuser légèrement que vient de péter un cable devant lui, alors que plusieurs m'aurait peut-être traité d'inconscient de m'adresser à lui de la sorte. De part son rang, sa carrure ou son look de motard. Pour ma part, je le compare plus à un viking des temps moderne. Un viking tatoué de partout et qui en a apparement ajouté ce weekend par Kat Von D qu'on a plus vraiment besoin de présenter.

- Non, ça je sais… fis-je faiblement quand il me dit que les tatoueurs se tatouent souvent entre eux.

C'est que tu sois du milieu que je calcule pas. Nah mais sérieux! Bon d'accord, le fait qu'il aie réussi à chopper un peu de temps sur la cédule de Von D c'est super impressionnant, mais putain faut me dire si mon coloc est tatoueur! En particulier aussi doué! C'est le genre d'infos que je veux savoir! Bon, mon porte-feuille risque de crier famine, mais je bûcherai plus pour faire des contrats de peinture s'il faut!

- Mais t'es un grand malade! M'exclamais-je, tout de même moins fort et de manière beaucoup moins agressive. Je peux pas croire que tu dis que tu vas détruire ce dessin! Expliquais-je. Ou n'importe quel autre de tes oeuvres! Putain, j'ai eu tellement de mal à en laisser chez le paternel quand il m'a viré! Si ça avait pas été que je me suis cassé la cheville le soir même, j'aurais fait le mur pour aller les récupérer quand il aurait été au boulot!

Parce que c'est clair que tout ça n'existe plus maintenant. On me dirait qu'il s'est servi de mes dessins abandonnés pour allumer le barbecue que je serais pas surpris. La chambre de Jason a été intouché depuis qu'il est parti au collègue, mais la mienne doit servir de débarras ou un truc du genre maintenant. M'enfin bref, c'est pas le sujet.

- Si tu le gardes pour un futur client de tatouage, je peux être ce client? le questionnais-je. C'est la raison pour laquelle je t'ai demandé de me le vendre en premier lieu de toute façon. Ça fait un moment que j'ai pas craqué pour une oeuvre et vouloir en faire un tatouage comme ça, lui indiquais-je.

J'aimerais qu'il comprenne que je lui laisse le temps qu'il veut pour le compléter, mais j'aimerais vraiment qu'il me le réserve. Et qu'il le détruit pas surtout!

Je secoue la tête à ses explications et mon sourire s'adoucit, vaguement amusé.

- Je te demande pas de changer, chacun a sa vision artistique et son périple, fis-je avec un sourire. Je trouve juste dommage que tu ne conserves pas de souvenirs de ce que tu fais. Premièrement, parce que t'as du talent et, ensuite, parce que je trouve que c'est bien, parfois, de regarder en arrière. Ça permet de revenir aux sources ou de voir l'évolution qu'on a fait, expliquais-je. Après, c'est ma façon de voir, si ça fonctionne bien pour toi comme ça, alors tant mieux. ...même si j'ai vraiment pas envie que tu détruises ce dessin, ajoutais-je avec un léger rire.

Je dois respecter son cheminement autant que je demande aux autres de respecter le mien. Chaque artiste a son propre processus et maintenant que je connais le sien, faudra pas que je m'étonnes. Pour ma part, j'ai encore des books qui s'entassent chez Jason. Depuis qu'il est a Boston, j'avais pris l'habitude de lui envoyé ou de laisser chez lui mes carnets complétés pour éviter que mon père ne mette la main dessus. Je les consulte encore parfois, pour les mêmes raisons que je lui ai expliqué. Ça me permet de trouver mon propre style.

- Oui, je le veux à ce point : je l'adore, c'est le coup de foudre! m'exclamais-je avec grand sourire sincère.

T'as pas compris encore que je démorderai pas, Ewen? Aller! En vrai, je risque malheureusement de lui tomber sur les nerfs à lui redemander souvent s'il a changé d'idée sur le fait qu'il ne veuille pas me le vendre ou me le tatouer. ...jusqu'à ce qu'il le détruise, j'imagine. Après je n'aurai pas le choix de laisser tomber l'affaire. Je peux pas croire qu'il va le détruire! Mais bon, il semble au moins enclin à ce que je sois son client privilégié pour cette oeuvre!

- Si t'as ton agenda, je prends le rendez-vous maintenant si tu veux, souris-je. Ou je peux appeler à ton salon si tu me donnes le numéro.

Je suis pas certain qu'il comprenne que s'il me dit qu'il est libre là, je saute sur l'occas!