one day baby we'll be old (philia)

Cela fait quelques jours déjà que tu es dans une petite forme, à mal dormir la nuit et bailler constamment le jour pendant les cours, ta concentration perturbée par cette fatigue récurrente qui amoindrit tes forces. La logique voudrait que tu te reposes pour récupérer un peu mais hélas il se trouve qu’une certaine vice-présidente de la Mather House ne l’entende pas de cette oreille. Depuis une semaine, tu as droit à un beau harcèlement en règle pour te faire venir à la grande soirée qu’elle organise pour sa confrérie, et il semblerait que tous ses contacts soient tenus de venir sous peine de se faire clouer au pilori. Et comme tu n’as jamais réussi à refuser quoi que ce soit à mademoiselle la princesse, te voilà donc à cette fameuse fête en train de discuter avec elle dans l’espoir qu’elle te rejoigne dans ton lit au petit matin pour te remercier de ta présence. Malheureusement Dame Nature l’a rendue indisposée et c’est avec une moue contrariée que tu t’éloignes en quête d’une nouvelle cible. Quitte à faire l’effort de venir, autant en profiter pour ne pas rentrer seul. Et ton regard est justement attiré par une mignonne petite rousse sur le côté, apparemment en grande conversation avec une amie. Tu remarques que ses mains sont vides et sans la quitter des yeux, tu te rapproches d’une table pour y prendre un gobelet neuf et le remplir d’un mélange de vodka et de jus de pomme, un cocktail généralement apprécié par la gente féminine pour sa douceur. Puis tu te diriges les deux jeunes femmes pour les aborder avec le plus de délicatesse possible. « Bonsoir Mesdemoiselles. » Elles se tournent vers toi et tu décèles une curiosité polie dans leur regard interrogateur. Tu enchaînes directement, ton attention cette fois-ci entièrement fixée sur la rouquine à qui tu tends le verre encore tout frais. « Je n’ai pu m’empêcher de remarquer que tu n’avais rien à boire, ce qui est fort dommage dans une soirée comme celle-ci, et je me suis donc permis de te préparer un verre. » Tu souris d’un air innocent, espérant que l’autre fille ait la brillante idée d’aller faire un tour aux toilettes.

J'avais du mal à redescendre sur terre. Ma tête était toujours à Rio et le soleil me manquait. C'était tellement bien... J'avais envie d'y retourner ou bien, j'aurais aimé y rester plus longtemps. Un week-end, c'était trop court, même presque inutile. Revenir à Boston après ça, c'est clair que ça faisait moins rêver. Mais, pour me remettre dans le bain, je pouvais compter sur mes amis les mathers qui avaient organisé une grosse soirée. Je n'allais pas dire non, j'étais désormais présente à toutes les soirées de ma confrérie. Au moins, j'allais pouvoir parler de mon voyage. Cela allait me permettre de le revivre et de faire rêver les autres. J'allais juste omettre un détail : Noah. Je n'avais clairement pas envie d'être jugée parce que j'étais partie en week-end avec un eliot et surtout, je n'avais pas envie qu'ils sachent que nous partagions régulièrement le même lit. Nos confréries se détestaient et j'étais lâche pour le coup. Je me trouvais dans une grande conversation quand un jeune homme arrivait à notre hauteur. « Bonsoir Mesdemoiselles. » Mon regard et celui de mon amie se tournèrent dans sa direction, attendant qu'il ne parle pour savoir ce qu'il voulait. Si son regard était tourné dans notre direction, ce n'était plus le cas. Il n'avait d'yeux que pour moi désormais et il me tendait un verre. « Je n’ai pu m’empêcher de remarquer que tu n’avais rien à boire, ce qui est fort dommage dans une soirée comme celle-ci, et je me suis donc permis de te préparer un verre. » Je regardais le verre en question et je le prenais sans broncher. « Merci » que je disais simplement en tournant le regard vers mon amie qui avait juste... disparu. Je n'avais pas fini de parler de mon voyage... Je la cherchais dans la foule sans bouger avant de me tourner vers le mec en soupirant. « On se connait ? Ta tête me dit quelque chose... » Comme un air de famille quoi.

Des filles en soirée, tu as l’habitude d’en aborder. C’est même une des choses que tu préfères et au fil des années on peut dire que tu as développé un certain savoir-faire dans le domaine. Un petit mot sympa, un sourire en coin et un échange de regard intense, parfois il n’en faut pas beaucoup plus pour lancer une conversation qui peut se finir dans le meilleur des cas à l’abri des regards indiscrets avant même minuit. Et ce soir c’est une nouvelle fois en toute décontraction que tu lances ta première attaque vers la petite rousse. Celle-ci accepte le verre que tu lui proposes en te remerciant, une première satisfaction. Elle a une voix douce et agréable à ton oreille. Ses yeux se tournent ensuite sur le côté et tu constates en même temps qu’elle que son amie a fait preuve d’une intelligente sagesse en vous laissant tous les deux. Deuxième bon point, surtout que tu ne comptes plus le nombre de fois où une sangsue restait plantée là à t’observer alors que tu draguais ouvertement sa copine devant elle. « On se connait ? Ta tête me dit quelque chose... » Tu fronces légèrement des sourcils en essayant de te remémorer à quelle occasion tu aurais déjà pu lui parler mais rien ne te vient. « Je ne pense pas, je n’aurais jamais pu oublier un si joli visage tu vois. » Gosh non, tu n’as pas sorti ça. Quelle phrase de loveur à deux balles, tu te déçois un peu toi-même sur le coup. Mais bon il paraît que certaines filles adorent ça alors tu n’as plus qu’à espérer qu’elle fasse partie du lot. Même si une part de toi ne le souhaite pas vraiment, tant le charme de cette fille te fascine. Non clairement tu n’aimerais pas qu’elle soit juste une de ces filles niaises et sans cervelle que tu ramènes habituellement dans ton lit. « Je m’appelle Philip et toi ? » Tu ne sais pas pourquoi mais tu l’imagines bien avec un prénom de princesse ou quelque chose de raffiné.

Un mec arrive pour m'offrir un verre et fait fuir mon amie au passage alors que je n'avais pas terminé de raconter ce que j'avais à dire, great. Heureusement, il n'était pas désagréable à regarder et ça lui donnait des points, je l'avoue. Mais en même temps, plus je le regardais et plus il me disait quelque chose sans que j'arrive à mettre des mots dessus. Est-ce qu'on se connaissait ? « Je ne pense pas, je n’aurais jamais pu oublier un si joli visage tu vois. » Je pouffe de rire juste en écoutant sa phrase bien kitch. Le genre de truc qui ne marchait pas tellement, mais où tu prenais quand même le compliment. Je fronçais les sourcils en le regardant toujours, buvant quelques gorgées en cherchant toujours où j'avais bien pu le voir. « Je m’appelle Philip et toi ? » Han, mais oh mon dieu. Je connaissais vraiment se type et son prénom me donnait la clé pour le reste. Un large sourire apparaissait sur mes lèvres et je me disais qu'il était l'air de jouer un peu. « Philip comme Philip Harrison ? » que je demandais en riant. Faut croire qu'il l'avait oublié mon "joli visage".

Alors que tout se déroulait pour le mieux jusqu'à présent, il a fallu qu'une malheureuse réplique digne d'un film à l'eau de rose avec Hugh Grant s'échappe d'entre tes lèvres. Tu te serais volontiers donné une gifle. Heureusement la fille semble plutôt bien le prendre puisqu'elle en rigole, d'un ravissant sourire contagieux qui te détend. Très vite néanmoins ses traits traduisent une certaine concentration et elle te détaille à son tour pendant que tu te présentes. Là, brusquement, tu vois la surprise apparaître dans ses yeux. Visiblement ton prénom lui dit quelque chose. Réfléchissant toi-même à toute vitesse pour retrouver le moment où vos chemins se sont déjà croisés, tu discernes une lueur dans son regard alors que ses lèvres s'étirent malicieusement. « Philip comme Philip Harrison ? » Ok cette fois-ci le doute n'est plus permis, elle te connaît. Et probablement que tu la connais également, seulement tu n'en as aucun souvenir. « C'est ça. On se connaît alors ? » T'as beau de triturer les méninges, c'est le néant le plus total, n'ayant jamais été très doué pour ce genre d'exercice. Si elle fait partie de ta longue liste de conquêtes, cela expliquerait pourquoi tu ne te rappelles pas d'elle car tu retiens très rarement les prénoms et visages de celles avec qui tu as couché. A moins qu'elle ne soit une amie de ta soeur, ce qui revient un peu au même puisque tu les retiens encore moins bien. « Je suis désolé mais ton visage ne me dit absolument rien. C'est quoi ton nom ? » Pour le coup t'es assez gêné, surtout que tu viens probablement de griller toutes tes chances avec elle.

Philip, genre, Philip Harrison ? « C'est ça. On se connaît alors ? » Je mords ma lèvre pour ne pas rire, j'étais bien décidée à le faire tourner en bourrique. C'était tellement étrange de l'avoir en face de moi. Je pouvais comprendre qu'il ne se rappelle pas, ça faisait des années et en réalité, j'étais surtout une relation à distance, une correspondance. Puis, nous étions très jeune aussi, des enfants. Il avait été mon amoureux imaginaire, presque. Réel, mais absent. Et j'avais une assez bonne mémoire pour me souvenir de son prénom et de sa bouille. « On se connait. Et même que j'étais destinée à devenir la femme de ta vie. On devait se marier toussa toussa » que je lui confiais en buvant quelques gorgées du verre qu'il m'avait donné. Le pauvre, il n'avait pas l'air à l'aise du coup. « Je suis désolé mais ton visage ne me dit absolument rien. C'est quoi ton nom ? » - « Honte à toi » que je disais en l'observant, le laissant mariner avant de dire « Anastasia. J'étais ta correspondante quand on était enfant... tu sais, ton amoureuse japonaise » Une rouquine merde. On oublie pas les rouquines.

T’es dans une situation des plus embarrassantes pour le coup. Cette fille ne t’évoque rien et t’étais persuadé de lui parler ce soir pour la première fois. A en juger par la tête amusée qu’elle fait, il est évident qu’elle te connaît en personne, que ce n’est pas comme si elle te connaissait seulement de vue ou avait entendu ton nom par quelqu’un d’autre. « On se connait. Et même que j'étais destinée à devenir la femme de ta vie. On devait se marier toussa toussa » Tu tombes des nues. Genre toi tu avais dit à une fille que tu te marierais avec elle ? Impossible. La seule explication que tu envisages donc désormais est que tu l’avais rencontrée en soirée et que t’étais tellement défoncé ce soir-là que tu avais balancé n’importe quoi. « Honte à toi » te répond-t-elle alors que tu lui avoues ne toujours pas te rappeler. Elle semble bien se marrer à te voir ainsi galérer, qui sait quel dossier de cette hypothétique soirée a-t-elle peut-être sur toi en réserve. Tu fais un nouvel effort pour essayer de la resituer mais sans succès et elle décide finalement de mettre fin à ton supplice. « Anastasia. J'étais ta correspondante quand on était enfant... tu sais, ton amoureuse japonaise » Tes yeux s’écarquillent et ta bouche s’entrouvre sous le choc. Tu t’attendais à tout sauf à ça, le mindfuck est total. « Anastasia… mais… comment ? » T’en perds limite tes mots. « Je savais pas que t’étais à Harvard ! » Et comment aurais-tu pu le savoir puisque cela fait des années et des années que vous ne vous êtes pas parlés. « 'fin… ça fait une éternité wow. » T’en restes bouche bée.

Il ne me reconnaissait pas et pourtant... Nous avions partagés des moments ensemble quand nous étions enfants. C'était particulier, unique. De la correspondance pendant des années avant que cela ne s'estompe avec le temps. Philip me disait quelque chose et en reconnaissant son nom, ma mémoire avait fait son travail. C'était lui, mon amoureux de l'école primaire. Un presque amoureux imaginaire puisqu'il n'était pas en classe avec moi, ni même dans la même école ou bien, dans le même pays. Juste des lettres. Il semblait terriblement gêné de ne pas me reconnaître et en même temps, je le faisais attendre, sans dévoiler trop vite la vérité. Quand se fut le cas, la surprise déforma son visage et me fit sourire de plus belle. Il se souvenait ? « Anastasia… mais… comment ? » Le monde est petit, n'est-ce pas ? Je souriais toujours, le laissant se remettre de cette surprise, buvant quelques gorgées alors qu'il reprenait la parole. « Je savais pas que t’étais à Harvard ! » Et bien si et depuis des années. « Je ne savais pas non plus que tu y étais... » que je lui confiais. Nous étions trop nombreux pour tous nous connaitre. « 'fin… ça fait une éternité wow. » Je pinçais mes lèvres en le regardant toujours. Il n'avait pas tort. « Qu'est-ce que tu deviens alors ? Mis à part le fait que tu dragues des filles en mode "ancienne école" » déconnais-je gentiment.

Tu aurais pu parier sur n'importe quoi mais pas ça. Maintenant qu'elle t'a donné son nom et rappelé votre relation passée, bien sûr que tu te rappelles d'elle, mais en aucun cas tu n'aurais imaginé une seule seconde que vos retrouvailles se dérouleraient ainsi. D'ailleurs tu n'as jamais envisagé une seule seconde des retrouvailles en soi puisque vous avez perdu contact il y a des années et des années alors que vous étiez encore des jeunes adolescents, et surtout parce qu'aux dernières nouvelles elle habitait à l'autre bout de la planète au Japon. Tu peines à réaliser que c'est bien elle que tu as en face de toi là tout de suite. Tu aurais même pu croire à une blague ou une caméra cachée, mais cette histoire fait appel à des souvenirs aussi lointains qu'intimes que tu n'as aucun doute sur son identité. « Je ne savais pas non plus que tu y étais... » te répond-elle lorsque tu lances naïvement ne pas t'être douté de sa présence à Harvard. Et au delà du fait que tu ne l'aies pas reconnue, tu es à peu près certain de ne l'avoir encore jamais croisée sur le campus, même si ce n'est pas étonnant vu le nombre d'étudiants qui peuplent chaque jour les couloirs de l'université. « Qu'est-ce que tu deviens alors ? Mis à part le fait que tu dragues des filles en mode "ancienne école" » te demande-t-elle en te charriant gentiment sur ton approche calamiteuse quelques secondes auparavant. Vaste question tant le laps de temps qui s'est écoulé depuis votre dernier échange est important. Tu essayes de résumer le plus possible toutes ces années en quelques phrases. « Bah écoute, j'étais à New York si tu te rappelles et j'ai fini ma scolarité tranquillement. Après le lycée je suis parti pendant deux ans faire le tour du monde pour voir un peu autre chose, découvrir d'autres pays... Puis je suis rentré et j'ai postulé à Harvard, on m'a accepté et j'y suis depuis maintenant 5 ans. J'ai fait un Bachelor en économie et droit et depuis septembre j'ai commencé un MBA à la Business School. Voilà en gros ce que j'ai fait. Et toi ? Comment tu as atterri ici depuis Tokyo ? » Après toutes ces années, t'as mille et questions à lui poser.

Les probabilités pour que cela arrive étaient minces. Rencontrer ton amoureux épistolaire après de nombreuses années, c'était digne d'un roman. Je ne pouvais m'empêcher de le charrier sur la façon dont il m'a dragué. Je pourrais presque lui dire qu'il n'a pas tellement évolué depuis, mais ça pourrait être pris plus méchamment qu'amicalement, je préférais m'abstenir. J'étais curieuse d'en savoir plus et qu'il comble toutes ces années de vides en commençant par me raconter comment il avait atterri à Harvard. « Bah écoute, j'étais à New York si tu te rappelles et j'ai fini ma scolarité tranquillement. Après le lycée je suis parti pendant deux ans faire le tour du monde pour voir un peu autre chose, découvrir d'autres pays... Puis je suis rentré et j'ai postulé à Harvard, on m'a accepté et j'y suis depuis maintenant 5 ans. J'ai fait un Bachelor en économie et droit et depuis septembre j'ai commencé un MBA à la Business School. Voilà en gros ce que j'ai fait. Et toi ? Comment tu as atterri ici depuis Tokyo ? » J'étais étonnée par tout le chemin qu'il avait fait. J'étais aussi curieuse de savoir quels pays il avait visité. J'étais une grande passionnée de voyage alors nous allions avoir de quoi discuter. « J'ai fait ma scolarité à Tokyo dans des écoles pour les étrangers et puis, j'ai postulé à Harvard quand j'ai eu l'âge. Tu sais, Harvard, c'est une histoire de famille chez moi. » Mon grand-père, mon père, ainsi que mes sœurs. « Je suis arrivée l'année de mes 18 ans à Boston et puis, les études ont été plus compliquées récemment. J'ai eu un diplôme de danse et théâtre, puis j'ai eu un accident, j'ai donc dû arrêter la danse et faire deux cinquième années pour repartir sur des études de musique et de théâtre » que je lui confiais en me souvenant de mon douloureux accident d'escalade. Aujourd'hui en sixième année, je retrouvais un équilibre dans mes études, mais la danse me manquait vraiment. « Et donc toi, tu as voyagé et même pas tu es venu me retrouver ? Je suis déçue » Et choquée.