Hello roomate (Oliver)

Assis en tailleur sur mon lit, de vieux succès rock s’échappant de mon ipod, j’expérimente avec mes feutres. Je ne sais plus quelle heure il est. Je me suis réveillé cette nuit et incapable de me rendormir, je me suis installé pour dessiner. Je sais que le soleil s’est levé, mais depuis j’ai rempli plusieurs pages avec mes marqueurs. Je sais que j’ai pris le temps d’aller me chercher un café aussi. Levant machinalement les yeux vers ma table de chevet, je corrige : c’est deux, si je me fis aux verres de carton jumeaux qui y trône. C’est une chambre et pas un appartement, alors y’a salle d’eau, mais pas de kitchenette, mais bon, y’a un des salons étudiant pas loin avec distributeur. Ça m’oblige à bouger, c’est pas plus mal. Et puis, pour le peu que je fais à manger …ou mange tout simplement, ça servirait pas à grand chose.

Trois coups discrets frappé à la porte détourne mon attention et je laisse tablette et feutres - bouchons fermés - en plan sur le lit pour aller ouvrir, me retrouvant face à face à un type assez large m’informant qu’il est mon nouveau colocataire.

- Heu… fis-je en marquant un temps d’hésitation.

J’ai un regard vers le premier lit vide de la chambre. Je savais bien que j’aurais un coloc un jour où l’autre, mais je savais pas que ce serait aujourd’hui.

- Bah, bienvenue chez toi pour la prochaine année! Lui souhaitais-je avec un sourire, m’effaçant du cadre de porte pour le laisser entrer avec son carton dans les mains. Je m’appelle Oliver Matthiew.

Sans réelle gêne, je passe mes yeux sur sa silhouette, le détaillant rapidement des pieds à la tête, histoire d’avoir un coup d’oeil de sa personne. Rien d’insistant, je suis pas en train de le draguer ni rien, mais c’est pour le voir dans son ensemble. Il a l’air d’un viking. Un viking moderne qu’on aurait croisé avec des gènes de motard.

- Oh, je devrais peut-être préciser, fis-je après un éclair de lucidité. Y’a que nous pour l’instant, mais te surprends pas si y’a une fille qui squatte mon lit sans gêne. C’est ma cousine, précisais-je.

Il a pas à s’inquiéter que je lui casse les oreilles avec les gémissements d’une possible petite amie donc. Pour bien d’autres raisons aussi d’ailleurs, mais j’ai pas nécessairement besoin de m’étaler là-dessus pour le moment, je crois. Faudra juste que je pense à prévenir un grand tatoué de ma connaissance.

- T’as des règles que t’aimerais que je respecte? le questionnais-je.

Des présentations s’installent tandis qu’il entre.

- Enchanté, fis-je avec un léger signe de tête.

Il jette un coup d’oeil et j’ai une petite appréhension. Je suis du genre un peu bordélique, bien que normallement j’arrive à contenir le tout dans mon espace de la chambre sans envahir le reste. Disons qu’on sait facilement quel lit j’ai choisi. Que ce soit parce que mes feutres y sont encore en plan avec ma tablette ou parce qu’au-dessus de la tête de lit sont collés plusieurs photos que j’ai moi-même pris et dévelloppé. En noir et blanc pour la plupart. Ma famille, mes amis, des gens et des lieux que j’aime.

J’en ris doucement de sa réponse lorsque je le questionne à savoir s’il a des règles qu’il ne voudrait que je respecte.

- L’habituel, fis-je en haussant les épaules, amusé. Tu peux être tranquille sur ce point. Si je fume dans la chambre, ça te dérange?

J’ai pris pour habitude m’asseoir sur le meuble à tiroirs pour mes vêtements et qui se trouve près de la fenêtre, du coup, j’emboucane pas l’endroit au complet. Bien que je ne me gêne pas pour rester assis sur mon lit, par moment. Ça m’embêterait un peu qu’il me dise qu’il préfèrerait que je m’abstienne, mais bon, je ferais un effort.

M’installant à nouveau sur mon lit dans le but de recommencer ce que je faisais et surtout de le laisser arriver, je relève la tête lorsqu’il me questionne sur une possible allergie au chat, m’expliquant qu’il en a un et que si ça me dérange, il pourra changer d’endroit. Avec un sourire, je fais un vague signe de la main.

- T’en fais pas avec ça, mon frère en a deux, mon ex en avait un, listais-je rapidement. J’ai juste pas nécessairement les réflexes pour en prendre soin, mais ça ne me dérange pas du tout. Tant qu’il décide pas de se faire les griffes sur mes canevas, il est le bienvenu ton gremlin.

Après s'il pose vraiment problème, j'imagine que y'aura moyen de s'expliquer. Faudra simplement que je fasse comme avec Sunshine et que je m'assure qu'il se pousse pas avec l'un de mes pinceaux. ...ou comme avec Figaro et qu'il roule carrément dans la peinture parce qu'il veut de l'affection.

Lui demandant si la fumée l’incommode, je souris un peu plus en le voyant simplement sortir un paquet de clopes pour me le montrer. J’en déduis que ça devrait aller.

- Ça devrait aller, j’écoute un peu de tout, admis-je. Alors te gêne pas si tu veux mettre sur la radio et pas passer ton temps avec un casque d’écouteur.

Entre sa musique et mes anciens colocataires musiciens, ça devrait être pas me demander une si grande capacité d’adaptation. Et puis, comme pour n’importe quoi, je suis du genre à essayer de discuter avant de peter une crise parce que j’ai atteint saturation et que ça me tombe sur les nerfs.

- J’y veillerai, mais pour le moment, la seule qui vient ici sans que je n’y soit, c’est ma cousine. Et elle n’est pas fouineuse.

M’enfin… pour ma vie privée oui, peut-être. Et après tout, je la laisse facilement s’y mettre le nez sans que ça ne me dérange. Mais je ne crois pas qu’elle se mettrait à fouiller dans les affaires d’Ewen sans son conscentement.

Sachant désormais que j’ai non seulement un colocataire, mais qu’une boule de poils aura également domicile dans notre chambre, je m’attends à ce que mes vêtements soient un peu plus souvent couvert de fourrure perdue, mais ça ne me changera pas vraiment de chez Jason. Un peu surpris cependant, je l’entends m’expliquer que son gremlin ne risque pas de venir me voir, préférant sa cage où les bras de son maître. Penchant un peu la tête, je fixe un instant le viking tatoué qui se trouve. Un peu sauvage ou peureux son chat? Je me faisais déjà à l’idée de me réveillé ici aussi avec un coup de plumeau au visage comme avec Figaro. Ou carrément servir de coussin comme c’était le cas pour Môo, le chat de Saël. Il adorait que je passe des heures à dessiner sans bouger. C’était un gros plus pour lui.

Suivant mon nouveau colocataire du regard, j’ai un mouvement pour me lever, laissant encore mon matériel de côté.

- Besoin d’aide? Lui offris-je avant de finalement le voir entrer avec un cageot transparent.

Par curiosité, je m’en approche, m’accroupissant pour être un peu plus à sa hauteur lorsqu’il le dépose sur son lit.

- Il est pas vieux, constatais-je.

Un peu comme Sunshine quand Jason et Shirley l’ont ramener. Maintenant, il a vieilli et grandi. M’enfin, ça va par phase : il prend du poids, puis allonge, devient ensuite plus haut sur pattes… comme s’il pouvait pas grandir plus que sur un sens à la fois. Présentement, il est en phase, maigre et élancé. Ça fait rire ma belle-soeur qui dit qu’il me ressemble. Surtout qu’il a le poil blond.

- Si j’essaie de le flatter, il me bouffe la main où je le terrorise? Demandais-je, sur le ton de la plaisanterie, levant les yeux vers son propriétaire.

Finalement, Ewen n'a pas besoin d'aide pour entrer ses affaires puisqu'il semble ne pas en avoir des tonnes. Je le laisse s'installer tranquillement et se mettre à l'aise, la cage de plastique transparent étant désormais devenu mon centre d'attention. Avec curiosité, j'observe le nouveau pensionnaire poilu - je parle du chat, hein, pas de son maître! - me renseignant si je vais me faire manger la main si jamais j'ose l'approcher. Le plus simplement du monde, mon coloc m'indique que je n'ai qu'à tester : ouvrir la cage et laisser le chaton s'habituer à mon odeur et à ma présence. Normalement, il est du genre calin. J'aime bien la précision. Comme si, là je risquais de me faire démolir. Une chance infime qu'on soit pas "en temps normal". Ça me tire d'ailleurs un léger rire et j'hoche la tête. Après, j'ai pas l'intention de le mettre dans l'eau ou d'attendre après minuit, donc ça devrait aller. Suivant donc les conseils d'Ewen, je fais glisser le verrou pour me permettre d'ouvrir la porte. Le déclic produit semble réveiller le chaton gris qui lève la tête avant de s'étirer de tout son long. Il ressemble un peu à Môo, les tâches sur sa fourrure sont plus grande par contre, si je me souviens bien. Reste à espérer qu'il soit pas aussi princesse.

Par principe, je retire les bagues à ma main droite avant de la tendre, paume ouverte presque sur le lit vers l'avant de la cage, tentant du mieux que je peux de faire naturel. En vrai, j'ai jamais fait ce genre d'approche. Quand Jason est arrivé avec ses chats, je dormais sur le canapé et ça a pris apparement 5 minutes avant que je ne serve d'oreiller pour l'un et mes cheveux de jouets pour l'autre. Et le chat de Saël… bah, je sais pas, on a juste cohabiter. Mon premier contact avec lui, c'était d'aller le chercher à la Cabot House et on était tout aussi rose Barbie l'un que l'autre. Ça tisse des liens j'imagine.

Le petit nouveau lui, renifle mes doigts quelques instants, avant d'en mordiller un. Ça chatouille plus qu'autre chose, me faisant rire. Après, semblant remarquer la présence de son maître, je ne l'intéresse plus, servant même de tapis lorsqu'il passe pour aller se frotter contre lui.

- Ça va, fis-je avec un léger rire en me redressant. Je crois qu'on peut dire que c'est positif, admis-je en remettant mes bijoux.

Essuyant le premier contact avec la boule de poils de mon coloc, j'en déduis que ça ne s'est pas trop mal passé. Le bout des doigts légèrement baveux parce qu'il m'a mordillé et c'est tout. Il n'a pas tenté de m'arracher le bras ou de me défigurer à coup de griffes, il a simplement essayer de savoir si je goûtais le poulet apparement. Aller savoir en fait. Et puis, j'ai perdu toute son attention quand il a remarqué la présence de son maître. Ça ne m'attriste pas vraiment. Même si Jason a deux chats et que Saël en avait un, c'est sensiblement les premiers animaux que je côtoie au quotidien. J'en ai jamais eu avant. Il ne me dérange pas, j'ai de l'affection pour eux aussi quand ils en cherchent ou en démontre à mon attention, mais, je veux dire, je serai pas toujours en train de saouler Ewen pour prendre son chat ou le pourrir ou etc.

Et d'ailleurs, vu la démonstration d'affection que j'ai devant les yeux, je suis pas certain que j'en ai vraiment besoin. Il doit déjà être pourri, gâté ce chat. Le regardant avec surprise et amusement, je croise finalement le regard de mon coloc qui semble se souvenir de ma présence. Ça ne prends que quelques micros secondes avant que je ne sente le malaise s'installer et je le devine parfaitement bien dans sa voix quand il me questionne. Laissant échapper un rire cristallin et plus enfantin, je secoue la tête de gauche à droite.

- Non, ou du moins t'as plus besoin de le faire, répondis-je avec un large sourire.

Ça va, malgré les trucs de moto qu'il a sorti et le look de viking barbare, en fait, j'ai droit à un nounours en gelé. Bon d'accord, j'utiliserai pas nécessairement ses termes devant lui - ou devant personne, anyway - mais ça résume quand même assez bien le tableau.

- Et je dois garder le silence sur ce que je viens de voir sous peine de me faire lapider sur la place publique ou ça va? demandais-je, moqueur.

Ce serait pas le seul secret que je garde ses derniers temps de toute façon.