Petites sorties entre amis ¤ Elia & Tyler le Gay

Cela faisait un bon mois à présent que les cours avaient repris et je n’avais pas encore eu un seul week-end de libre jusqu’à maintenant. La sixième année venait de démarrer sur les chapeaux de roues, les professeurs n’ayant aucuns scrupules à nous bombarder de devoirs, et je commençai déjà à saturer, mon cerveau étant au bord de l’implosion. Voilà pourquoi, j’avais décidé de ne rien faire de mon week-end, tentant par tous les moyens de m’avancer dans le travail que j’avais à fournir pour la semaine prochaine. J’avais prévu de profiter de mon temps libre pour voir mes amis et faire la fête. Cependant, je devrais encore attendre un petit peu avant de me bourrer la gueule puisque nous étions encore en pleine journée. J’avais d’ailleurs prévu un ciné avec l’un de mes meilleures amies : Elia.

Habillé de manière décontractée – comme à mon habitude –, mais chaudement – nous étions à présent rentrés dans l’automne et le temps s’était énormément rafraîchi, me faisant ainsi regretter le beau temps de cet été –, j’attendais patiemment que la jeune fille arrive dans le grand hall du bâtiment. Je l’aurais bien attendu à l’extérieur, mais il s’était soudain mis à tomber des cordes, les nuages noirs juste au-dessus de ma tête grondant, menaçant. J’espérai sincèrement qu’Elia avait prévu un parapluie, parce qu’elle allait finir trempée sinon. Et puis, je n’en avais pas moi-même, donc s’il continuait de pleuvoir à la fin du film, nous allions devoir nous dépêcher de rentrer…

Après m’être un peu distrait à l’aide de mon téléphone portable en attendant mon amie, je décidai finalement de profiter de son absence provisoire pour regarder les films qu’il y avait à l’affiche. Nous n’avions pas encore décidé lequel nous irions voir, préférant attendre d’être sur place pour choisir, et j’espérai sincèrement que nos goûts en matière de cinéma n’étaient pas si différents afin de ne pas perdre un temps monstre à se décider sur le film à voir. Surtout qu’il y avait toutes sortes de films affichés sur les écrans télé du cinéma – comédies, films fantastiques, thrillers, films d’action, et j’en passe… –, nous avions donc énormément de choix. Tout en faisant le tri dans ma tête des films qui pouvaient potentiellement m’intéresser, je fus interrompu dans cette concentration mentale par quelqu’un qui, posté derrière moi, recouvrit tout à coup mes yeux avec ses mains.

- Qui est ce ? s’exclama alors la jeune fille que j’attendais et que je reconnus aisément grâce à sa voix.

- Hmm… fis-je mine de réfléchir, comme si je ne connaissais pas la réponse. Une très belle jeune fille avec laquelle je me marierai un jour, car malgré notre orientation sexuelle différente, on est fait l’un pour l’autre ? Ah, non, déclarai-je ensuite en me retournant dans le but évident de plaisanter, avant de rajouter rapidement en riant : Je rigole ! Comment vas-tu, ma chérie ? lui demandai-je alors, après l’avoir enlacé tendrement. T’as pas trop pris la pluie à ce que je vois, constatai-je en remarquant qu’elle n’était pas aussi trempée que je l’aurais craint. T’as déjà une idée du genre de film que tu veux voir ?

Les bras croisés sous sa poitrine – qui était plus que généreuse, même un gay tel que moi pouvait parfaitement l’admettre –, la jeune femme fit mine d’être vexé – ce qui était loin d’être le cas, son petit sourire en coin la trahissant.

- Toute façon, même si tu étais hétéro, je ne voudrais pas de toi pour mari, répliqua-t-elle pour sa défense, avant d’éclater de son joli rire cristallin que j’adorais plus que tout. Je blague ! précisa-t-elle alors à son tour, ce qu’elle n’aurait même pas eu besoin de faire puisque j’avais parfaitement saisi la plaisanterie. Tu sais bien que je t'aurais déjà sauté dessus si tu étais hétéro, du vrai gâchis d'ailleurs, je suis certaine qu'on aurait fait un couple d'enfer, s’exclama-t-elle avec une légère pointe de regret dans la voix, et je ne pus qu’approuver ses dires d’un grand signe et visible de tête. Sinon ça peut aller & toi ? Tu me raconte quoi depuis cet été ?

Nous nous n’étions pas beaucoup vus durant le Summer Camp, étant dans des équipes adverses et ayant chacun nos propres occupations. Je savais tout de même qu’elle avait fait partie des Sangria et que le fait que la couleur de mon équipe était rose fuchsia l’amusait énormément – du rose pour un gay, quelle meilleur moyen pour représenter le parfait stéréotype ! Mais bien que la couleur n’était pas l’une de mes favorites, je m’étais rapidement habitué, me concentrant de toute façon sur la compétition en cours – ce qui n’avait finalement pas servi à grand-chose car nous avions perdus…

- Oh, bah, tu sais ce que c’est : métro, boulot, dodo. Même s’il n’y a pas de métro, peu de dodo, mais beaucoup de boulot ! On a à peine commencé l’année que j’ai déjà des tas de dossiers à rendre pour le mois de décembre ! Bien sûr, je n’en oublie pas de m’amuser, rajoutai-je sur un petit ton coquin qui exprimait à la perfection le fait que je ne délaissais pas les plaisirs de la vie, bien au contraire… Et toi, alors ? Quoi de neuf dans ta vie de jeune demoiselle sexy ? demandai-je, tout en plaisantant.

- Non, ça va, répondit-il à ma remarque sur le fait qu’elle n’était pas trop mouillée – ce qui m’avait passablement étonné, à vrai dire. Je dois avoir les pouvoirs de flèche flèche pour avoir réussi à passer au travers des gouttes, déclara-t-elle, me faisant ainsi rire. Puis, je lui demandai si elle avait déjà une idée du film qu’elle souhaitait voir, n’ayant moi-même aucune idée. A vrai dire non, tu préfères qu'on aille voir quoi ? Horreur, comédie, dessin animé, action ?

- Je risque de ne pas être d’une grande aide si je te dis que ça m’est égal, constatai-je alors, avant de me tourner de nouveau vers les écrans de télévision afin de revoir la liste de films qu’ils proposaient dans leur cinéma. Peut-être… horreur ?... La période est justement propice pour aller voir ce genre de films, tu ne trouves pas ? Et puis, tu auras une très bonne excuse pour venir te blottir entre mes bras, finis-je en rigolant.

- Sérieusement ? s’étonna la jeune fille après m’être plaint de la quantité de travail que nous avions l’année à peine commencée – bien que cela faisait tout de même près de deux mois que nous avions repris les cours. T'inquiète pas va je suis sûre que tu vas tout gérer, tenta-t-elle de me réconforter.

Et son sourire chaleureux réchauffa quelque peu ce cœur froid qui était situé quelque part dans ma poitrine, mais cela ne fut malheureusement pas assez suffisant pour faire disparaître ce sentiment de débordement qui m’assaillait chaque fois que je pensais à la tonne de devoirs qu’il me restait à faire. L’idée même de ne plus sortir de ma chambre pendant une durée indéterminée – mais sûrement jusqu’à l’arrivée des vacances de Noël – afin que je puisse finir tout ce boulot qui n’attendait plus que moi s’était d’ailleurs fait plusieurs fois à mon esprit. Mais je n’étais honnêtement pas physiquement nu moralement capable de cet exploit que certaines personnes adoptaient sans aucun doute – ce qui devait les rendre fous, à la fin…

- Eh bien, par où commencer ? démarra-t-elle sa phrase, et je m’attendais alors à ce qu’elle m’énumère une myriade de choses toutes plus surprenantes les unes que les autres – ce dont je n’avais pas tout à fait tort, à vrai dire… Par le garçon que j'ai adopté, le mec qui me plaisait un peu mais qui est parti ou bien par mon ex que j'ai revu & que je crois n'avoir toujours pas oublié ?

- Attend, tu… tu as adopté un enfant ? m’exclamai-je, totalement choquée par cette nouvelle que j’en oubliais complètement les autres. Mais… t’as à peine la vingtaine ! Pourquoi ?

Si Elia ne savait pas que je n’avais absolument pas la fibre paternelle, elle venait alors sûrement de l’apprendre au vu de ma réaction plus que horrifiée à l’idée qu’elle gâchait sa jeunesse par le fait d’avoir en plus adopté un enfant – ce n’était même pas le sien ! J’espérai d’ailleurs ne pas l’avoir vexé en me comportant de cette manière, mais je devais bien avouer que je ne pouvais réagir autrement face à ce genre d’information. Mais il était vrai aussi que j’étais quelqu’un de très peu tolérant et qui, lorsqu’il avait ses propres idées, il tentait de les imposer aux autres. Je n’en avais même pas honte, ce qui était généralement la cause de nombreux conflits avec les gens, mais j’avais dans l’idée que l’on n’avait jamais été tolérant avec moi, alors pourquoi devrais-je l’être avec les autres ? Evidemment, mon passé ne concernait en rien Elia qui avait toujours été très ouverte avec moi – et sûrement d’autres aussi –, comme la plupart des étudiants de Harvard, à vrai dire.

- Va pour un film d'horreur alors, accepta-t-elle de bon cœur, mais… tu ne crois pas que c'est toi qui va venir te blottir contre moi plutôt ?

- Arf ! Tu m’as démasqué ! jouai-je la comédie. Par contre, promet-moi que tu ne diras à personne que j’ai crié comme une fille, sinon je te fais subir les pires tortures ! le menaçai-je faussement, avant d’acheter deux places pour le film en question au guichet.

- Tu sais, j’ai perdu mon bébé à 18 ans alors que j’étais enceinte de 4 mois ? me dit-elle, et je hochai légèrement la tête de bas en haut. J’en avais vaguement entendu parlé il y a longtemps à présent. Tellement longtemps que je ne me souvenais même plus si j’avais appris cette triste nouvelle par le biais de son frère ou d’Elia elle-même. Et j’avais beau ne pas avoir beaucoup de considération pour les gens autres que ma petite personne, cette information sur le passé de ma très chère amie m’avait tout de même touché. Bref, après cette perte, je me suis inscrite dans une agence d’adoption. Je voulais à tout prix avoir un enfant, donner de l’amour, & il était hors de question que je me fasse mettre enceinte par un inconnu, que ce soit après avoir fait l’acte ou simplement par fécondation in vitro. J’ai donc trouvé cette solution, mais à l’époque, j’étais bien trop jeune, donc impossible d’adopter. Cependant, je venais quand même dans cet orphelinat pour voir des enfants, passer du temps avec eux, m’en occuper. Puis, cet été on m’a contacté pour un enfant, savoir si j’étais intéressée, m’expliqua-t-elle, sans même prendre le temps de reprendre ne serait-ce un minimum sa respiration. Et, silencieux, je l’écoutais attentivement en train de me conter l’histoire de son adoption, me demandant si je devais laisser faire le Tyler enfoiré ou plutôt tenter de le contrôler afin que ce soit le Tyler ami qui parle – et étant donné que Elia faisait partie de mes plus proches amies, le Tyler enfoiré allait se la fermer pour une fois (ça changera). Tu sais, j’ai longtemps réfléchi. Je me suis posée pleins de questions avant de leur dire oui pour le voir. Je me demandais si j’étais capable d’élever un enfant, si j’allais être une bonne mère, si je pourrais lui donner tout ce dont il a besoin, autant de l’amour que d’une belle vie maintenant & plus tard. Si ce n’était pas mieux qu’il aille dans une famille ou y’a un papa & une maman… Puis, j’ai quand même voulu le voir & j’ai craqué… Je ne sais pas comment te dire, tu risques de ne pas comprendre, mais il était si triste, si mignon & j’avais qu’une envie, c’était de le prendre dans mes bras, le rassurer. Il était seul & moi aussi…

- Mais tu n’étais pas seule ! Tu m’avais moi ! m’exclamai-je, en écartant les bras comme pour me présenter moi-même, avec un grand sourire qui découvrait mes dents blanches et droites. Tu aurais pu m’adopter ! proposai-je alors stupidement – mais le principal était de la faire rire. Je sais bien que je suis déjà majeur et vacciné, mais t’avoir comme maman aurait été cool ! Et puis, je suis le plus sage des enfants. Si, si, je t’assure ! affirmai-je, bien que je savais bien moi-même que j’étais loin de la vérité. En tout cas, aussi étrange était cette idée, elle possédait un côté qui me plaisait tout de même. Après tout, Elia avait beau être très jeune, elle aurait fait une meilleure mère à elle toute seule que mes deux parents réunis… En tout cas, tu as raison sur un point : je ne peux pas comprendre, continuai-je sur un autre sujet. J’ai une pierre à la place du cœur, tout le monde le sait. Mais je respecte ton choix et je suis sûr que tu seras une maman absolument parfaite, lui souris-je tendrement, n’en doutant pas une seule seconde.

- Huum ! Je gagne quoi si je ne dis à personne que tu auras crié comme une gonzesse ? me demanda-t-elle suite à ma petite comédie.

- Ma reconnaissance éternelle. Et c’est largement suffisant, crois-moi, rajoutai-je rapidement, avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit sur ce gain inutile. Une fois les places et les pots de pop-corn achetés, nous nous installâmes confortablement sur deux des sièges de la salle où le film devait être projeté. Et sinon… Tu n’as toujours pas oublié ton ex, alors ? fis-je sur un ton taquin, tandis que je me rappelais de ce qu’elle m’avait dit peu avant que je ne sois choqué de son adoption récente. Raconte-moi tout.