What's somebody like you, doing in a place like this? ◇ Abel

A l'idée d'un gang des vélos, tu ne pus t'empêcher de rire, ce rire d'enfant spontané, très franc et presque innocent. Avant d’essayer de reprendre un faux sérieux que tu avais bien du mal à garder. « Le gang des vélos, très impressionnant, ça en impose, tout le monde devait avoir peur sur votre passage.» Rien que d'imaginer la scène te faisait sourire. Tout semblait simple, fluide, naturel entre vous. Tu appréciais la compagnie de ce « nouvel ami ». Te sentant en confiance, tu étais prête à lui parler de beaucoup de choses. C'était exactement ce qui s'était produit dans le passé ! Cette sensation était intacte, malgré les années qui s'étaient écoulées. Ce genre de lien, ça ne court pas les rues, cela n'arrive pas tous les jours ! C'est tellement rare et unique ! Tu retombais sous le charme de cet non-inconnu. Comme tu avais pu tomber sous le charme par le passé. C'était comme reprendre là vous vous étiez arrêtés. Sans le savoir bien sûr. Tu fronças légèrement les sourcils lorsqu'il te demanda ce que tu lui aurais dit si tu l'avais là en face de toi. « Je te trouve bien trop curieux non ? » répliquas-tu à sa question, avec un petit sourire espiègle et curieux. Après tout, c'est vrai, qu'est-ce que tu lui aurais dit si comme par magie, tu l'avais en face de toi ?

« Et vous aviez encore les petites roues à cette époque ? » sous-entendu : c'était un gang d'enfants ! C'étaient peut-être des conneries mais, des conneries qui toi, te faisaient rire en tout cas. Toute cette histoire manquait cruellement de crédibilité, c'est vrai. Comme toute la situation enfait. Pourquoi se demander ce que tu lui aurais dit si tu étais amenée à le revoir un jour ? Alors que la situation se déroulait vraiment. A l'instant même où on te posait la question. Une drôle de mise en abyme, digne d'une pièce comique de théâtre, il y a toujours ce malentendu, ce quiproquo parfois involontaire, parfois volontaire. On avait tous les ingrédients réunis pour cela là ! Tu le fixas un instant quand tu vis qu'il ne semblait pas vouloir lâcher la question. Qu'est ce que cela pouvait bien lui faire ? Toi-aussi tu étais très curieuse et toi-aussi tu étais très têtue. En guise de réponse, tu détournas le regard, te posant réellement la question. Qu’est ce que tu lui aurais dit ? Qu'est ce que tu aurais eu envie de lui dire ? Tu te mis alors à réfléchir à haute voix, brisant les secondes de silence qui s'étaient installées .« Honnêtement, je ne sais pas, je pense que j'aurais beaucoup de questions à poser. Et puis de toutes façons, pourquoi réfléchir à cela alors que la probabilité de le revoir un jour est très faible ?! » On dit toujours que le risque zéro n'existe pas, qu'il y a toujours ce 1 %. Et bien, nous étions dans ce 1 % ! « Je ne sais pas, tu réagirais comment si tu revoyais un fantôme du passé ? Tu dirais quoi ? »

Tu n'avais jamais parlé de ta rencontre avec Abel à quiconque. Un peu comme une parenthèse que tu voulais garder pour toi, un souvenir que tu voulais préserver, garder intact dans ta mémoire. Rien que pour toi. Quelque chose qu'il ne fallait pas altérer. En peu de jours, la relation, la confiance que vous aviez nouée, avait quelque chose de particulier, d'unique. Sur le papier, tout vous opposait : vos modes de vie, vos passés, vos milieux, vos caractères …  Et pourtant, il y avait eu un certain équilibre, une alchimie qui s'était créé entre vous. Quelque chose d'assez rare. Alors, tu te surprenais à en parler avec un inconnu. Car peu à peu, c’est ce que tu faisais, tu dévoilais une partie de toi-même. Sans nécessairement savoir pourquoi ou le faire volontairement, tu te sentais en confiance. Tu pourrais passer des heures et des heures en sa compagnie alors que vous ne vous connaissez pas. Enfin cela, c'est ce que tu croyais. Même si tu n'étais plus vraiment certaine de ce qui était vrai, de ce qui était faux. La situation était assez déstabilisante. Et si finalement, tu ne te trompais pas ? Sans se douter entièrement qu'il ne s'agissait pas d'un scénario hypothétique, tu l’écoutais attentivement, en le dévisageant, te répondre ce qu'il aurait fait dans cette situation. Dans le doute, tu poursuivis le jeu et pris le parti de te livrer, comme un donnant-donnant. Tu n'avais rien à perdre à prendre part au jeu. « Je crois que je rajouterais, j'ai souvent pensé à toi, je suis désolée de ne pas avoir cherché à te retrouver mais je suis contente qu'on ait cette seconde chance.»