(ruben&lily) Art of nonsense.

Art of nonsense

« Je vois … » murmura-t-elle du bout des lèvres. Comme une deuxième peau. Cette expression-là capta son attention, la faisant réfléchir quelques instants, son intérêt comme suspendu au bout d’un fil. Cela pourrait être un titre pour une série d’esquisses, une thématique à emprunter à l’infini et qu’elle pourrait exprimer de différentes manières, avec des angles changeant à chaque fois. Elle ne disait rien, attentive, mais l’idée germait peu à peu dans les travers créatifs de son esprit. Il s’agissait là d’une rencontre singulière, d’une richesse dont elle ne se serait peut-être pas doutée de prime abord. Comme quoi, le hasard faisait parfois bien les choses.

« Tu veux être simplement toi, mais pour ce faire, tu utilises malgré tout des ensembles de motifs particulièrement complexes. Ce n’est pas un peu … Contradictoire ? » lui demanda-t-elle, mettant en exergue l’ambivalence de sa remarque avec un sourire en demi-lune, le timbre de sa voix frôlant pendant un instant la taquinerie. Elle ne se permettrait pas avec lui les familiarités que l’on réserve aux amis proches, ou aux connaissances intimes. Mais espiègle par nature, Lily mettait un point d’honneur à comprendre ceux qui l’entouraient. Les pousser dans leurs retranchements, cela faisait partie du jeu. On décidait de s’y prêter, ou non. Elle prenait ce qu’on voulait bien lui accorder sans en demander davantage. « Ça révèle peut-être que tu n’es pas si simple … Au fond. » ajouta-t-elle enfin, pour conclure le fond de sa pensée. Aucune personne « simple », avec des tourments illusoires et des envies quotidiennes frôlant la banalité ne s’adonnerait à l’art du tatouage avec une telle ferveur, jusqu’à disparaitre quasiment entièrement sous l’encre devenue maîtresse de l’empire épidermique.

« Ah pourquoi pas ça m’intéresse. Je suis assez fan des tee-shirts pour tout t’avouer. J’en ai une collection impressionnante dans mon placard. » Pour traîner, pour divaguer, partout elle les portait. Moins depuis qu’elle travaillait au musée des Beaux-Arts, et qu’elle gravitait dans des cercles où l’habillement était représentatif. Mais toute son adolescence elle avait collectionné les tee-shirts aux emblèmes de ses groupes préférés, ou simplement ceux aux motifs graphiques, qui avaient fini tâchés à jamais par ses expériences artistiques. Mais quoiqu’il en soit, un sourire au bord des lèvres, Lily s’activa pour se mettre à l’œuvre. Ils n’étaient pas particulièrement pressés par le temps, mais elle ne tenait pas à le retenir toute la nuit durant. Il avait un petit côté enjôleur, avec ses clins d’œil complices, qui sur le coup l’amusa un peu, alors qu’elle bougeait ici et là pour leur trouver de quoi s’installer. Cela fait, quelle ne fut pas sa surprise de constater qu’il était à l’aise. Presque autant qu’un initié, alors qu’il n’avait soit disant jamais posé. Entre ses cils Lily analysa la pose qu’il avait naturellement prise. Le jeu de lumière était parfait, soulignant les courbures des muscles sans assombrir davantage les motifs qui sillonnaient son corps.

« C’est parfait comme ça, tu peux le garder. » répondit-elle d’une voix distraite, taillant son crayon de bois dont la mine avait été durement malmenée. Son calepin sur les genoux, elle releva un regard amusé vers lui, une lueur espiègle vacillant dans son regard : « Si tu continues d’insister, je vais finir par croire que ça te fait vraiment envie, de poser nu. » osa-t-elle en haussant un sourcil, trouvant la situation quelque eu cocasse au fond. Mais pour éviter tout malentendu, et aussi parce qu’elle n’avait pas besoin de plus pour l’instant, elle n’insista pas. « Oh un nouveau venu ! Et quelle est ta première impression de la ville ? » L’interrogea-t-elle, son crayon crissant ici et là sur la rugosité du papier. « Est-ce que tu as pu faire … Des rencontres intéressantes ? » Elle pourrait peut-être lui faire visiter quelques quartiers, si l’occasion se présentait. Après tout elle déambulait dans le coin depuis plusieurs années, de quoi être à présent rôdée.







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