EDWIN SUTTON ► Tyler Posey

Je me souviendrais toujours de son sourire. Celui qu'elle m'adressait quand notre mère nous engueulait. Comme si rien ne pouvait l'arrêter, comme si personne ne la comprenait vraiment. Mystérieuse, intrépide, indomptable, elle était comme ça. Ginevra. Ce nom résonne dans mon esprit comme une période lointaine. Et pourtant mon cœur continue de faire un bond à chaque fois que je revois son visage puis un étau le serre de plus en plus fort jusqu'à ce que j'ai l'impression de ne plus pouvoir respirer. Ma petite soeur était morte et je n'avais que dix ans. Treize années à me repasser ce souvenir, comme un vieux film dont on ne se lasse pas.

« J'ai hâte de voir la tête de maman quand elle comprendra qu'on a mis du piment sur ses chips préférées ! » Cette pensée me fit rire, on l'aime maman mais l'énerver est tellement amusant que c'est devenu notre quotidien. Mais Ginny ne fait que sourire. Encore ce sourire énigmatique. Elle croit être trop complexe pour que quelqu'un puisse un jour la cerner. Tu te trompes Gin', moi je te connais. Je sais que tu pleures le soir dans ton lit parce que t'es pas heureuse, je sais que t'as l'impression de pas appartenir à ce monde. Mais je continuerais à te soutenir, à être à tes côtés parce que t'es ma moitié, sans toi je ne suis plus vraiment moi même. « Et si on jouait un peu sur la chance pour une fois ? On ferme tous les deux les yeux, je traverse la route en première et si je réussis tu me payes ce que je veux jusqu'à la fin de la semaine. » Un ordre. Comme toujours avec toi. Et comme un con je te dis oui, parce que je ne peux rien te refuser. Je n'essaye pas de t'en empêcher, je ne comprends même pas ce que tu as derrière la tête. Je ferme juste les yeux jusqu'à ce que j'entende une voiture freiner, un impact et, au moment où je les rouvre, c'est l'horreur. Tu es là, par terre, à quelques mètres, du sang t'entoure. Et je cours, plus vite que je ne l'aurais cru, je bouscule les personnes sur mon passage. « GINNY ! GINNY ». Je crie, espérant que tu m'entendes, que ça te donne la force de te battre pour rester parmi nous. Et, penché au dessus de toi, je vois pour la dernière fois ton sourire. « Merci » tu murmures alors et ce sourire ne te quitte que quelques minutes plus tard, quand tu t'éteins pour toujours.  Digne de toi, ça. Partir en laissant tout un mystère autour de toi. Ce jour-là, maman ne m'a pas engueulé pour les chips, en fait elle ne m'a plus jamais engueulé. Je crois qu'il y a une part d'elle qui s'est éteinte aussi, une part que je n'ai plus jamais revu.

Aujourd'hui, j'entre à Harvard en pensant que t'aurais adoré te moquer de moi. Mais ne t'en fais pas, je suis toujours le sale gosse que maman engueulait. Celui qui ne fait que blaguer, qui ne prend rien au sérieux. Maman, elle, s'est mariée à un homme riche. « Il était temps, depuis le temps que papa est mort » t'aurais dit. T'as beau ne plus être là, j'ai toujours l'impression que tu veilles sur moi. C'est peut-être pour ça que j'arrive encore à sourire, à rire. Parce que je sais que tu m'aimais, tout comme moi je continue à t'aimer. Et je remercie aujourd'hui mes bonnes notes et l'argent de cet homme. Tu sais, il est cool comme beau-père. Un peu sévère mais bon, j'ai jamais aimé l'ordre. Mais maintenant c'est la liberté, les fêtes à l'infini. Une nouvelle vie commence et t'as beau ne pas en faire partie je te jure que je ferais des conneries pour deux.