VESPER A. S.-MCGUINNESS ► krysten ritter

Fille de Belfast, irlandaise de sang et de tempérament, Vesper est née dans un univers acariâtre et poussiéreux, où toutes les candeurs enfantines étaient broyées dès leurs premiers soubresauts. Foyer pauvre, foyer instable, elle est  venue au monde avec un frère jumeau dont elle est encore très proche aujourd’hui, le protégeant envers et contre toutes les violences de leur monde. Et parmi ces violences … son père surtout. Passionné par l'alcool et les putes, odieux personnage déguisé dans un corps massif et sans finesse, il avait épousé leur mère sur un coup de tête en se disant que cela ferait bon genre sur son curriculum vitae de passer la bague au doigt de l'une de ses régulières. Ainsi il pourrait la baiser sans rien débourser. Il lui donnerait l’illusion d’une vie nouvelle et libre, quand en réalité elle passerait d’un bourreau à un autre. Elle, tant qu’elle pouvait sortir de la rue, ça lui convenait. Alors elle avait accepté avec cette forme de naïveté qui lui était propre, goûtant aux joies de l’amour factice pendant un temps qui ne dura que quelques mois, tout au plus, car elle tomba enceinte très vite, soucieuse qu’ elle était de fonder une famille. Lui, le carcan familial, il n'en voulait pas. Il voulait juste une paire de cuisses en rentrant à la maison, et un plat chaud. Alors se retrouver avec deux braillards à la maison, ca le fit chier quasiment tout de suite. Il désertait jusqu’à des heures indues, dilapidant les maigres revenus du ménage dans du whisky bon marché et des corps anonymes, leur faisant frôler une pauvreté alarmante qui obligea leur mère à retourner à son ancienne profession, allant jusqu’à faire venir ses clients dans leur appartement en pleine journée lorsqu elle n'avait pas de solution à leur proposer. Et évidemment, il détestait cela, ne manquant pas de lui rappeler ses devoirs d’épouse chaque fois qu’il en avait l’occasion. Aimante et protectrice, leur mère fit ce qu’elle put pendant des années pour leur offrir une vie au bord de la décence malgré les circonstances, et les protégea du mieux qu’elle pouvait des violences d’un père qui les méprisait tous deux. L’horreur de leur quotidien prit fin une nuit d’hiver. Vesper et son frère avaient huit ans. Nul ne su exactement ce qui s’était passé cette nuit là, mais avant l'aube, leur mère fut recouverte d’un linceul, et leur père fut embarqué par les flics, les deux enfants pris en charge par les services sociaux en attendant qu’on leur trouva un tuteur ou un foyer.

Leur père fut condamné pour homicide, et les jumeaux confiés à leurs grands parents maternels qu’ils n’avaient jamais rencontré auparavant, leur fille ayant déserté le foyer familial depuis l’adolescence. Changement de vie, d’univers, de pays aussi, d'irlandais ils devinrent américains. Vesper était selon sa grand-mère de la mauvaise graine. Intrépide, petite fille constamment en colère, elle passait son temps à cogner ses camarades de classe masculins chaque fois que ces derniers s’en prenaient à son frère, plus faible, plus sensible aussi. Quant aux filles, elles la trouvaient trop étrange pour se lier d’amitié avec elle, si bien que les jumeaux demeurèrent ensemble jusqu’au secondaire. Élève brillante mais turbulente, Vesper se passionna très jeune pour les sciences, et notamment le fonctionnement du corps humain. Si elle n’avait pas été si en colère, elle aurait pu sauter des classes et faire un cursus brillant. Mais dès ses quatorze ans, elle commença à franchir les premières limites. Alcool. Drogues simples. Elle avait cette fâcheuse tendance aussi à s’enticher de mauvais garçons, souvent plus âgés, jusqu a atteindre des points de non retour. Jusqu’à sa rencontre avec un garçon plus mauvais que les autres, qui lui fit gouter aux affres de la drogue et de la violence, image de son père qu'elle retrouvait sans doutes en filigrane. Vesper avait tout juste dix-huit ans. Elle était dingue de lui, terrible démon qui la regardait comme une femme enfant. Sauf que lui aussi, il aimait s’abrutir, devenant alors déraisonnable. Leur relation dura assez longtemps pour qu’il lui fasse franchir toutes les limites possibles. Il parvint même à la convaincre de participer à un braquage, puis deux, jusqu’à ce que cela ne soit plus qu’un jeu dangereux auquel ils s'adonnaient. Et puis Vesper trouva qu’il allait trop loin. Il s’enlisait dans les excès jusqu a devenir méconnaissable. Alors elle voulait tout arrêter avant qu’il ne soit trop tard, et essaya de le quitter. Essaya, parce qu’il refusa de la laisser partir. Et à la fin de cet échange dont elle ne parle jamais, elle finit sur un brancard à l’hôpital, le visage tuméfie, des cotes cassées.  Son séjour dura plusieurs jours, le temps qu'elle puisse se remettre. Il n'y aurait aucun témoignage visible de cette rupture brutale. Aucun, si ce n'est cette balafre de huit centimètres siégeant sous son œil droit et redescendant jusqu’au milieu de la joue. Cela, et un ventre rond qu’elle avait dissimulé à tous depuis plusieurs mois, et dont les secrets avaient été révélés lors de son auscultation. Elle était enceinte de cinq mois environ, et donna naissance à un petit garçon beau comme un cœur, aussi brun qu'elle. Sauf que cet enfant, elle n'en voulait pas. Nul ne savait qui était le père. S’il s’agissait de celui qu’elle était parvenue à envoyer en prison à la suite de ses blessures, ou bien d’un inconnu de passage, dans la mesure où le couple battait de l’aile depuis longtemps, et qu’elle n’avait pas manqué d’essayer de le punir des lors qu’il avait commencé à la tromper. Elle seule savait. Et si elle avait l’intention d’abandonner son enfant au départ, elle ne put au dernier moment s’y résoudre, confiant alors le petit Tristan à ses grands parents avant de prendre le large.

Pendant trois ans Vesper disparut, quittant le système en ne donnant que de rares nouvelles. A chaque endroit qu’elle visitait, elle envoyait une photo prise par ses soins à son fils ou son frère, accompagné de quelques mots. Période d'errance où elle sillonna les routes, goûtant à une liberté illusoire, enchaînant les petits boulots jusqu’à éprouver enfin le besoin de revenir et d’avoir une vie à elle. Sauf que pendant son absence, son fils avait grandit. Il n'avait jamais appris à la connaitre, elle, sa mère. Peut être était il trop tard pour renouer un lien. Un deal fut alors passé avec ses grands parents : elle reprendrait ses études pour devenir médecin légiste, leur prouverait qu’ elle était digne de confiance, et ils lui permettraient de renouer un lien avec son fils jusqu’à ce qu’elle puisse en récupérer la garde totale.
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