Les forces du mâle!

Bon, visiblement elle avait compris de travers. Bravo, Lis et vive le vin ! Pourtant, elle se sentait encore maîtresse d’elle-même, les vapeurs de ce cru n’ayant pas encore atteints son cerveau. Elle passa une main dans ses cheveux corbeau, un peu gênée, et grimaça. Que des intrus se tapent l’incruste dans leur bulle ? Ça ne risquait pas d’arriver ! Du moins, pour le moment, puisqu’il n’y avait qu’Alysse qui était au courant de leurs… Ebats un peu chauds.

« On avisera en temps voulu… »

Il en fallait plus pour plomber l’ambiance ou pour la faire sombrer dans une humeur renfrognée. Son amie avait raison : une fois que les gens seront au courant, ils voudront s’en mêler comme si c’était leur rôle de prêcher la bonne parole. L’être humain est incapable de se mêler de ce qui le regarde. Enfin, Lisbeth ne mettait pas tout le monde dans le même panier mais d’après sa petite expérience, des inconnus avaient bien souvent mis leur grain de sel dans sa vie. Mais puisque son amie bossait pour Clay, peut-être que Lisbeth pourrait obtenir plus d’informations à son sujet (tout en se disant que c’était peut-être une mauvaise idée). Alors elle se cala bien sur sa chaise (au cas où) et l’écouta tout en continuant de manger ses chips.

Tout ça parce qu'il voulait voir mes seins mais je te rassure, Clay n'a juste eu qu'à tirer un coup! Et hop ! Une chips qui passa de travers. Lisbeth se mit à tousser alors que la fautive passait difficilement le début de sa trachée. Elle devint aussi rouge qu’une pivoine et il était inutile que son amie lui sorte un « avale ! » parce que c’était exactement ce qu’elle avait fait. Alors elle s’empara de son soda et en but de longues gorgées. Petit à petit, sa quinte de toux se tarit alors que les larmes coulaient toute seule le long de ses joues brûlantes.

« Quelle… Histoire… »

Elle n’avait qu’une envie : rire. Mais elle toussa encore un peu, ce qui l’empêcha de le faire.

« Il t’a… Offert une… Culotte ? »

Quel petit rigolo, celui-là ! Finalement, elle réussit à éclater de rire en s’imaginant la scène.

« Le voyage a dû être interminable… »

Il n’en avait pas fallu beaucoup à Lisbeth pour s’étouffer avec une chips. La manière dont Alysse racontait ses aventures étaIt pour le moins… Intéressante. De plus, elle était certaine d’avoir mal interprété certains détails de l’histoire et elle n’osa pas reformuler ce qu’elle venait de lui raconter. Et puis quand elle disait « tirer un coup », c’était au sens propre ou figuré ? Elle préférait ne pas le savoir. Alors que son amie lui resservait un verre de vin, Lisbeth avait décidé de lui « voler » son soda pour le vider d’une traite. Si elle avait fait la même chose avec ce cru, elle n’aurait pas donné cher de son état mental. Effectivement, elle sentait que ses joues étaient en feu et que les larmes coulaient toutes seules. Alysse, la vicieuse, en profita pour la photographier et s’amuser avec les filtres de Snapchat. Elle voulut protester mais toussa encore plus quand elle essaya de parler. Alors elle se contenta de prendre son téléphone et de regarder l’horreur qui s’affichait devant elle. Oh mon Dieu… Miss Wine & Chips 2017… Tant que cette photo n’était pas partagée sur la toile, tout irait bien. Au moins, elle avait compris que ce n’était pas Alysse qui allait pouvoir la renseigner sur Clay. Mais plutôt l’inverse. Quand elle lui demanda comment ils s’étaient rencontrés, elle ne sut que répondre. Elle ne pouvait pas lui dire la vérité, qu’elle s’était fait arrêtée et qu’elle avait craché le morceau sur son identité du DarkNet, la hackeuse qu’il traquait depuis des mois. Mais elle pouvait toujours lui dire une demi-vérité…

« Bah… Ça a très mal commencé en fait. »

Lisbeth se tortilla sur sa chaise, mal à l’aise et toujours rouge mais pour d’autres raisons que son étouffement d’il y a quelques minutes.

« Insupportable, le mec. J’aurais pu le baffer ! Enfin… J’ai fait pire que ça, mais bon. »

Elle lui avait envoyé un coup de genou dans ses bijoux de famille et y avait pris un malin plaisir. Surtout quand il s’était plié en deux de douleur. La jeune femme dut retenir un sourire amusé.

« On s’est revu au bal, en mai. Et puis on peut dire que c’est là que tout a commencé. »

Mouais, dis plutôt que tu as fait le premier pas pour l’embrasser sans vraiment savoir pourquoi tu l’as fait… T’étais censée le détester !

« Ça reste entre nous mais j’ai fait exprès d’oublier mon bracelet au bar et j’ai demandé au barman de le donner à Clay s’il repassait par là. Il l’a fait et… Clay me l’a ramené. »

Oui, oui ok, c’était vicieux de sa part… Toutefois, jamais elle n’aurait pensé que la soirée s’achèverait de la sorte. Rien que d’y repensait la rendait toute chose. Ses mains, devenues toutes moites, relâchèrent le verre sur lequel elles étaient agrippées pour venir se frotter contre son short.

« La suite, tu peux l’imaginer. »

Ou pas. Jamais quelqu’un n’imaginerait qu’elle s’était retrouvée ligotée et que malgré toute la peur qu’elle en avait éprouvée, elle avait adoré. Même plus que ça.

Lisbeth se demandait comment elle allait se dépêtrer de cette situation. Consciente que certains éléments manquaient à son histoire, elle en fit fi et dévia bien rapidement sur la suite des évènements qu’Alysse se devait d’imaginer. Quand ses boucles brunes furent secouées de droite à gauche avec vivacité, Lisbeth ne put s’empêcher de rire. Bon, ok, mieux valait ne pas imaginer, surtout que Clay était son supérieur hiérarchique. Cendrillon ? Mais pourquoi faisait-on toujours allusion à cette princesse mal-aimée de ses demi-sœurs ? Un peu plus et un grognement s’échappait de ses lèvres scellées. Mais d’un certain côté, son amie n’avait pas tort : elle avait fait exactement la même chose que cette blondasse insupportable à la seule différence que la brune l’avait fait exprès. Quant à son luxueux appartement, aucune chance qu’il ne soit transformé en citrouille, au sens propre comme au figuré.

« Oui mais c’est loin d’être un prince charmant et je sais également tuer les dragons. »

Manquait plus qu’il s’attribue tout le mérite, non mais oh ! C’était mal la connaître que de croire qu’elle n’était qu’une demoiselle en détresse ayant besoin d’être secourue. Du moins, pour le moment car Dieu sait de quoi était fait son futur.

« Et puis, on n’a pas besoin de prince charmant, non ? »

Elle ponctua ses paroles d’un saut au bas de sa chaise en faisant attention à ne pas s’étaler de tout son long. Etrangement, Lisbeth se sentait gauche en présence de son amie alors qu’en temps normal, elle était une des personnes les plus assurées de cette Terre. Elle se dirigea dans son séjour pour y chercher un menu qu’elle posa sur le comptoir face à la demoiselle.

« Allez, on se commande un truc consistant à manger. »

Autant poursuivre cette soirée sur une touche positive, non ?