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Tu regardais le bout de tes ongles rongés par le désarroi. Attendant que la sentence s’abatte telle une lame froide sur la nuque d’un condamné. Qu’avait-elle en tête ? Qu’attendait-elle de toi pour qu’elle t’accorde la garde de ta petite ? Les secondes s’égrenaient lentement jusqu’à ce qu’elle crache ce qui se cachait dans les méandres de son coeur. Quand ses lèvres délicates s’entrouvrirent et entamèrent une danse rythmée par les syllabes prononcées, le temps semblait s’arrêter. Evie avait fait énormément de chemin depuis votre séparation, c’était indéniable. Tu percevais une fragilité dans sa voix mais au moins, il ne s’agissait pas de cri à gorge déployé. Tu l’écoutais passivement, acquiesçant à ses propos jusque là légitime. Evie était concernée par le bien être de sa fille, c’était l’essentiel. Mais tu sentais que ces exigences n’étaient pas complètes.
Tes trapèzes s’étaient raidis, se préparant au pire. C’est à cet instant que le vin accompagna tes craintes. Tandis que tu terminais avidement ton verre pour mieux faire passer la future pilule, Evie se leva hâtivement et entama une marche désordonnée, de quoi te faire tourner la tête.
Pourtant, tu l’ignorais. Tu ne voulais pas entrer dans cette spirale d’angoisse qu’émettait la rousse. Tu respirais profondément pendant que ses pieds flirtaient avec le parquet ciré. La seconde condition tomba et tu ne t’en serais jamais douté car toi même tu n’y avais encore absolument pas songé. Il était hors de question qu’une femme entre dans ta vie, s’installe à tes côtés et encore moins qu’elle joue à la maman avec Arlo.
Tu aurais aimé qu’il se cache de la jalousie sous cette exigence mais peut être n’était-ce que de la peur, la peur de se faire dérober son propre enfant. Ce qui était tout à fait concevable pour une mère. Après s’être ainsi livrée, la tornade rousse avait de nouveau atterri sur le canapé. Quant à toi, tu t’étais muré dans le silence. Tu ne savais plus ce qui était bien à dire, à faire. Evie semblait lancée sur une piste de confessions qui n’en finissait pas. Ton pied tapait un rythme effréné pour lutter contre l’envie de la stopper afin de lui répondre qu’elle n’avait pas à s’en faire de ce côté là.
Lorsque tu t’apprêtais justement à la rassurer, la jeune femme s’engagea sur la route ayant mené à votre rupture. À l’écouter, tu comprenais bien que cette histoire n’arrêtait pas de rebondir dans sa tête, comme un traumatisme que l’on revit jour après jour sans pouvoir s’en débarrasser.
Son récit était bouleversant, émouvant. Tu serrais les dents pour ne pas succomber à ce déchaînement d’émotions qui grimpait en toi. Mais quatre mots suffirent à rompre l’équilibre précaire qui te maintenait dans un profond mutisme. Je t’aimais Edgar.
Ta mâchoire se décrocha, laissant l’air comprimé dans tes poumons s’échappait au loin. Tu ravalas ta fierté italienne, glissant sur le canapé pour se rapprocher de ton âme soeur en sanglots. Tu attrapas sans réfléchir sa main crispée sur son coeur.
— « Evie. J’ai compris. J’ai fait le con, j’en paie les conséquences à présent. Je ne veux pas te remplacer avec une autre une fois que tu as le dos tourné. Arlo n’aura qu’une maman. »
Ton pouce caressait lentement le dos de sa main. Cette dernière finit d’ailleurs par s’échouer sur ses genoux. Tu brisas ensuite ce contact éphémère pour ne pas déclencher en elle une gêne supplémentaire. Soudain, une idée farfelue traversa ton esprit lunaire. Tu étais à fleur de peau, en quête de son pardon, de ses gestes de tendresse. Tu quittas le canapé, croulant sur le sol, à ses pieds. Tu encerclas ses mollets d’un bras et déposas ta tête sur ses cuisses jointes.
— « Je vais être franc, je ne suis pas guéri de toi. Je ne le serais sûrement jamais, si tu es aussi dans mon cas, et que tu penses que tout n’est pas foutu, je pensais peut être que l’on pourrait voir quelqu’un, un thérapeute tu sais… » évoquas-tu songeur, profitant de cette proximité provoquée.
— « Enfin quand tu seras prête... Pour le moment, j’aimerais tout de même avoir la garde alternée d’Arlo, en respectant tes conditions. » bouclas-tu en bouchant l'hémorragie d'affection qui se dégageait de plus en plus.
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