Le problème avec Lenny, c'est que même si j'ai raison, il continuera de s'enfoncer dans le crâne qu'il a bien fait d'agir comme il l'a fait. Et c'est précisément ce qui me met hors de moi, alors comment dire... La tension, elle escalade des deux côtés, et c'est par forcément bon, ni pour lui, ni pour moi. "C'est pas auprès de moi qu'il s'est excusé alors j'en ai rien à foutre." Je hausse les sourcils en le toisant, l'air de dire "sérieusement?" parce que clairement, là c'est l'hôpital qui se fout de la charité, et il cherche des excuses pour en vouloir à Pluton. Ce que je trouve encore plus pitoyable. « Comme si t'en aurais eu quelque chose à foutre qu'il s'excuse auprès de toi. C'est auprès de moi qu'il a fait la boulette. Toi, il a aucun compte à te rendre, vous êtes pas potes. » Et ils le seront jamais, penser le contraire ça serait se voiler la face. Sauf que voilà, Lenny quand il est en colère, il parle sans réfléchir, et l'entendre OSER dire que Pluton pourrait être plus important que lui... Ca me fait péter un cable. Je plante mon collègue, j'envoie gentiment le vigile s'occuper des clients plutôt que de moi, et c'est d'un air autoritaire qui ne laisse pas tellement de place à la résistance que je tire mon frère à l'extérieur. De toutes manières, je le connais, je sais qu'il me suivra, qu'il est venu exprès pour me voir. Alors il veut une confrontation? Il va l'avoir. Et évidemment, c'est de son éternelle arrogance qu'il répond à ma question d'un: "Les deux?" , me faisant souffler en levant les yeux au ciel, désabusée. Mais j'me laisse pas démonter pour autant, contre attaquant sur le sujet Pluton, et je sais quels mots employer pour le calmer. Parce que c'est vrai, le dunster n'est qu'un prétexte pour Lenny, pour un problème bien plus délicat: Lui, et moi. Et au fond, toute cette histoire revient toujours au même point: Nous deux. Nous, et notre possessivité naturelle, dont il fait preuve une fois de plus. "Et tu l'apprécie à quel point au juste?" Je secoue la tête, ayant la vive impression de causer avec un sourd ces temps ci. « C'est un de mes rares amis sur le campus, si tu veux tout savoir. Un véritable ami. » Et j'appuie bien sur chaque mot pour faire circuler l'info jusque son cerveau: Entre Pluton et moi, y a rien, pas d’ambiguïté, j'suis attachée à lui, on a les mêmes délires, mais ça s'arrête là. Et je finis par taper dans le vif du sujet, où le fait que de nous deux, c'est bien lui le pire. J'ai des conquêtes, ouais, mais j'me suis calmé récemment. Lui ? Absolument pas. Et alors qu'il détourne les yeux, moi je croise les bras, la pression retombant enfin de mon côté aussi. "Qu'est ce que j'peux faire d'autre..?" Il me regarde à nouveau, et je fronce les sourcils. "J'essaie simplement d'être normal Cat', de nous sauver." Aoutch. Je reste un moment interdite, digérant le coup de couteau là où ça fait mal. Il essaie d'être normal, ou comment me rappeler que nous deux, c'est tout sauf ça. Me rappeler qu'on part en vrille, et sous entendre qu'il veut s'en éloigner. « Et tu crois pas que j'ai mon mot à dire moi Lenny ? » Je hausse une épaule, les bras toujours croisés, pour reprendre, la gorge nouée: « T'essaies d'être normal mais tu défonces les mecs qui m'approchent ? Alors que moi j'ai pas le droit de t'en vouloir pour avoir mis enceinte cette salope ? Ca doit aller dans les deux sens, Lenny, si tu veux qu'on soit "normaux". Si tu veux que toi, et moi.. ça s'arrête pour de bon. » Parce que c'est ce que tu veux Lenny, non ? Qu'on aie enfin cette putain de relation frère/soeur qu'on a jamais su avoir, parce qu'on a jamais eu véritablement ce lien. Plus depuis l'enfance. Plus depuis qu'on a été livrés à nous-mêmes. « T'as pas le droit de t'accorder le privilège d'influer sur ma vie si tu m'empêches de toucher à la tienne. Et je.. » Les mots se perdent dans ma gorge, meurent au bord de mes lèvres, jusqu'à ce que je trouve enfin le courage de dire: « Dis moi une bonne fois pour toutes ce que tu veux, et je m'y plierai. »