Comme une envie de se défouler

« Votre épaule est rétablie. Vous pouvez reprendre vos activités comme avant. »

Point final. Son épaule était enfin guérie. Lisbeth descendit la manche de son T-shirt et fit des mouvements de rotation avec son épaule pour s’assurer que tout était en place et qu’elle n’avait plus de douleur. Elle grimaça légèrement quand elle exagéra le mouvement et son physiothérapeute la regarda avec désapprobation. Il ne fallait pas forcer comme une malade, non plus. La jeune femme hocha la tête et se calma un peu. Elle enfila son blouson de cuir et prit son sac en bandoulière du portemanteau. Elle remercia son physio avant de quitter son cabinet. Elle n’avait pas voulu montrer sa joie devant le spécialiste mais elle exultait. Ce matin même, elle n’avait pas arrêté de répéter à Maverick qu’elle espérait que ce soit sa dernière séance. Elle avait dû le saouler avec ça ! Le pauvre… Ses craintes avaient été balayées par les dernières paroles de son physio. Maintenant, elle dévalait les marches et elle se rua pratiquement dehors, à l’air libre. La première chose qu’elle fit, c’est de prendre le bus pour rentrer chez elle. Il fallait qu’elle se change car elle avait envie de faire quelque chose de particulier.

Arrivée chez elle, Lisbeth balança ses affaires en vrac et se déshabilla pratiquement dans le hall d’entrée. A moitié nue, elle déboula dans sa chambre à coucher. Elle dénicha des vêtements de sport qu’elle enfila à la hâte. Elle mit un sweat noir par-dessus ses vêtements avant de prendre son sac de sport qu’elle remplit de vêtements de rechange, d’une serviette et de ses affaires de douche. Elle allait transpirer, elle le sentait. Une fois prête, elle quitta son appartement, non sans avoir enclenché son alarme et pris son téléphone portable. Puisqu’elle habitait assez loin du campus universitaire, elle prit une nouvelle fois le bus pour se rendre au complexe sportif. Une fois à l’intérieur des vestiaires, elle se débarrassa de son sweat trop chaud et se retrouva en brassière noire. Elle portait également un training noir lui arrivant aux chevilles. La jeune femme enfila ses baskets de sport et extirpa ses gants de boxe de son sac avant de prendre son téléphone portable pour écrire un texto à Maverick : « Je suis au complexe sportif, dans la salle de boxe. J’ai plusieurs choses à te dire… » Mystérieuse, comme toujours. Un petit sourire amusé apparut sur son visage toujours un peu pâle. Finalement, elle rangea son téléphone et enferma ses affaires à clé dans un casier. Elle quitta enfin les vestiaires pratiquement vides et prit la direction de la salle de boxe.

La grande salle était vide : tant mieux. Lisbeth avait grand besoin de se défouler, son moteur étant sa blessure à l’épaule ou plutôt les circonstances dans lesquelles elle s’était fait tirer dessus. Elle enfila ses gants et prit la direction du premier sac de sable situé un peu plus loin. Elle testa la résistance de l’objet avant d’y envoyer un coup de son poing droit. Autant y aller molo. Aucune douleur. Bon, tant mieux ! Alors elle se mit à frapper le sac de sable avec plus d’ardeur et de force. Elle n’était pas bien grande et était toute frêle mais sa force physique était colossale. Elle roua de coups le pauvre sac, avec ses deux poings, pendant de longues minutes avant de se reculer, en sueur. Bon sang, comme ça faisait du bien ! Une mince couche de transpiration faisait luire les parties exposées de son corps, comme ses tatouages. Lisbeth alla chercher sa bouteille d’eau qu’elle avait posé non loin du sac de sable et but une grande rasade. Elle la rebouchonnait quand elle sentit une main se poser sur son épaule, ce qui la fit sursauter…

EXORDIUM.

Lisbeth avait retiré ses gants de boxe pour se désaltérer. Elle s’était carrément défoulée sur ce pauvre sac de sable. Qui aurait pensé qu’une femme de son gabarit ait autant de force ? Essoufflée et en sueur, elle avalait sa dernière gorgée d’eau en remettant le bouchant sur sa bouteille quand une main se posa sur son épaule. Elle sursauta et se retourna pour découvrir Maverick. Elle sourit et reposa la bouteille au sol avant de l’embrasser.

« J’ai terminé mes séances de physio, ce qui veut dire que je peux reprendre mes activités comme avant. »

Elle était vraiment contente et son sourire ne la quittait pas. Toutes ses craintes de la matinée s’étaient volatilisées comma par magie. Bon, elle ne pouvait pas forcer comme une malade mais elle n’en avait pas besoin non plus. Mais elle n’avait pas que cette nouvelle à annoncer au jeune homme. Avant son rendez-vous chez le physio, elle avait été convoquée par son directeur de doctorat. Elle avait passé sous silence cet entretien car elle s’était demandée pourquoi son professeur voulait la voir. Quelque chose clochait avec son travail rendu quelques jours auparavant ? Était-elle à côté de la plaque ? Franchement, ça l’avait étonnée… Non qu’elle se vantât mais elle était certaine de ne pas être hors sujet. Et elle avait eu raison d’avoir confiance en elle : il lui avait annoncé que son travail était plus qu’excellant et que sa soutenance n’était qu’une formalité. Elle allait obtenir la meilleure note et serait carrément major de sa promotion. De plus, des chasseurs de têtes se trouveraient dans la salle le jour de la soutenance publique de son travail. Lisbeth en était restée comme deux ronds de flancs : elle, la meilleure étudiante de sa promotion ? Elle qui n’avait passé qu’une année à Harvard ? Son professeur était certain que les chasseurs de têtes allaient se battre pour qu’elle intègre telle ou telle institution. La jeune femme restait quand même sur la réserve concernant son avenir professionnel : Clay attendait sa réponse. D’un autre côté, pouvait-elle refuser l’offre de la police de Boston, à savoir travailler pour eux pour détecter toutes leurs failles informatiques et d’autres choses top secrètes ? Peut-être pourrait-elle négocier… Mais elle verra les propositions le moment venir. Si quelqu’un d’autre que cette satanée police voulait bien d’elle…

« Et sinon, j’ai vu un de mes profs ce matin, celui qui suit mon travail de doctorat. Il m’a dit que j’allais obtenir la meilleure note de ma promotion… Et que des types allaient sûrement se battre pour m’engager. »

Elle était encore sous le choc de cette nouvelle : elle, la fille qui en avait bavé, qui avait été bafouillée, qu’on avait traité moins bien qu’un animal, allait être major de sa promotion. Et à Harvard, s’il vous plaît ! Maintenant, elle pouvait emmerder tous ceux qui l’avaient prise pour une folle ou pire, une psychotique et sociopathe. Lisbeth finit par hausser les épaules : elle ne savait pas trop comment réagir. Elle était très heureuse, certes, mais elle avait peur aussi. Elle fixait Maverick d’un regard un peu perdu avant de s’approcher avec lui du sac de sable. Elle avait repris ses gants. La jeune suédoise l’observa se défouler à son tour et elle sourit quand il évita le sac. Bien joué ! Elle s’approcha un peu plus près quand il lui proposa de venir vers lui.

« Je vois que tu t’y connais assez bien en boxe… Mais si tu veux vraiment me montrer ce que tu as dans le ventre, lâche ce sac. »

Une chose que Maverick ignorait encore : Lisbeth boxait depuis des années. Depuis presque dix ans en fait. Une fois sortie de l’hôpital psychiatrique, elle avait cherché une activité qui l’aiderait à se canaliser. La boxe s’était ainsi naturellement imposée à elle. Elle s’était présentée dans cette salle de sport de la périphérie de Stockholm un beau soir et avait tout de suite accroché avec ce sport mais également avec son entraîneur qui ne l’avait jamais ménagée. Pire encore, elle lui demandait à chaque fois de ne pas l’épargner, de l’envoyer mordre la poussière s’il le fallait. Elle s’était vite avérée être une combattante acharnée mais loyale et les mecs les plus costauds évitaient de se frotter à elle ou de trop la provoquer. Savoir se battre l’avait souvent tirée de situations fâcheuses.

Lisbeth se recula alors, s’éloignant de Maverick et du sac de sable. Un léger sourire amusé et provocateur planait sur ses lèvres. Elle enfila alors ses gants. Elle fit signe au jeune homme de venir.

« Allez, montre-moi ce que tu as dans le ventre. Et mon épaule va bien, je me suis bien défoulée avant, alors va-y ! »

Elle préférait le rassurer pour ne pas qu’il l’épargne. Oui, c’est une femme. Oui, elle est sa petite amie. Mais peu importe ! Elle se mit en position : s’il ne l’attaquait pas, elle le ferait de toute façon. Maverick ne savait pas qu’il allait se battre avec une experte et que c’était sûrement elle qui allait lui apprendre certains trucs.

« Allez, viens ! J’attends… »

Et elle attendit patiemment pour parer son premier coup.

EXORDIUM.

Voir Maverick aussi heureux pour elle fit plaisir à Lisbeth. C’était bien la première fois qu’elle partageait sa joie avec quiconque et qu’elle soit communicative la rassurait. Pour le moment, elle ne savait pas trop ce qu’elle voulait, la menace « Clay et les flics » planant au-dessus de sa tête. Elle préféra chasser ces pensées et se concentrer sur l’instant présent. Elle venait de provoquer Maverick et il était prêt à en découdre. La jeune femme observa son regard, sa posture, ses mains, ses jambes. Oublié, le beau gosse qui se tenait devant elle ! Elle l’avait décortiqué pour mieux analyser ses mouvements. Elle était en position et elle attendait patiemment qu’il attaque le premier. Ouh le vicieux ! Il visa son épaule gauche et son ventre. Lisbeth avait vu venir le coup car elle aurait fait la même chose : attaquer son point faible. Alors là, mon p’tit gars, tu vas le regretter ! Mais patience. Elle aperçut la nervosité dans son regard : avait-il eu peur de lui avoir fait mal ? Lisbeth s’était pratiquement jetée à terre pour parer ses coups mais son épaule et son ventre allaient parfaitement bien. Accroupie au sol, elle ne laissa pas le temps à son adversaire de s’inquiéter plus longtemps : elle faucha ses jambes d’un coup bien précis avant de rouler au sol pour se relever. Elle sentait qu’il n’allait pas aimer.

Lisbeth n’était plus celle de tous les jours, ou plutôt celle qui était avec Maverick. Là, elle montrait la guerrière qui était en elle. Elle se rappelait parfaitement le soir où elle avait mis au tapis l’homme qui avait tenté de le tuer. Un homme qu’elle avait rencontré quelques semaines plus tard. Un tueur qui avait pointé son arme sur elle mais qui n’avait pas tiré en se rendant compte qu’elle était la créatrice du WAB. « Merde ! ». Cette petite pensée la déconcentra un court instant et elle eut juste le temps de voir Maverick fondre sur elle avant de se retrouver au sol. Ça, elle l’avait bien mérité ! Ça lui apprendrait à penser à autre chose dans un moment pareil !

EXORDIUM.

Ces quelques microsecondes d’inattention lui avaient coûté cher. Elle eut juste le temps de voir Maverick foncer sur elle avant de heurter violemment le sol de la salle de sport. Sa respiration fut coupée durant quelques secondes, ses poumons s’étant vidés de leur air. Et pour lui couper un peu plus le souffle, la jeune femme reçut un coup dans le ventre. Elle grimaça mais aucun son ne sortit de sa bouche : elle n’allait pas encore lui faire le plaisir de lui montrer sa douleur ! Sa clavicule prit cher également et Lisbeth contracta alors tous ses muscles pour moins ressentir les coups. Maverick au-dessus d’elle, elle n’affichait plus ce petit air de provocation. Son regard lançait des éclairs, ses sourcils étaient froncés. Inutile qu’elle parle pour deviner qu’il allait le payer très cher. Lisbeth s’était tirée de situations plus périlleuses que celle-ci. Et, ne l’oublions pas, ils n’étaient pas ennemis. Enfin, peut-être que si… Mais pour un court instant. Elle fusillait Maverick du regard quand elle le vit partir dans la lune. Elle aussi se souvenait de toutes les fois où elle avait dû se battre et cette fois, elle se mit en situation, comme si elle était face à quelqu’un qui lui voulait vraiment du mal. Comme ce type qui avait voulu l’abattre.

Désolée, Maverick, mais tu vas avoir mal ! Le seul moyen pour la jeune femme frêle de ne plus être sous lui, c’était le coup de pied bien placé. A moins d’être un robot, il devait avoir très mal. Surtout qu’elle avait très bien visé. Lisbeth profita de l’instant de surprise (et sûrement de douleur) pour rouler sur le côté et se remettre sur ses jambes. Ni d’une ni de deux, elle retira ses gants qui l’énervaient plus qu’autre chose. Elle ne laissa pas le temps à Maverick de se remettre de son coup bas (et c’est le cas de le dire) qu’elle se ruait à son tour sur lui. Elle lui envoya un coup de poing sur son épaule et un coup de pied dans le ventre pour le déséquilibrer une nouvelle fois avant de poser son genou sur sa poitrine, tout près de sa gorge, pour le clouer au sol. Elle appuyait juste assez pour lui couper le souffle et lui faire un peu mal (mais pas trop) mais pas assez pour commencer à l’étrangler. S’il avait été un potentiel ennemi, elle ne se serait pas gênée de lui faire voir les étoiles. De ses mains libres, elle maintenait les poignets du jeune homme plaqués au sol. Sa poigne était de fer : qu’il essaie seulement de se libérer. A chaque fois que Maverick se débattait pour se libérer, Lisbeth appuyait un peu plus son genou sous sa gorge.

Elle le garda un moment dans cette position plus qu’inconfortable mais finalement, elle relâcha d’abord sa pauvre gorge avant de libérer ses poignets et de se relever rapidement au cas où il répliquerait. Et ouais, mon gars, je suis maigrelette mais je peux t’en faire voir trente-six chandelles ! En position pour se défendre, son regard était totalement transformé (et celui de Maverick aussi, remarqua-t-elle) : voilà où leur passé les a menés. Ils se battaient comme si leur vie en dépendait. Lisbeth recula alors de quelques pas tout en fixant son adversaire.

EXORDIUM.

Lisbeth avait demandé à ce qu’il ne la ménage pas. Elle était partie du principe qu’elle en ferait de même. Après tout, s’il se permettait de lui envoyer un coup de poing dans sa pauvre épaule à peine remise d’une balle elle pouvait bien lui envoyer un coup de pied bien placé. A chacun son point faible ! Il faut l’avouer, elle n’y était pas allée de main morte : Elle n’avait eu aucune pitié à venger les coups que Maverick lui avait donné en lui envoyant son pied contre son ventre et son épaule pour l’envoyer valser au sol. Mais la jeune femme ne s’en était pas arrêtée là : elle l’avait maintenu au sol à la force de son genou et de ses mains. Quand il eut compris que se débattre ne servait à rien du tout, elle avait relâché son étreinte sur ses poignets et s’était relevée d’un bond. Elle était certaine que Maverick allait répliquer et elle se recula, prête à accuser les coups. Apparemment, elle y était allée un peu fort.

Concentrée comme si de ce combat dépendait sa vie, Lisbeth n’avait pas retenu ses coups et avait vraiment fait mal à l’homme qu’elle aimait. Elle n’avait même pas remarqué à quel point elle l’avait blessé. Son cri de douleur lui était bien parvenu aux oreilles mais elle n’y avait pas prêté attention. Maintenant, elle observait son visage exprimant la douleur, toujours une expression glaciale animant son visage pâle. Petit à petit, elle émergea de sa bulle et son expression changea du tout au tout. Elle relâcha la tension musculaire qu’elle avait accumulée et écarquilla les yeux. Merde, mais qu’est-ce qu’elle lui a fait ? Elle relâcha complètement sa garde et s’empressa de s’approcher de lui, l’inquiétude brillant dans son regard.

« Je suis désolée, ça va ? Je ne voulais pas te faire mal mais… »

Mais elle s’était réfugiée dans sa bulle et n’avait pas fait attention aux coups qu’elle portait. Il lui avait fait mal alors elle avait répliqué plus fort. A présent, la culpabilité se lisait sur son visage. Elle s’accroupit doucement en face de lui et approcha sa main de son visage avant de lui caresser la joue. Un contraste saisissant par rapport à la violence dont elle avait fait preuve quelques minutes plus tôt.

« J’ai l’habitude de me battre pour sauver ma vie… La dernière fois, c’était il y a quelques semaines… Je n’aurais pas dû t’envoyer ce coup de pied, c’était déloyal… »

Elle parlait du coup de pied bien placé, vous voyez ? Un petit soupir échappa à la jeune suédoise et elle s’assit au sol, en face de Maverick. Elle se prit la tête entre les mains et ferma les yeux. Il fallait qu’elle apprenne à faire la part des choses : Maverick n’était pas son ennemi, même quand ils se battaient pour le plaisir, comme avant. Lisbeth s’était laissée guider par les émotions, chose qu’elle ne faisait jamais. Il fallait qu’elle se calme.

« Tu me pardonnes ? »

Elle avait relevé la tête et posé sa main sur la jambe du jeune homme qu’elle aimait.

« Et euh… Merci pour le compliment… Toi aussi tu es bon, on voit que ce n’est pas ton premier combat. »

EXORDIUM.