Comme une envie de se défouler

Le plus important pour Lisbeth était que Maverick ne lui tienne pas rigueur de la force de ses coups. Elle s’était carrément laissé emporter par l’ambiance de ce combat et n’avait pas hésité à faire mal à l’homme qu’elle aimait. Et puis ce coup de pied bien placé… Elle n’osait même plus y penser. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était s’excuser, maintenant que le mal était fait. La jeune femme tenta bien de se justifier mais elle n’y mit pas une grande conviction. Elle était habituée à défendre sa vie et les fois où elle avait poussé les portes d’une salle de sport, c’était pour parfaire sa technique de combat. Et comme elle s’entraînait avec des gros durs, elle ne devait surtout pas lésiner sur les coups. Mais Maverick était loin d’avoir la carrure et l’entraînement de ces types. Honteuse, la tête entre les mains, elle fut tout de même rassurée quand elle sentit sa main se poser sur son épaule. Sans compter ses paroles qui achevèrent d’effacer une partie de sa culpabilité. Relevant la tête, elle posa un regard encore tout désolé sur l’homme qu’elle aimait. Il allait bien, c’était ce qui comptait le plus pour elle.

« Merci… Pour moi également : je sens que je ne suis pas prête d’arrêter à me battre. »

A peine ces paroles étaient-elles sorties de sa bouche que Lisbeth les regretta. Il suffisait que Maverick tique et qu’il la bombarde de questions. Mais bon, il pouvait très bien penser qu’elle disait ça parce qu’on ne sait jamais ce que la vie nous réserve. Toutefois, une grande question restait en suspend : qui avait voulu la voir six pieds sous terre ? Qui avait ordonné à ce tueur de l’ombre de la liquider ce fameux soir ? Et surtout, qui avait essayé de les retrouver le soir où elle avait donné rendez-vous à son agresseur sans savoir que c’était lui qui avait tenté de l’assassiner ? La situation avait été bien loquace ! Et la tête du tueur quand il avait compris que Wasp était en réalité son contrat 3422 ! D’ailleurs, elle s’était retrouvée avec une arme braquée sur elle. Encore une fois. Ça devenait une fâcheuse habitude ! A présent qu’elle était embarquée dans une histoire rocambolesque, elle devait encore plus faire attention. Et elle comptait ne pas s’arrêter à la simple technique de combat au corps à corps. Elle devait apprendre à se servir d’une arme, comme celles qui avaient tendance à la menacer ces derniers temps. Le flingue, elle l’avait chez elle, mais plus pour se rassurer qu’autre chose. Maintenant, elle devait apprendre à s’en servir correctement. Elle allait devoir se trouver un entraîneur en tout discrétion.

Perdue dans ses pensées, Lisbeth resta un long moment assise sur le sol de la salle de sport. La main de Maverick avait quitté sa jambe et il n’était plus près d’elle. Elle releva la tête, un peu surprise, et elle le vit qui l’attendait près de la porte. Alors elle se leva et alla chercher ses gants et sa bouteille d’eau abandonnés un peu plus loin. Elle rejoignit rapidement le jeune homme et lui vola un baiser au passage.

« On se retrouve à la sortie ? »

Il fallait également qu’elle prenne une douche car son corps était couvert de sueur. Après un dernier sourire à l’adresse de Maverick, elle s’engouffra dans le vestiaire des femmes. Elle sortit ses affaires de son casier et se dirigea dans une cabine de douche. Elle se déshabilla et se doucha rapidement avant de se sécher. Elle enfila une nouvelle tenue décontractée et son fameux grand pull avec le « Harvard » pompeux inscrit au niveau de sa poitrine. Les cheveux encore humides et en bataille, elle quitta les vestiaires et prit la direction de la sortie. Elle poussa la porte du complexe sportif et l’air frais du soir la revigora. Un long frisson la parcourut et elle rabattit sa capuche sur sa tête avant de s’adosser au mur de bâtiment. La jeune femme attendit que Maverick sorte à son tour et il ne tarda pas à arriver. Elle abandonna alors le mur de briques froides et s'approcha de lui.

« Tu veux faire quoi? Je commence à avoir un peu faim... »

EXORDIUM.

Tout au fond d’elle, en arrière-pensée, quelque chose la tracassait. Tellement d’évènements s’étaient produits en si peu de temps ! Sa rencontre avec Maverick, ses sentiments pratiquement instantanés ressentis à son égard, son agression, sa blessure à l’épaule, son hospitalisation puis sa rencontre avec son agresseur. Une rencontre inédite, certes, mais qui allait se reproduire à coup sûr. Finalement, le tueur de l’ombre s’était rendu à l’évidence : Wasp lui était plus utile vivante que morte. Et puis, que serait devenu le WAB sans elle ? Une question qui resterait sans réponse pour un long moment. Lisbeth n’avait pas l’intention de mourir ces prochains temps. En tout cas, elle l’espérait. Toutefois, la jeune femme n’eut pas le temps de s’éterniser dans ses pensées : Maverick l’avait rejoint. Elle lui sourit et réfléchit à peine quelques secondes à sa proposition. Aller au restaurant, rien que les deux ? Elle avait pour habitude de commander par téléphone ou de passer prendre à manger à l’emporter. Elle baissa le regard, avisant sa tenue pas très adaptée pour aller au restaurant. Elle serra sa main dans la sienne et se mit à marcher à ses côtés.

« C’est une bonne idée, mais… Je crois qu’il faut que je me change. Ça te gêne si on passe vite fait chez moi ? On peut y aller à pieds. »

Apparemment, Maverick avait dû remarquer que quelque chose la chiffonnait car il s’était arrêté sous un lampadaire et il l’observait froidement. Puis un passant arriva à leur hauteur et leur jeta un regard en biais. Lisbeth ne se gêna pas pour lui rendre son regard tout en se crispant imperceptiblement. Son rythme cardiaque s’accéléra légèrement : et si c’était un type qui la cherchait ? Ou une taupe ? Mais non, arrête de paranoïer, Lisbeth. L’homme les dépassa sans s’arrêter et porta son attention ailleurs que sur eux. La jeune suédoise se détendit et son regard scrutateur, inquisiteur, calculateur et glacial se posa sur Maverick. Lui aussi semblait avoir remarqué cet homme étrange.

« On y va. »

Elle reprit sa main dans la sienne et se mit en route, direction son appartement. Elle se souvint alors que Maverick n’y avait jamais mis les pieds. Elle tourna la tête pour le regarder.

« Mon appartement est plus loin que le tien : ça ne te gêne pas de marcher ? »

EXORDIUM.

Lisbeth avait l’habitude de se déplacer à moto ou à pieds, selon son humeur. Là, elle préférait marcher un peu, surtout qu’elle s’était rendue en bus au complexe sportif, trop pressée de se défouler. Elle était certaine que ça ne gênerait pas Maverick de marcher car après tout, c’était un sportif professionnel. Elle habitait plus loin que lui, près de l’océan qui lui avait tant manqué quand elle avait occupé l’appartement de l’homme qu’elle aimait après son hospitalisation. La soirée était fraîche mais pas trop et le ciel dégagé. Les deux amoureux croisèrent quelques passants qui ne leur prêtèrent aucune attention. Un calme serein et un silence apaisé les entouraient et Lisbeth se sentait bien. Elle avait momentanément oublié les épisodes fâcheux de ces derniers temps et profitait de l’instant présent. Elle guidait Maverick de manière automatique, ne réfléchissant même plus au chemin qu’elle empruntait. Bientôt, une question lui parvint et elle tourna la tête pour capter son regard non sans avoir jeté un coup d’œil à la rue qui les entourait.

« Oui, on arrive dans cinq minutes à peine. »

La jeune femme le guida jusqu’au pied de son immeuble chic. Elle sortit une clé de sa poche et ouvrit la porte vitrée. Une lumière vive la fit cligner des yeux quand ils pénétrèrent dans le hall d’entrée. Elle guida l’homme qu’elle aimait dans la cage d’escaliers et lui fit gravir quatre étages. Là, elle s’arrêta devant la porte de son appartement et sortit une deuxième clé de sa poche. Elle déverrouilla et pénétra chez elle. Elle attendit que Maverick entre pour refermer derrière lui. C’est alors qu’un « bip, bip, bip » sonore se fit entendre. Un petit boîtier situé à côté de la porte d’entrée émettait une lumière clignotante rouge. Il s’agissait de l’alarme de sécurité qui se déclenchait quand quiconque pénétrait dans son appartement. Lisbeth tapa le code de sécurité à six chiffres et un long bip retentit avant que le son ne cesse. Le clignotant était vert cette fois. L’alarme était désactivée. Mais elle ne s’en formalisa pas et alla dans son salon.

« Voilà, bienvenu chez moi. »

Pour une fois, son appartement était impeccablement rangé. Le salon était spacieux, tout comme la cuisine ouverte avec son ilot central. Une immense baie vitrée offrait un paysage de rêve : la vue sur l’océan Atlantique. Lisbeth posa son sac de sport dans un coin avant de venir vers Maverick. Elle l’embrassa tendrement avant de désigner le sofa.

« Fais comme chez toi et si tu as soif, sers-toi. »

Elle lui adressa un dernier sourire avant de se diriger vers sa chambre à coucher. Là, elle commença à fouiller dans son armoire à la recherche de vêtements pas trop… Noirs. Difficile ! Elle allait devoir faire une petite entorse à son règlement personnel : regarder dans la garde-robe d’Irene Nesser et de Veronika Kula. Là, elle trouva un chemisier blanc. Ça lui fera déjà un grand changement ! Elle dénicha un jeans gris foncé (pas noir, hein !) qu’elle enfila après s’être déshabillée. Elle mit également un soutien-gorge couleur chair avant d’enfiler son chemisier qu’elle ne boutonna pas jusqu’au cou, histoire de ne pas faire trop coincé. Pour ses cheveux, c’était une autre histoire. Elle leur donna un rapide coup de brosse et préféra leur laisser cet effet mouillé sans y ajouter d’autres artifices. Elle se maquilla rapidement : Eye Liner noir et fard à paupières de la même couleur mais pas trop chargé cette fois. Elle était maquillée comme d’habitude et pourtant, on aurait dit une tout autre personne. Pour terminer sa tenue, elle dénicha une petite veste noir (mais pas en cuir cette fois) qu’elle enfila. Par contre, elle n’abandonna pas son sac en bandoulière. Une fois prête, elle se jaugea dans le miroir et fut satisfaite du résultat. Elle passa une main dans ses cheveux histoire de les ébouriffer un peu plus avant de quitter sa chambre.

« Je suis prête… »

EXORDIUM.

Oui, Lisbeth était capable de faire preuve de féminité. Sauf que cela ne lui disait rien de s’habiller en belle petite minette tous les jours. De plus, elle n’avait eu aucun prétexte à le faire. Jusqu’à ce soir, du moins. Par contre, elle avait dû fouiller dans la garde-robe de ses deux identités qu’elle utilisait seulement pour son travail. Personne ne savait qui était Irene Nesser ou Veronika Kula, personne ne savait que Lisbeth Larsson avait plusieurs personnalités. Pour ce soir, cela allait lui servir. Un simple chemisier blanc pouvait la transformer en une autre personne. Elle se demandait ce que Maverick allait dire. Comment allait-il la trouver ? C’était bien la première fois que de telles questions existentielles lui traversaient l’esprit. Après un dernier regard dans le miroir, elle quitta sa chambre et rejoignit Maverick dans le salon. Il avait remis son sac sur son dos et semblait prêt à y aller. La jeune femme lui adressa un léger sourire gêné. Ses joues avaient rosi sous le compliment que lui adressait l’homme qu’elle aimait, celui dont l’avis comptait le plus.

« Merci… Oui, allons-y. »

Ils quittèrent son appartement et elle n’oublia pas de réactiver son alarme de sécurité. Avec le boulot qu’elle faisait, elle était bien obligée de couvrir ses arrières et de prendre toutes les précautions nécessaires. A nouveau, le couple descendit les quatre étages à pieds avant de se retrouver dehors. La lumière du jour déclinait lentement. Ils marchèrent un moment en silence. Lisbeth sentait les coups d’œil que lui jetait le jeune homme, ce qui la fit encore plus rougir. Elle était un peu gênée de toute l’attention qu’il lui portait mais, d’un certain côté, ça lui faisait plaisir.

« Tu voudrais manger quoi ? C’est à toi de choisir, cette fois. »

Elle serra sa main dans la sienne et attendit sa réponse. Elle avait ralenti le pas avant de lever la tête au ciel. Les étoiles commençaient à illuminer le ciel découvert. Une petite brise nocturne se leva, chargée de sel et d’iode. La jeune suédoise ferma les yeux un instant et inspira à fond pour remplir ses poumons de cet air pur qui lui rappelait tant la Suède.

« C’est une belle soirée… Je suis contente de la passer avec toi.  »

EXORDIUM.

Quelque chose lui soufflait que Maverick voulait lui faire découvrir la cuisine slovaque. Après tout, elle lui avait fait découvrir certains plats de Suède la dernière fois. Et elle ne s’était pas trompée. Son sourire s’agrandit : elle avait vraiment hâte d’arriver au restaurant et de découvrir un peu de l’univers de l’homme qu’elle aimait. Son regard était toujours levé vers le ciel, la faible lueur des étoiles se reflétant dans ses magnifiques yeux ambrés. Oui, elle passait un excellent moment, comme à chaque fois qu’elle était avec Maverick. Les amoureux poursuivirent leur chemin dans un silence une nouvelle fois apaisé tout en se tenant la main. Finalement, après quelques minutes de marche, ils arrivèrent au restaurant. Il n’était pas si loin de chez elle et pourtant, la jeune femme n’avait jamais fait attention qu’un restaurant slovaque se situait à cet endroit. Une bonne surprise. Ils finirent par entrer et une hôtesse d’accueil s’approcha d’eux. Maverick lui demanda une table pour deux et la demoiselle les conduisit à une table en retrait, près de la baie vitrée. Apparemment, cette place convenait parfaitement à l’homme qu’elle aimait. Lisbeth prit le menu qu’on lui tendait et demanda également un verre de vin. Puis son regard parcourut les pages. La grande majorité des plats lui étaient inconnus et elle arqua un sourcil, apparemment, très concentrée sur le choix qu’elle allait faire. Elle demanda plusieurs fois l’avis du Slovaque assis en face d’elle et finalement, son choix fut fait. Elle avait jeté son dévolu sur un plat typique après avoir longuement hésité. Leur serveuse revint bientôt vers eux et le couple passa commande. A nouveau seuls, Lisbeth prit une gorgée de son vin et soupira d’aise.

« Si la cuisine slovaque est aussi bonne que leur vin, je sens qu’on va revenir souvent ici. »

La jeune femme sourit et reposa son verre. Elle tendit sa main par-dessus la table pour que Maverick vienne la lui prendre. Lisbeth était vraiment heureuse et ça se voyait. Elle avait laissé derrière elle la Lisbeth torturée, solitaire, froide et distante. Une toute nouvelle personne se trouvait face à Maverick. Et cette femme irradiait de bonheur. Même son style vestimentaire avait changé. Peut-être pour un soir, certes, mais c’était quand même un grand pas en avant.

« Parle-moi de tes entraînements : tout se passe bien ? Vous pensez gagner le prochain match ? »

Ils n’avaient presque jamais abordé ce sujet et pourtant, elle semblait en savoir beaucoup sur son emploi du temps. Mystérieuse, comme toujours. Elle lui adressa un regard amusé avant de reprendre un peu de ce bon vin.

EXORDIUM.