Invité
est en ligne
Invité
Truth or dare
Aspen & Jupiter
Aspen & Jupiter
Mes paupières s'évanouissent à l'instant même où ses doigts viennent pétrir ma barbe juvénile. Une éclipse de bonheur, de sa grandeur masque cette sphère aux pigments de désillusion, aux nuances de contrefaçon. Perdu dans les marécages de mes pensées heureuses, je me laisse mordre par ces sentiments qui comme des crocodiles se veulent hostiles. Une seule morsure, une de trop, celle qui assomme, qui laisse régner la confusion, qui noie dans un océan de passion. J'y crois, d'abord une seconde, puis deux, puis je cesse. Il m'offre plus qu'il ne le doit, il m'offre même ce qu'il n'a pas. Il m'offre cette confiance qu'il s'efforce à travailler, il m'offre ces relations qu'il n'a peut-être jamais aimé, il m'offre ses sens tout en attendant silencieux qu'à mon tour, je lui offre les miens. Quand bien même la porte s'ouvre et laisse un épais rayon de lumière venir chauffer ma peau, je reste immobile et je regarde au sol, en me demandant sans arrêt si je peux y passer un pied ou non. Malgré tout ses efforts, je ne la passe pas. Elle reste ouverte et je lui fais face, méfiant. Aspen me semble trop appréciable pour être sincère, pour être vrai. J'en viens à croire qu'il ne s'agit là que de cette parade des premiers jours. Dans un mois, peut-être moins, il deviendra comme les autres et j'en souffrirai si je viens à croire à la véracité de ces moments partagés. Ses lèvres s'engouffrent sur les miennes avant de s'en séparer, de créer en un instant un manque, celui de sa chaleur. « Je vais chercher à boire tout de suite. Est-ce que quelque chose d'autre te ferait plaisir ? Un truc à manger par exemple ? » Il s'évade jusqu'à la cuisine, disparaît de mon champ de vision. J'en profite pour me recoiffer rapidement d'un coup de main bien placé, cherchant à me parfaire plus que nécessaire. Paradoxe du choix, il s'éternise sur la liste des breuvages qu'il peut m'offrir et ne sachant quoi répondre, je me pince les lèvres dans un silence de plomb. Ce même silence n'est pas sombre comme la nuit, il est lumineux, il est celui en fond lorsque l'on s'embrasse, lorsque l'on s'enlace, il n'a rien d'un silence froid et tragique, il est un silence communicatif, il est un silence que j'apprécie, encore plus lorsque c'est avec lui. Un silence qui exprime plus que tous les mots bien qu'il soit quelque peu maladroit. Il revient, un plateau à bout de bras qu'il dépose sur la table basse un peu plus loin. Le mot mojito m'inspire et je m'empare des verres sans l'en avertir pour en préparer deux. « Tu veux que j'efface ce que ça a filmé ? J'aimerai le garder pour le moment, mais je ne le ferai pas sans ton accord. Jamais ça ne sortira d'ici, c'est juste ... pour moi. » Il désigne l'objet sans insister. La bouche entre-ouverte, je le dévisage un instant, ne comprends pas vraiment son objectif, ni même ce qu'il désire réellement. Pourquoi vouloir conserver une vidéo, cette vidéo, notre vidéo. Pourquoi vouloir conserver ces moments qui n'ont pourtant pour beauté que le fait d'être éphémères. « Pourquoi tu veux la garder ? » Un regard inquisiteur armé, je le mitraille en attente d'explications. Est-ce le moment où je vais découvrir qu'il n'est rien de plus qu'un psychopathe et que depuis le début je fais fausse route à son sujet ? Je n'espère pas. Le bout de mes ongles vient mordre l'épiderme de ma paume, une sensation désagréable me prend au ventre, l'anxiété. Plus je réfléchis, plus je m'inquiète. Je ne vois que peu de raisons de vouloir garder cette scène, penser au passé en imaginant que le futur est tout autre ou simplement pour se masturber. « Je préfère que tu la supprime. Je ne sais pas, je ne vois pas l'intérêt de la conserver. Rien ne sert de regarder des images quand on peut les vivre. » Les pupilles aimantées au plafond, je n'ai qu'une envie, oublier sa question et boire. « Aller, à la tienne. » Je ne prends pas même le temps de l'attendre et j'absorbe en quelques gorgées le liquide pour faire abstraction des dernières secondes écoulées. Je lui en veux d'avoir gâché cette image un peu trop parfaite. Je lui en veux et inconsciemment, je le montre « T'es le genre de mec dont il ne vaut mieux pas regarder les vidéos je suppose, au risque de tomber sur des images gênantes. » Les mots sortent sans même mon approbation et je prie intérieurement pour me tromper à son sujet.
(Invité)