Appel : Denys ► Alexys

Je vois mon portable sonner. Je fronce les sourcils en mode what the fuck, t'as vu l'heure qu'il est ? Oh ouais oui, y a le décalage horaire de merde ! Et puis y a le nom de Denys qui s'affiche alors forcément, je saute dessus, je me casse la gueule de mon lit, je reste par terre et je décroche tout vite. Ouais, ouais, c'est bon je suis là ! J'approche mon portable à mon oreille. Je veux juste pas qu'il raccroche. Je me redresse par la même occasion, position pas terrible pour discuter. Putain, tu te rends compte que tu m'as fait flipper de ouf ?! T'as intérêt à avoir une bonne raison Denys, j'te jure ! Faut que je le laisse en placer une sinon, c'est clair qu'il va pas pouvoir me donner d'explications.

Alexys s’inquiétait. Tout le monde s’inquiétait. Mon téléphone arrêtait pas de sonner. Marin avait même décidé de débarquer à l’appart. Je faisais n’importe quoi. J’étais à la dérive. L’idée d’une vie sans elle, je l’acceptais pas. Alors je buvais. Vodka, tequila… Pour oublier qu’elle était pas là, plus là. Et avec l’alcool dans le sang, ça empirait. Je n’allais plus au taf, je ne respectais pas mon assignation. J’avais fini deux fois au poste. Je m’étais fait tatoué ‘Ashleigh’ sur le torse, complètement ivre… Ouais, j’en étais là. Marquer ma peau. L’ancrer en moi. Essayer de la garder un peu. Comme pour nier son absence… Mais Alex, elle savait pas. Elle avait essayé de joindre Ash, elle avait vu les photos sur insta, je répondais pas, alors elle commençait à sérieusement s’inquiéter, menaçant même de débarquer. Alors j’avais pris sur moi. Dans un moment de sobriété, j’avais composé son numéro. Je pensais même pas au décalage horaire avec le Laos. J’avais pas réfléchi à l’heure qu’il pouvait être pour elle. Puis quand j’entendis sa voix dans le téléphone, je sentis un peu mieux. Juste sa voix. « Alex… » Et la mienne de voix, elle flanchait un peu. Elle tremblait. J’voulais pas l’appeler au début, parce que je ne voulais pas avoir à l’annoncer encore une fois. Mais la brunette avait le droit de savoir. Le droit de comprendre. « C’est Ashleigh… Elle… Elle a eu un accident… »

Ca faisait trop de bien d'entendre sa voix. Je m'étais fait du soucis pour Denys, vraiment beaucoup. J'allais enfin avoir des réponses mais avant cela, il fallait que je m'engueule. C'était plus fort que moi. Denys, ça va ? Je fronçais les sourcils. Sa voix tremblait, il avait l'air complètement ailleurs. Je me demandais ce qui avait pu se passer pour le mettre dans cet état. Est-ce que ça avait quelque chose à voir avec toutes les photos d'Ash qu'il postait sur instagram ? Est-ce qu'elle l'avait remballé en beauté ? Apparemment non, c'était un accident. Quoi ? Comment ça, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Elle va bien ? Réfléchis un peu Alexys ! Denys, il a l'air complètement dévasté, c'est que c'est grave. Je me fais vla les films dans la tête. Je me demande ce qui a pu lui arriver et dans quel état elle se trouve aujourd'hui. D'ailleurs, j'étais tellement pu renseignée que je venais tout juste de capter que Denys, il était pas à Laos et Ash, pareil. Je me mordais la lèvre, inquiète. Mon coeur battait un peu plus fort, j'étais dans l'attente d'une réponse. Rapide de préférence.

L’engueulade passa crème. Parce qu’à la minute où j’entendais sa voix, et même si cela me fit du bien, y’avait aussi l’annonce que je devais faire qui planer au dessus de ma tête et c’est sur ça que je me focalisais. Le choix de mes mots, ne pas laisser ma voix trop trembler. Elle demandait si ça allait et c’est directement un « Non. » sans appel qui sortit de ma bouche. J’expliquais qu’il s’agissait d’Ashleigh, qu’elle avait eu un accident. « Elle a eu un accident… Au karting… Et… » Ma gorge se noua quelques instants, me coupant dans mes mots. Je déglutis difficilement, me reconcentrais et repris : « Et ils ont rien pu faire pour elle… »

Evidemment, je stesse. J'ai la trouille parce qu'il prend un air grave. Parce que sa voix tremble comme jamais. Je veux qu'il m'en dise plus, j'ai besoin qu'il me dise plus pour comprendre et pour pouvoir l'aider. Je fronce les sourcils, je m'installe sur mon lit, prête à discuter pendant des heures avec lui s'il le faut. Je lui demande ce qu'il se passe avec Ash. Il me parle d'accident de kart et de rien pu faire pour elle. Je reste muette un instant. Mon cerveau il veut pas comprendre. Mon coeur, il rate un battement. Denys, il s'est passé quoi au karting ? Elle est où Ash ? Ouais nan parce que là, c'est du grand n'importe quoi. Il faut que je lui parle.

Ma voix tremblait, les mots avaient du mal à sortir et mes paroles entrecoupées étaient surement dures à suivre. Alexys avait néanmoins saisi la gravité de l’annonce à venir, son ton avait changé. Elle me demandait davantage de détails. J’inspirai, et je reprenais : « Son kart s’est planté… Je ne sais pas comment, j’étais pas là Alex mais… Mais ils l’ont conduit à l’hôpital en urgence. » Ce soir là, où j’avais foncé à l’hosto mais où assigné à résidence on m’avait conduit au poste pour ne pas avoir respecté les horaires de présence à domicile. Je n’avais même pas pu lui dire au revoir… Cette pensée me frappa, me noua la gorge. Mais il fallait qu’Alexys sache, alors il me fallait reprendre : « Ses blessures étaient trop graves… »

J'avais besoin de détails. Besoin de comprendre le sens de ses propos. Je ne comprenais pas vraiment où il voulait en venir. La situation semblait grave. Forcément, je prenais un air grave. Moi aussi je commençais à paniquer en entendant la petite voix tremblante de Denys. Je ne comprenais pas cette histoire de karting, de blessure, de gravité. Il m'en fallait davantage. J'hochais la tête lorsqu'il me raconta qu'Ashleigh avait été conduite en urgence à l'hôpital. En percutant qu'il n'était pas en face de moi, je lâchais un simple : Ok... A peine audible. Juste de quoi le pousser à poursuivre. Il dit que ses blessures étaient trop graves. Je reste sans voix. J'essaie de mettre des images sur ses mots. Un contexte. Une information. Trop grave. Alors Ash, elle était où ? Toujours à l'hôpital ? Plus de ce monde ? C'est seulement maintenant que je captais. Je ne la connaissais pas énormément Ashleigh. Moins que Denys. Je n'étais pas autant attachée à elle. Mais malgré tout, cette nouvelle me laissait sans voix. Ma gorge se noua. Les mots ne venaient pas contrairement aux larmes qui remplissaient mon visage petit à petit. D'abord Azael, Hendrix et maintenant Ashleigh. Putain mais, qu'est-ce que l'on a fait pour mériter tout cela au juste ? Pourquoi la vie est-elle aussi cruelle ?

« Je… » Son silence était parlant. Je savais qu’elle avait compris. Qu’à l’autre bout du fil, elle était ravagée par la nouvelle, comme j’avais pu l’être à un autre niveau quand j’avais moi même reçu l’appel de Sage, celui qui m’avait annoncé que tout était fini, qu’Ash n’était plus de ce monde. Ma voix hésitait. Je cherchais mes mots mais je parvins quand même à articuler : « Je suis désolé Alex… J’aurais voulu te l’annoncer autrement. » Face à face déjà. Mais elle au Laos, moi à Boston, et devant l’abondance de messages inquiets que j’avais reçu de la brune, j’avais estimé qu’elle devait l’apprendre, qu’elle devait savoir rapidement. « Je suis désolé… » répétai-je. Désolé. Effondré. Anéanti.

Je ne sais pas trop quoi lui dire à Denys. Je suis complètement à côté de la plaque.
J'arrive pas encore à y croire, à assimiler. Alors, je reste silencieuse, les larmes aux yeux. Ash, c'était pas ma meilleure amie et pourtant, cette nouvelle m'affectait vraiment. Denys, il essayait de parler à l'autre bout du fil mais moi, j'avais du mal. Je... C'est que... C'est que ça faisait beaucoup. Tellement trop. Azael. Hendrix. Ash. Denys qu était loin. Zakhar qui l'était encore plus. C'est moi qui suis désolée ! Je me reprends. j'essuie mes larmes et je tente de prendre sur moi. Tu veux que je rentre ? J'vais pas te laisser tout seul ! Je me lève déjà, prête à faire mes valises et partir dans la minute qui suit.