J'avais fini par m'habituer à tes silences ✻ Nova

J’étais certain de ne plus jamais revoir ses faussettes, ni entendre ce rire à quelques mètres de ma personne. Il n’avait fallu que d’un bref regard pour confirmer ta présence avec quelques-uns de tes amis. Ce n’est pas une fille connue à Harvard, pas une fille de Boston. Nova était la fille de Londres. Celle qu’il avait rencontré un été alors qu’ils étaient en vacances scolaires. Londres peut paraître grand, pas suffisamment pour que le destin ne puisse pas les réunir. Une adolescente incroyable à c’t’époque. Antwan fixe la demoiselle quelques secondes pour s’imprégner ce visage dans la mémoire, se replonger dans les bribes de souvenirs qui lui reviennent. Des conversations à n’en plus finir, des rires, des sourires, des journées entières ensemble. C’est le genre de personne avec qui les silences ne sont pas gênants, avec qui les amusements peuvent êtres idiots mais simples, légers. Puis plus de nouvelles. L’homme avait essayé de la recontacter, encore et encore. Silence radio. Pas de réponses. Pas faute d’avoir tenté, par un « joyeux anniversaire », un « bonne année » ou encore un « je suis à Londres, si t’es là, dis le moi, qu’on essaye de se voir. ». Il serait allé lui parler si elle n’était pas entourée. Alors il essaye de capter son attention en ne regardant qu’elle. Jusqu’à s’arrêter dans cette observation prolongée, se lever, capturer son portable et envoie un message sur ce numéro qu’il a depuis des années. « A ta droite. » Juste pour confirmer que ses yeux ne prennent pas une femme lambda pour celle qui fut sa grande amie quelques années plus tôt. Si le téléphone que la jeune femme vient de poser sur le sable, exactement dans son champ de vision, ne s'allume pas, alors Wayans aura une raison de s'en aller.

@Nova De Glücksbourg

Suit les regards, les lèvres qui bougent, s’imagine les dialogues. Et le cœur qui loupe un battement quand le portable fixé s’allume. C’est bien toi. Bien Nova. Bien celle de Londres. T’es devenue cette fille qui passe son temps sur les plages du Laos. Qu’est-ce que tu fais là ? Boston, c’est chez moi, et je doute que tu ais choisi cette destination pour les vacances par pur hasard. Les coïncidences, nan. Alors quoi ? Tu connais des gens d’Harvard, de Boston ? Tu étudies à Harvard ? Du temps pour me poser des questions, tu m’en donnes, quand tu décides de rester sur place alors que tes amis s’en vont. Je ne bouge pas, j’arrête de faire le premier pas. Surtout quand ton silence n’était pas dû à un hypothétique changement de numéro de téléphone. Hausse les sourcils, sourit en coin, parce qu’il n’arrive même pas à grimacer quand il la revoit. Après, peut-être, quand la surprise des retrouvailles s’estompera, et que ses SMS sans réponses s’afficheront devant ses yeux. « Effectivement. » Il détaille son visage, ne sachant pas l’attitude à adopter. Comme avant ou comme deux inconnus ? « Ca change de la pluie de Londres. Plus besoin de se battre avec le parapluie. » Comme dans le passé, comme dans les rues anglaises, il y a quelques années. « Du coup, raconte-moi, qu’est-ce que tu fais là ? » J’en ai plein d’autres des questions, des tas. J’les garde pour après, dès qu’on se sera débarrasser des banalités.

Il ignore sur quel pied danser. Il est heureux de la revoir, mais ce beau tableau est assombri par les mois, les années sans aucune nouvelle. Antwan n’avait jamais rien compris à ce comportement, l’avait d’ailleurs détesté de le laisser en plan après l’été formidable qu’ils avaient passé ensemble. Les années ont passés, cette haine s’est assoupie, il a fini par l’oublier. Elle faisait partie du passé, elle était une ancienne connaissance de sa vie à Londres.  « C'est vrai. Après, je plaide coupable, j'oubliais toujours mon parapluie alors que je savais que la pluie ne nous épargnerait pas. » Sourit, c’est vrai. Pas douée sur ce point-là. Tandis que lui se servait exclusivement de capuche ou s’abritait sous un bâtiment dès que possible. Ce n’était pas la peine de s’encombrer d’un parapluie quand celui-ci avait toujours le malheur de se retourner ou de se casser. « C’est pas faute de t’avoir prévenu à chaque fois. » Ca rappelle des souvenirs, les bons. Wayans s’enquiert. Elle lui parle de Boston, d’Harvard. Il ignore depuis combien de temps elle arpente les couloirs de l’université, mais ce sentiment d’être ridicule l’assaille. Comme si affirmer qu’il a fait toutes ses études à Harvard n’était pas logique, qu’elle venait de lui voler son histoire. « Ouai, les vacances. Je vis à Boston également et.. me voilà. » Il aimerait se mettre à marcher ou au moins s’assoir sur le sable, près de l’eau, et non rester planté ainsi, en essayant coûte que coûte d’éviter le moment génant. Ce qui est plutôt compliqué lorsqu’il se rappelle le passé. « T’es à Harvard depuis quand ? J’y étais pendant cinq ans, ca me parait bizarre qu’on ne s’est pas croisé plus tôt. » Il hausse les épaules et ajoute un, « Si j’avais su, j’aurai pu t’envoyer un message. » Mais il était dans l’ignorance. Ceci depuis des années.

« Tu veux qu'on marche un petit peu ? » Ouai, qu'ils fassent quelque chose où le malaise finira par s'emparer de la conversation. Il hausse les épaules, fait un bref signe de la tête et commence à faire quelques pas dans le sable chaud. « Quatre ans, ça fait quatre ans que j'y suis.  Le campus est grand, c'est la seule solution que je vois. » L'homme cache sa surprise en baissant délibérément son regard vers le sol. Quatre ans qu'ils sont proches l'un de l'autre, que le destin aurait pu les reunir, qu'il aurait pu avoir une explication au silence de la demoiselle. Mais rien, pas de rencontre au hasard, pas d'amis en commun. Comme si le monde ne voulait pas les reunir. Ca semble si absurde qu'Antwan établit plusieurs hypothèses dans sa tête, parmi lesquelles, celle où Nova l'évite volontairement se démarque. Alors cette histoire de campus trop grand, il a dû mal à l'avaler. Il relève les yeux, laisse un « peut-être » s’échapper de sa gorge. Y a cette impuissance qui le saisit. L’impression qu’il est le seul à être mal après son départ. L’impression d’être le seul à vouloir continuer cette amitié. Le seul qui l’a apprécié et que Nova en avait des bien meilleurs, qu’Antwan n’en était qu’un parmi des dizaines. « Pourquoi on n'a plus parlé après cet été ? » La faute de Nova s'il en vient à poser cette question aussi rapidement. Vas-y, sort moi un autre mensonge, j'essayerai d'y croire.

J’en ai des souvenirs. Des beaux. Des drôles. De ces moments où il n’y avait que nous deux, que cette amitié en construction. C’était peut-être naïf de croire que ca pouvait continuer. Le garçon qui n’avait pas fait attention, qui n’avait pas prévu la suite, qui n’avait pas battit de scénarios sur leur futur. Pour une fois. « Faut croire que le destin s'est bien amusé durant ces années. » Je me dis que c’est toi qui t’es bien amusée. A créer des liens et à partir, en laissant ces idiots qui se sont attachés à ton rire derrière toi. Je veux croire que je ne suis pas le seul, que t’avais une bonne raison pour foutre le camp. Mais j’te jure Nova, que ton sourire, aussi petit soit-il, me donne l’impression d’être ridicule. « C'est compliqué à expliquer... Des choses ont fait que je ne pouvais pas répondre et quand tu m'as dit que tu étais à Londres, je n'y vivais plus depuis plusieurs semaines et j'ai pas eu le courage de t'envoyer un message après. » Tu sais très bien que ca ne va pas le satisfaire. Faut qu’il comprenne. Qu’il y ait de la logique dans tes explications. Or là il n’y en a pas. Toujours cette même brume autour de ce silence. « C’est compliqué. » qu’il répète, accompagné d’un soupir. « Juste un message Nova. Ca m’aurait suffit. » Probablement pas, il ment. Mais ca aurait été moins d’espoir. Moins de peur aussi. « Pour que j’t’imagine pas séquestrer quelque part ou enterré dans une forêt. » Ca semblait être une évidence fut un temps. « Ravi que tu sois en vie. » qu’il lache, fin sourire sur les lèvres lié au ridicule de ses mots.