Sympathy for the devil (Loukas)

   Je venais de rentrer de cours et à peine avais-je le temps de passer la porte de chez moi, que les obligations familiales que je pouvais avoir vinrent me frapper de plein fouet. Je commençais à saturer, avec cette famille et cet héritage qu’on tentait continuellement de me subtiliser. Entre les fausses affirmations concernant mon état mental et mon incapacité à gérer cet héritage et la pression permanente me poussant à être constamment sur mes gardes, je n’allais pas mettre longtemps avant de tout envoyer valser. Mon employée vint m’apporter le téléphone, me confiant alors que mon oncle n’allait pas tarder à passer. Je la regardai, interloquée, me demandant si elle pensait sérieusement que j’allais attendre là et supporter de me faire sermonner … une énième fois. « Je sors … », lui dis-je avec un léger sourire aux lèvres et qu’elle se débrouille pour fournir une explication à mon oncle, ce n’était plus mon problème à partir de maintenant. Je me levai, attrapai mon sac et claquai la porte. J’avais besoin d’un verre, peut être deux … ou trois, mais surtout j’avais besoin de compagnie. Mon idée se dirigea naturellement vers Loukas, pas que sa compagnie soit particulièrement recommandable mais j’avais besoin de son cynisme, ses sarcasmes et puis je préférais le savoir passant une soirée avec moi, plutôt qu’avec une autre fille … étant donné que monsieur avait un gout prononcé pour les aventure, les demoiselles fades et sans intérêts. Non pas que j’avais quelque chose contre elles, j’étais juste de bien meilleure compagnie. Je pianotai rapidement sur mon téléphone « Monsieur Jefferson est occupé ? Ou il peut me rejoindre devant un verre, sur Harbor area ? ». Montant dans le premier taxi, je me dirigeai vers le dit endroit avant de m’installer au bar et de commander un verre de vin, attendant patiemment que mon compagnon de soirée arrive.
   

  Assise bar, j’attendais patiemment que Loukas se joigne à moi, il s’était vanté dans son précédent message d’arriver avant que les glaçons du whisky que je lui avais commandé ne fondent. Sourire amusé à son message, je pris le risque de parier avec le barman, qui avait pour habitude de me voir fréquenter le bar,  que son arrivée allait en réalité prendre bien plus de temps que ça. La somme de vingt dollars étant en jeu, je prêtais attention à son whisky glace et ce fut avec une surprise à peine dissimulée que je vis Loukas passer la porte. Comment avait il fait ça ? Je lui souris alors qu’il s’approchait de moi. Le laissant s’installer je ne pus qu’acquiescer alors qu’il prenait le glaçon entre ses doigts « Je vois ça … » lui dis je avec un léger sourire aux lèvres. Jetant un léger coup d’œil au barman je marmonnai un « ok … j’avoue  ma défaite » avant de lui glisser un billet de vingt.  Ceci fait, mon regard se tourna vers Loukas, je pris le glaçon qu’il tenait entre ses doigts avant de le glisser entre mes lèvres et le croquer. Mes lèvres glacées vinrent s’écraser sur joue « bonsoir  toi » j’éprouvais toujours un certain contentement que je ne pouvais m’avouer quand je me trouvais en sa présence. « Est-ce que je dois me dire que l’empressement dont tu as fait preuve pour arriver jusqu’ici est un signe de ton envie de passer du temps avec moi ? » j’étais un peu taquine avec lui et puis Loukas avait ce petit quelque chose que d’autres n’avaient pas, ce piquant, ce gout du risque et de l’interdit. Je me voyais un peu en lui et cela m’excitait et suscitait ma curiosité, comme la première fois qu’une enfant voyait le feu … elle s’en approchait, tournait autour, jusqu’à ce qu’elle prenne le risque de le toucher et de se bruler. J’en avais peut être envie, de me bruler. Un large sourire se dessina sur mon visage et après avoir bu une gorgée de vin je lui dis doucement, sous le ton de la confidence « J’avais parié avec ce monsieur … » montrant le barman d’un geste vague « que tu n’allais pas arriver à temps, tu m’as fait perdre mon paris et vingt dollars » non pas que j’étais attaché à vingt pauvre malheureux dollars mais j’avais envie de l’embêté un peu « j’ai horreur de perdre, j’espère que cela valait le coup » que tu valais le coup que je perde, Loukas. Je lui dis tout ça sous un ton calme, un peu amusé, légèrement taquin.
 

 Du bout de mes lèvres sur sa joue, je le saluais comme à mon habitude et en sentant sa main venir effleurer ma taille je pus presque sentir un frisson parcourir ma peau.  Taquine, j’osai lui demander si son empressement trahissait son envie de passer du temps avec moi et pour toute réponse de sa part, je n’eus droit qu’à un « on peut dire ça comme ça » insuffisant. J’étais de celle qui aimait avoir une emprise sur l’autre, j’aimais jouer autant que j’aimais gagner alors sa réponse laconique n’était pas vraiment satisfaisante. Comme s’il avait pu s’en rendre compte, ses yeux croisèrent les miens et j’avais presque honte de m’avouer que son regard était unique. Personne ne me regardait comme il me regardait et j’aimais ça,autant que je détestais l’idée qu'il puisse regarder quelqu'un d'autre comme ça, parce qu'avec lui j'étais excessivement possessive. Je lui avouai mon pari avec le barman, pari que j’avais perdu et ce fut en riant qu’il ponctua ma confession. Je levai mon verre de vin vers lui afin de trinquer en sa compagnie avec un léger sourire sur le coin de mes lèvres. Je bus une gorgée de vin, puis deux avant de rire légèrement à sa remarque « tu m’as l’air bien sûr de toi » et mon dieu que j’aimais ça, cette assurance insolente qui se dégageait de lui. Le ton amusé je continuai alors « que pourrais-je perdre de plus que vingt malheureux dollars ? » mon sourire s’élargit alors que je le défiais du regard « as-tu seulement quelque chose d’intéressant à m’offrir ? » le ton calme, les yeux pétillants d’un certain amusement. Je me faisais piquante et provocatrice mais il connaissait ce visage chez moi, autant que je connaissais ses sarcasmes et son cynisme. Je bus une autre gorgée de vin en scrutant la salle et les personnes qui y étaient présentes « et puis j’ai horreur de perdre alors la prochaine fois je n’aimerai pas me tromper … » mes yeux ne se détachant pas des siens je penchai le verre sur mes lèvres pour gouter à nouveau le vin qui s’y trouvait avant de lui dire de façon presque fourbe « je veux être sur de gagner, de parier sur la bonne personne … ou contre la bonne personne. Alors dis-moi, qu’ai-je à perdre en ne pariant pas sur toi ? Qu’est-ce que monsieur Jefferson peut bien m’offrir que je n’ai pas ? ». Je suis Gabrielle Lloyd Ferguson, ce que je veux je l’obtiens et ce que je ne peux pas avoir je le détruis. Cependant Loukas … j’ignorais si je le voulais ou si je finirai par le détruire.
 

Loukas, Loukas … il avait ce petit truc qui me faisait frémir, cette apparence de vilain garçon, cette arrogance à peine dissimulée. Il avait le don de réveiller chez moi des envies inavouables. J’avais ce désir de me l’approprier, de vouloir qu’il soit à moi et l’idée de devoir le partager en une quelconque manière suffisait à me mettre hors de moi. Malsaine, il n’était pas faux que d’affirmer que notre relation l’était mais je n’ai jamais été douée pour entretenir des relations saines, ou pour entretenir des relations tout court. Ses doigts effleurèrent le chemisier en soie que je portais et la finesse du tissu me laissait presque luxe de pouvoir apprécier son contact. Allusion suggestive de sa part, s’il savait à quel point j’avais envie qu’il déboutonne mon chemisier, là, maintenant mais j’étais beaucoup trop orgueilleuse pour le lui avouer et beaucoup trop joueuse pour le laisser gagner si facilement. Je souris en coin alors qu’avec cette assurance qui lui était propre, il me laissait entendre qu’avec lui à côté de moi, je pouvais tout avoir. Je n’en doutais pas, à nous deux nous réussirions certainement à faire de Boston notre terrain de jeux, à régner sur cette ville en bon roi et reine du vice. Cependant nous étions trop semblables et cette tension séductrice qu’il y avait entre nous allait certainement finir par nous laisser tous les deux en miettes. Peu importait, je n’allais pas m’en aller, jouer à ce jeu était trop tentant, il, était trop tentant. Je me penchai vers lui délicatement avec cette élégance qui me caractérisait et je collai ma joue à la sienne, laissant son parfum m’enivrer. Mes lèvres effleurèrent son oreille et je lui murmurai doucement joueuse « Je pourrais tout avoir selon toi … » et en l’occurrence il était ce que je voulais et je le voulais immédiatement mais l’idée de le torturer un peu était on ne peut plus séduisante. Je me redressai  en croisant élégamment les jambes plongeant mes yeux dans les siens « … et si je te disais que ce que je voulais … c’est le jeune homme au bout du bar que tu regardais tout à l’heure ? Penses-tu être capable de me le procurer ? ». Sourire mesquin et moqueur aux lèvres. Soyons honnête, ce type que je l’avais vu fixer tout à l’heure m’inspirait autant d’intérêt qu’un vulgaire moucherons mais je comptais bien m’en servir pour faire sortir ce cher Loukas de ses gonds.  

Mes lèvres à son oreille ne se voulaient pas apaisantes, je n’aimais pas l’apaisement, je n’aimais pas la sérénité, le monde était déjà assez creux pour qu’en plus je laisse le calme et la paix m’ennuyer. Et puis pour être totalement honnête, je rêvais de voir mes mots l’atteindre, de voir ses mâchoires se crisper, son regard se troubler d’une colère froide et deviner les mots assassins qui pouvaient traverser son esprit. J’étais tordue … pour aimer savourer sa colère à ce point, j’étais tordue parce que je voulais allumer un brasier tout en voulant être  la seule à pouvoir l’éteindre. Je voulais qu’il explose, là, sous mes yeux, pour pouvoir ensuite l’apaiser d’une caresse jusqu’à la prochaine gifle. Cependant ce beau diable n’était pas si facile à provoquer, tant mieux … plus dure est la tâche, plus intense sera le plaisir. Je bus une gorgée de vin, tout en ne le quittant pas des yeux essayant de camoufler l’agacement que provoquait l’image de lui passant la soirée avec une autre. Pour sûr, j’étranglerai une de ces filles à main nue.  Je déposai mon verre à moitié vide sur le bar avant qu’un sourire en coin insolent ne vienne étirer mes lèvres « Je n’ai pas de concurrence Loukas … ces filles n’existent même pas pour moi » il devrait le savoir pourtant, que ce que je voulais, je l’obtenais. « Et puis je n’ai pas besoin de déboutonner ce chemiser pour attirer son attention » je souris plus largement avant de me pencher à son oreille et de lui murmurer « tu sais à quel point j’ai horreur des cadeaux déjà déballés » allusion plus que suggestive pour le coup. Je me redressai pour le regarder, observer sa réaction, peut être jouer avec ses sens. « Comment tu me trouves ? » question rhétorique … j’étais parfaite « mes cheveux ça va ? Je ne voudrais pas arriver près de lui toute décoiffée », horriblement taquine, lui faisant jouer le rôle de la bonne copine, assistant à une scène de drague. Qu’on ne se méprenne pas, j’étais impeccable de mes cheveux parfaitement coiffé à mes escarpins hors de prix, mais bon dieu que j’aimais le provoquer.