«  The days of future past. » ft. Alysse.

Loin de moi l'idée de pouvoir penser qu'Alysse savait se défendre. Et pourtant, j'aurais dû y songer, après tout, la mademoiselle avait été détective privée et devait donc avoir un minimum de sang-froid et de contrôle de ses mouvements de manière à infliger quelques dégâts si jamais elle se trouvait en fâcheuse position. Evidemment, pendant que je l'agrippais et tâchais de lui faire entendre raison, elle n'avait rien écouté. Bornée comme à son habitude dans des considérations qui n'avaient pas lieu d'être et qui surtout, différaient totalement de la réalité, elle parvint à me repousser en arrière, assez en tous cas pour que je ressente la douleur de son ongle dans mon œil, m'obligeant à reculer de plusieurs pas en arrière, borgne, mais...pas encore estropié pour autant. Cherchant encore à me faire basculer en arrière, notamment ma tête comme si mon cou allait finir par se briser en deux, je remerciais le ciel d'avoir une bonne tête de plus qu'Alysse, et tout autant, mon entraînement quasi-militaire. Même si elle savait se défendre, elle ne ferait pas le poids. Cependant, j'avais appris depuis longtemps à me méfier des apparences, et surtout que le poids ne faisait pas forcément la différence lorsque l'on savait où et quand frapper. Avec Alysse, j'avais manqué ma cible, l'ayant sous-estimé. Une fois, mais pas deux.

Au départ, je n'avais cherché qu'à l'immobiliser, par respect et dévotion à Lily et à son père. Maintenant que mon œil était devenu aussi rouge, presqu'aussi sanguinolent, l'enjeu et mes principes avaient changé. Les traits déformés par une colère muette, je reculais d'un pas, juste un, histoire qu'elle soit obligée de se pencher en avant, puisque ses mains qui ne pouvaient plus retenir ma tête ne pouvaient que la faire basculer en avant. Juste une seconde, le temps de lui infliger une gifle mémorable, presqu'un coup de poing sur la joue, afin qu'elle s'écroule par terre. Non, hors de question que je la laisse gagner cette manche. Une femme est plus fragile sur le plan physique certes, mais à la guerre, l'égalité des sexes n'est qu'une utopie de plus.

Lawrence ne commettait pas une erreur mais trois. D’une part, il utilisait un vocabulaire souvent trop complexe pour la compréhension d’Alysse qui se voyait obligé d’ignorer des pans entiers de son discours. D’autre part, il oubliait qui l’avait élevé : Juan Frank, le taré de la droite et de la gâchette. Aucun doute possible sur la façon dont la jeune femme avait été éduquée. Juan Frank n’élevait pas d’enfant mais un petit soldat.
La gifle envoya la brunette au sol qui roula pour éviter une trop vive douleur liée à la chute. A terre, elle enchaina avec un balayage entre les jambes de son adversaire pour remonter sur ses jambes et fuir. Lawrence ne rêvait pas non. La réaction, la posture, la rapidité et la souplesse dont faisait preuve Alysse laissaient deviner bien plus que quelques notions de combat ou de self défense. Si monsieur connaissait un peu les arts martiaux, il pourrait aisément deviner l’influence du wushu dans les mouvements d’Alysse. Les avants bras en défense, elle avait réussi à reprendre un peu de distance.

Oh croyez-le ou non, Alysse aimait le combat. Son âme avait été forgée pour la bagarre, la lutte et les coups. Elle brillait dans la noirceur d’un échange musclé. L’adrénaline qui coulait dans ses veines faisait vriller ses tempes. La violence du coup avait fendu ses lèvres et un gout de sang monopolisait sa bouche. Son oreille sifflait bruyamment et sa mâchoire lui faisait un mal de chien. Elle réalisait à quel point elle avait sous-estimé le danger. Un peu d’aide permettrait de sauver les meubles. Pas le choix. Ce n’était plus seulement sa vie qui était en jeu, plus uniquement son petit monde à elle. D’un geste rapide, elle ouvrit le balcon avant de renverser la table de terrasse en travers de la porte. Un coup d’œil en bas lui donna la nausée. Pas le temps de paniquer. Avec habilité, elle passa sur le balcon du voisin d’à côté puis galéra pour atterrir sur celui du dessous où la porte était toujours ouverte. L’atterrissage se fit dans la douleur. L’équilibre avait été troublé par le sifflement à l’oreille et elle avait probablement fâché un ou deux muscles au passage. Dans un grognement, Alysse se rua à l’intérieur. Ce n’était qu’une petite vieille qui vivait là et elle roupillait dans son fauteuil sans même s’apercevoir du passage d’Alysse.

[HRP: je t'envoie un MP]

Alysse à terre, je m'apprêtais à me jeter sur elle pour l'immobiliser – j'aurais dû emmener une corde tiens – afin de poursuivre cette délicieuse conversation – interrogatoire serait plus juste – sans risquer de perdre l'autre œil au passage, mais c'était compté les excellents réflexes et la rapidité de la demoiselle. A peine eus-je le temps de comprendre ce qu'elle manigançait, surpris par sa réaction instinctive et gêné par mon œil qui me faisait un mal de chien qu'elle avait déjà filé sur le balcon. « Alysse ! » grognais-je en contrebas en me penchant pour tenter de l'apercevoir. Bien que je désirais attraper le chat, je n'avais pas plus envie que cela qu'il lui arrive malheur par ma faute parce qu'il se serait cassé la patte ou pire en tentant de m'échapper. Hésitant une fraction de secondes, je finis par abandonner la chasse. Pour cette fois. Primo parce qu'on avait dû faire un boucan d'enfer et que les flics n'allaient sans doute pas tarder à rappliquer après l'appel des voisins. Secundo, parce que malgré mes réflexes, la perte d'un œil rendait mes mouvements plus maladroits. Tercio et fin, parce que ce n'était pas le moment d'agir de la sorte. Passe encore que nous aurions été dans une usine désaffectée ou que sais-je encore, un endroit où nul ne risquait de me voir escalader les murs, dans un quartier comme celui-là, tout se sait beaucoup trop vite, et bien loin de moi l'envie et l'idée de me retrouver en première page des journaux demain matin. Tant pis, tu peux t'enfuir petite souris, je t'attendrais au prochain carrefour, tu peux être certaine. Négligeant donc son appartement pour cette fois, après avoir fouillé ici et là à la recherche de toutes informations pouvant me rapprocher d'Izzy, ou plus généralement, faire tomber Alysse d'une manière ou d'une autre, je m'en allais, non sans un dernier regard en arrière, agacé et frustré.