Friends in alcohol | ft. Louve

Un verre de vodka pomme à la main, ma rétine brûle dès lors que mes yeux se posent sur le truc en feu qui déambule parmi les gens. Un truc. Près de deux mètres à première vue, mes yeux lui arrivent à peu près au nombril – ok, j’abuse. Je me mets à pouffer de rire, la main tremblotant et déversant un peu de liquide ci et là sur le sol de la salle de bal, alors que je me rends enfin compte de la chose. La chose, Lancelot. Un bien piètre accoutrement. Je suis sûre qu’il va faire parler de lui, encore une fois, le grand gaillard. « C’est sûr que si tu m’as cherché les yeux en l’air, tu risquais pas de me trouver ! » Bah, c’est vrai ; s’il daignait baisser le regard, il m’aurait sans doute croisé. Ou s’il avait cherché la femme à la taille d’enfant, pareil. Sourire aux lèvres, je sirote une gorgée de mon alcool alors qu’il me dit qu’on a toujours pas dansé ensemble. « Sérieux ? Merde, j’étais persuadée qu’on avait partagé au moins douze danses ce soir ! Rah, si j’avais su… » Si j’avais su. Ca n’aurait rien changé. C’est pas comme si je savais pas qu’on avait pas partagé de danse encore ce soir. Tsheu. Si grand et si con. Un grand con. Un beau Lancelot. « Va falloir me porter si tu veux que je sois à la hauteur. » A la hauteur, dans tous les sens du terme. A sa hauteur, un visage pas à six mètres sous le sien. Histoire qu’il m’écrase pas les pattes au passage, parce qu’un peu comme si un six tonnes me passait sur les pieds, je suis certaine que j’y perdrais toute sensation.

Comme une gamine, je me fais voler mon verre de vodka pourtant fermement tenu dans ma main. Un peu comme une sucette. Je tape par réflex du pied, donnant un coup de talon aiguille sur les doigts de pieds du brésilien. Oops, my bad. Je porte ma main devant ma bouche pour étouffer mon rire alors que ce dernier s’empresse de me faire gagner trente centimètres de hauteur. Ah, bah, c’est sûr que là, son visage, je vais pouvoir le contempler plus près que jamais. Enfin, pas plus près qu’il y a quelques années, mais c’est déjà ça. « OH doucement, je suis pas une poupée en chiffon quand même ! » Manquerait plus qu’il me secoue comme un cocotier et là, y a la totale. J’ai vraiment l’impression d’être sa fille, là tout de suite. Et c’est assez désagréable, même si quelque part, c’est plutôt drôle. Et là, le pire arrive. Il décide de me faire tourner en rond comme une enfant de cinq ans ; sauf que, malgré mes efforts, le verre glisse subitement de mes mains pour s’éclater au sol un peu plus loin. Heureusement qu’il a pas frappé le crâne d’une seconde gnome, ce serait gênant. « LANCEEEE STOP » Je vais gerber. Et ce serait moche de lui vomir dans les yeux. Encore plus dans la bouche. Mais là, il a la superbe idée d’approcher encore plus près son visage. Je le fixe quelques secondes en tentant d’enrouler tant bien que mal mes jambes autour de sa taille – et sûrement pas au meilleur endroit – avant d’attraper l’arrière de son crâne dans mes mains pour lui voler le pire des baisers. Je suppose qu’il doit pas s’y attendre, à ce que je lui attrape les lèvres comme une pucelle, fermant mes yeux au passage pour rendre le moment plus romantique. Je les lui aspire à demi, lui offrant par la même occasion un beau filet de bave. Je finis par le laisser en paix, plus radieux que jamais, un peu de microbes de Louve sur les lèvres et un large sourire sur mon visage. « T’as aimé ? On peut recommencer si tu veux, je suis sûre que ça fait frétiller ton zozio. » On mettra ça sur le compte de l'alcool, ça va de soi.

Il aura suffit de visages trop près l’un de l’autre pour que les choses partent en vrille. En même temps, l’avoir si proche de moi, ça rendait la chose trop tentante ; à un doigt de distance, un baiser est si vite volé. Et pourquoi faire les choses bien si on peut les faire mal ? Un baiser des plus dégoûtant, baveux à souhait, digne d’une vieille femme. A croire que Lancelot m’inspire plus que je l’aurais cru. Je souris bêtement, fière de ma connerie, un peu emportée par le mélange d’alcool que j’ai ingurgité jusqu’à présent. Parce que Tequila, Champagne et Vodka ne font décidément pas bon ménage. Mais c’est sans compter sur le Quincy qui casse rapidement le romantisme – et quel romantisme – de la situation de par son haleine qui semble décidée à continuer de flotter sous mes narines. Je grimace ; un peu plus et je lui vidais mon estomac sur les épaules. Charmant. Evidemment, je peux pas m’empêcher d’éclater de rire tandis qu’il me confirme que son zozio est prêt à l’action ; y a pas à dire, les baisers de pucelle ont leur petit effet. Ou gros. « Toujours au taquet, on change pas les bonnes habitudes de ce que je vois ! » Oh oui, toujours au taquet. Preuve en est avec sa main qui glisse sur mon cul, avec un air faussement innocent sur sa tronche qui aurait valu à n’importe quel type une bonne claque sur la joue. Mais là, c’est bon enfant. C’est du Lancelouve quoi. Pour autant, je laisse pas l’occasion de faire cette tête faussement outrée ; une main devant la bouche grande ouverte, les yeux écarquillés, le souffle chaud et odorant qui embaume son visage. Et dès lors que j’ai le malheur de retirer ma main, le brésilien en profite pour me rendre la monnaie de ma pièce. Je tousse un gros coup, manquant de m’étouffer avec sa bave, un peu dégoûtée par cette haleine qui prend possession de ma gorge mais pas moins amusée par la situation. Je manque pas l’occasion pour lui foutre un coup avec ma main sur l’épaule avant de repousser son visage grâce à celle-ci. « Si tu continues, c’est pas que de la bave que t’auras dans la bouche. » Carrément pas, même. Des petits morceaux de grignotage de la soirée mélangés à la dizaine de verres que je me suis enfilée. Miam.

Mon pied s’écrase, mes orteils craquent, et je grimace. Je laisse échapper un léger cri de douleur de ma bouche alors que mes narines se gonflent de nerfs. Ce serait mal me connaître que de croire qu’il va si bien s’en sortir, le grand gaillard. Qu’importe qu’il fasse un mètre vingt ou deux mètres, ma vengeance sera terrible. Et en bonne Louve, la vengeance sera multiple. Un coup subi en vaut dix en retour. Il mourra ce soir. Ou demain. « Lance ? Tu sais à quel point je t’aime, hein ? » Oh, oui, que je l’aime ce grand con. Mais qu’importe : il subira la colère du représentant du diable. Autrement dit, moi. Un sourire se dessine au coin de mes lèvres, une lueur d’amusement dans les yeux, les sourcils relevés. Et, sans crier gare, ma main se lance à l’attaque de ses bijoux de famille. Je les attrape, fermement, et je resserre mon emprise dessus en guise de représailles. Oh, avec le temps, j’ai pu apprendre à quel point ce genre de petit coup peut faire mal ; et c’est bien le but recherché. Qu’il souffre. Ca me fera rire. Je finis par relâcher l’emprise après avoir suffisamment serré les jouets, et j’en profite pour filer en trottinant parmi la foule. Du moins, c’est ce que je tente de faire. Je tape des épaules à droite, puis à gauche, puis encore à droite. Impossible de courir droit, même si j’y crois dur comme fer ; l’alcool aura ma peau un jour, j’en suis certaine. C’est mal.

Je l’ai attaqué comme il le mérite, et je me suis barrée. Dans ma tête, j’ai couru comme un as ; mais la réalité est toute autre. Armée de toute ma lenteur, j’ai bousculé pas moins de treize personnes sur mon passage sans jamais m’excuser. On mettra ça sur le compte de l’alcool encore une fois, parce que c’est la meilleure excuse du monde. Surtout au cours de ce genre de soirée. Mais dans ma fuite, j’ai pas pu m’empêcher de rire. Et, alors que je me retourne pour voir ce que fout le grand gaillard, je manque de me pisser dessus tant j’entre dans un fou-rire incontrôlable. Pour une fois, il est à ma taille, et je rate ça ; dommage ! Mes mains se portent sur mon ventre où se forme rapidement une crampe, parce qu’à trop rire on travaille ses abdos, c’est bien connu. « CA VOUS APPRENDRA, A TOI ET TA MONOCOUILLE ! » Je braille au travers de la salle comme si on était seuls ; des regards se portent sur moi, des sourires se dessinent, d’autres marquent bien leur incompréhension. Et moi, je ris. C’est plus fort que moi, je peux pas m’en empêcher. Et j’ai envie de faire la conne, de le faire courir, de le voir tomber une énième fois cette nuit. Parce que c’est un as en chutes. « SI T’ARRIVES A M’ATTRAPER, T’AURAS UN CADEAU ! » Un cadeau, ça peut être tellement rien et tellement tout à la fois. Je me retourne dans la foulée pour me mettre à trottiner tel un poney qui tente un mauvais galop, et je file droit entre les dizaines et dizaines de tables que je contourne avec toute ma souplesse de danseuse. Dans ma course, je jette quelques fois un œil à l’arrière, pour voir si le géant vert réussit à me poursuivre, sans trop y voir réellement avec la foule amassée ci et là.