Tu iras bien, j'te l'jure. ✻ HOLLERY

On s’était dit qu’on ne se lâcherait pas. Jamais. Qu’on serait encore présent dans dix, vingt. Trente ans, qui sait. Et mes promesses, j’les tiens. Alors attends toi à me voir débarquer chez toi, peu importe l’endroit où t’habites, dans quelques années. Ce n’est pas des adieux que j’m’apprête à te faire. J’te souhaite pas de vivre une belle vie. Cette vie, j’ferais en sorte de la suivre en temps réel. J’y mettrais mon grain de sel. J’bousculerai ton quotidien lorsque ta routine deviendra trop imposante. J’te ferai kiffer la vie, encore et toujours. Malgré la distance. Une distance que j’m’apprête à nous imposer. Je ne parle pas de celle qu’on a tenu jusqu’à présent. T’sais celle qu’on se sentait obligé de mettre depuis que nos cœurs ont été secoué par nos vieux sentiments. Non. J’parle de plusieurs kilomètres. Plusieurs heures en voiture. « Tu sais que je dois faire un stage pour les cours. Ce n’est pas nouveau. » Y en a déjà eu d’autres, elle le sait. Il s’est assez plaint de ces anciens maitres de stage. Il prend la bière posée sur la table du bar et la ramène à ses lèvres. « Bah cette année il ne se fait pas à Boston. Mais à New-York. » Forcément, le gars ne peut pas contenir son sourire. La joie.  

@S. Holly Connor

C'est un peu compliqué pour moi en ce moment. Disons que je vis assez mal le départ de Lincoln, plus que ce que j'aurais imaginé. Normal.. j'étais amoureuse de lui. Et pour donner une chance à notre couple, je m'éloigne d'Avery, je nous donne toutes les chances d'être heureux tout ça pour qu'il s'en aille sans laisser aucune chance à notre couple. Comme si nous n'étions rien. Comme si nous ne valions pas la peine de se battre pour nous. C'est un peu une histoire qui se répète. Lincoln se bat pas pour nous comme Avery ne s'est pas battu pour nous. L'histoire se répète et je le vis mal. Très mal. Même si on a dit qu'on se lâcherait pas, que c'était une distance qu'on mettait pour notre bien à tous les deux, ça n'est pas pareil qu'avant entre Avery et moi. Et je suis étonnée d'avoir des nouvelles d'Avery qui veut m'annoncer une bonne nouvelle. C'est comme ça qu'on se retrouve à ce bar, des verres à la main. « Tu sais que je dois faire un stage pour les cours. Ce n’est pas nouveau. » J'hoche la tête en trempant mes lèvres dans le verre face à moi, attendant la suite « Bah cette année il ne se fait pas à Boston. Mais à New-York. » J'avale, je pose mon verre face à moi et je relève les yeux vers Avery. Il a ce sourire qui me fait sourire aussi, même si je ne suis pas sûre de comprendre ce que ça implique. « Oh mais c'est génial Avery ! Bravo ! »  New-York est une ville superbe et le journal où il a eu son stage est forcément plus important que s'il avait fait son stage ici. C'est bon pour sa carrière ça. « Et tu partirais combien de temps ? »  Pas trop longtemps, j'espère.

Rien n'est simple avec Hollery depuis bien longtemps. Il y a eu la rupture, la phase difficile. La tristesse, les larmes bien cachés, la colère, l'impulsivité, mais aussi le refus d'ouvrir les yeux. Puis la période où il a dû digérer l'arrivée de Lincoln dans la vie de son ex. Et enfin, ces derniers mois, où la tension était à son apogée. Où il ne savait pas quel chemin prendre. Tout ça, à cause des conneries masculines. Alors les deux meilleurs amis se sont séparés à l’intersection. Lui s'en est allé avec Victoria, et Holly a pris la main de Lincoln. C'était stable. Ca l'est toujours pour Silver. Pour Connor, un peu moins. Sa rupture avec le winthrop n'a pas été abordé, mais les faits sont là. Il est parti, à abandonner la belle à ses chagrins. Enfoiré. Mais le sujet d'aujourd'hui n'est pas celui-là, du moins pas tout de suite. Le plus important c'est son stage. Une opportunité dont il a encore du mal à s'habituer. « Oh mais c'est génial Avery ! Bravo ! » Il obligé de trinquer. Les sourires sont partagés. Il est comme un gamin se préparant pour Disneyland.  « Et tu partirais combien de temps ? »  Il prend un gorgée, regarde autour de lui par réflexe. « Jusqu'à la fin du semestre. Et je pars la semaine prochaine. Tout est déjà organisé. L'endroit où j'vais loger, les locaux du stage. C'est quasiment à côté. Suffit juste d'y aller et c'est parti. »

Je ne vais pas mentir : j'ai la tête un peu sous l'eau depuis que Lincoln est parti et quand Avery m'a proposé qu'on se voit, j'étais dubitative. Bien sûr que le départ de Lincoln me fait énormément de mal. Bien sûr que j'le déteste de m'avoir quitté de cette manière, de ne pas s'être battu pour moi et pour nous. Mais.. j'ai aussi un peu la tête sous l'eau à cause de cette situation bizarre dans laquelle on se trouve Avery et moi. C'est mon meilleur ami, la personne avec laquelle j'ai le plus de complicité dans ce monde. J'pense que personne ne me connaît mieux que lui et.. il me manque. Notre complicité, nos sorties, nos conneries.. alors la combo Lincoln + Avery, ça fait beaucoup de mal. Et si je pensais que le revoir ce soir me ferait un peu plus mal, au final, ça me fait du bien. Même si la nouvelle qu'il m'annonce est assez innatendue. Si c'est une bonne opportunité pour sa carrière et que j'suis heureuse pour lui, une voix égoïste dans ma tête ne peut pas s'empêcher de me répéter que c'est pas bon pour nous, cette distance physique que va imposer ce stage à New-York. « Jusqu'à la fin du semestre. Et je pars la semaine prochaine. Tout est déjà organisé. L'endroit où j'vais loger, les locaux du stage. C'est quasiment à côté. Suffit juste d'y aller et c'est parti. » Je regarde Avery et j'essaie de sourire, mais je dois avouer que je commence à me sentir mal. Je baisse les yeux, j'me sens gênée d'être aussi égoïste. « Oh c'est.. rapide » Très rapide, tellement que je me demande s'il me prévient pas à la dernière minute. J'hoche la tête, je lui lance un nouveau sourire crispé et je me raclais la gorge, « Tu vas dans quel journal ? Me dis pas que c'est un truc hyper connu comme le New-York Times ou un truc du genre ? » J'essaie de m'intéresser, de pas être cette meilleure amie indigne qui a juste pas envie qu'il parte.

« Oh c'est.. rapide » Si j't'avoue que la nouvelle est tombée il y a plusieurs jours, tu m'en veux pas ? Silver voulait lui en parler, puis y a eu d'autres choses qui l'en ont empêchés. Les cours, le boulot, les sorties. Puis, il voulait retarder au maximum la discussion pour ne pas voir cette mine. T'auras beau me sourire, Holly, oublie pas qu'il te connait par coeur. Tu ne peux pas contrôler ton regard. Et là, il le voit attristé. Avery hausse les épaules en seule réponse. « Tu vas dans quel journal ? Me dis pas que c'est un truc hyper connu comme le New-York Times ou un truc du genre ? » Il sourit, tout en prenant une gorgée de sa bière. Si seulement il allait au New-York Times. Mais nan, faut pas rêver. Le New-York Times, c'est pour plus tard. Mais comptait sur Silver pour se faire un réseau une fois dans la mégapole. « Time Out. C'est moins prestigieux que le Daily News ou le Times, mais c'est juste génial. » Allez, sourit Holly, soit heureuse pour lui. Il reviendra dans quelques mois. Ce n'est qu'un stage. Les liens ne sont pas coupés. Silver sera toujours présent quoi qu'il arrive. Puis y a le portable, Skype. Toutes ces technologies qui rendent la distance moins réelle. « Je compte sur toi pour venir squatter. »

Je ne m'attendais pas à ce qu'il parte aussi rapidement. Je présume qu'il m'a prévenu un peu en dernière minute, ça m'étonnerait qu'il vienne seulement d'apprendre ça. Mais je ne lui en veut même pas.. au contraire, je pense que ça aurait été plus dur si je le savais depuis un petit moment. Bien sûr que j'suis contente pour lui, il commence à réaliser petit à petit son rêve et je ne lui souhaite que d'être heureux. Parce que c'est ce qu'on veut aux gens qu'on aime, n'est-ce pas ? Qu'ils soient heureux. Avec ou sans nous. Et je sais que dans le cas d'Avery, ça ne sera pas avec moi : il finira par quitter Boston et notre relation ne sera qu'une relation longue distance qui ne signifiera plus grand chose. J'espère au moins qu'il va à New-York pour un journal qui vaut le coup, qui l'aidera à se faire un nom petit à petit dans le monde du journalisme. « Time Out. C'est moins prestigieux que le Daily News ou le Times, mais c'est juste génial. » J'hausse les épaules en regardant mon verre, un léger sourire figé sur mon visage; « Le plus important c'est que tu puisses avoir un pied là-dedans, maintenant t'as plus qu'à te faire un petit réseau. » Faut pas se leurrer, c'est comme ça que ça marche maintenant, il faut connaître les bonnes personnes pour que ça marche. « Je compte sur toi pour venir squatter. » Je relève les yeux vers lui et je me mords discrètement la lèvre, riant doucement, « Je suis pas sûre que Victoria soit ravie de me savoir chez toi sans surveillance » Tu te rappelles, c'est pour elle qu'on a décidé construire un espèce de mur invisible entre nous. Parce que sans ce mur, on sait tous les deux ce qui se passe. Je finis mon verre, je sors un billet pour le poser sur la table et je le regarde, « Puisqu'on va pas se voir avant un moment, on pourrait peut-être passer une soirée, comme au bon vieux temps ? » Le temps où y'avait pas de mur, celui où on se posait pas des questions. Le temps où tu m'apprenais à voler des voitures, où on faisait des conneries, où on était inconscients. Ce temps, où j'étais heureuse; Heureuse, avec toi.

« Je suis pas sûre que Victoria soit ravie de me savoir chez toi sans surveillance » Il lève les yeux. Ils vont pas se jeter dessus dès qu'il n'y a plus la surveillance de Victoria, c'est ridicule. Ils sont adultes, ils savent ce qu'ils veulent et ce qu'ils ne veulent pas briser. Avery veut préserver son couple et vivre son amitié avec Holly. Et pour ça, il doit arrêter de jouer avec le feu comme il a pu le faire quelques semaines auparavant. « Elle me privera pas de te voir, j'te l'assure. » Malgré la jalousie, Victoria sait pertinemment le lien fort qui unit les deux exs mariés. Ca se sent. Y a toujours ce lien malgré les péripéties. C'est impossible de les séparer. Notamment si on les oblige. Toujours à contredire les paris, les autres, ce qu'ils prévoient. Jamais dans la prévision. « Puisqu'on va pas se voir avant un moment, on pourrait peut-être passer une soirée, comme au bon vieux temps ? » L'information monte, acquiesce, prend une gorgée. « Evidemment. Que veut-tu faire ? Je suis à ton entière disposition ce soir. » L'adrénaline te manque belle demoiselle, ça se lit dans tes yeux, dans ton attitude. Dans tes mots. T'en creve d'envie de prendre une voiture et d'y exploser le compteur. D'être celle qui prend les commandes, qui choisit et non celle qui regarde. T'as pas peur des vertiges, tu les cherches. L'imprudence. Et s'il est content d'être celui qui lui procure ses sensations, Holly peut prendre son envol. Qu'elle prenne des risques, tente, entraîne des gens. Qu'elle se révèle, qu'elle fasse ce qu'elle a toujours eu envie de faire.

J'aimerais bien aller le voir à New-York, je pense que ça me ferait même un peu de bien de changer d'air mais je ne suis pas sûre que sa petite amie soit contente de savoir que je sois seule avec lui pour quelques jours. Elle a bien envoyé son petit Cole venir me faire chier, j'ai pas tellement envie qu'il recommence. « Elle me privera pas de te voir, j'te l'assure. » Je souris légèrement, « Si tu le dis », que je dis sans grande conviction. Mais je ne dis rien de plus, histoire de ne pas enfoncer le couteau dans la plaie. Je termine mon verre, je laisse un billet et je lui propose qu'on sorte d'ici et qu'on fasse un truc. Un truc fou, si possible, histoire de nous retrouver un peu. D'avoir un peu plus l'impression qu'on est toujours nous. Et puis, je ne vais pas mentir : l'adrénaline me manque oui, c'est indéniable. Surtout dans ma petite vie minable et ennuyeuse d'en ce moment. « Evidemment. Que veut-tu faire ? Je suis à ton entière disposition ce soir. » Je ris doucement et je me lève pour qu'on sorte du bar. Je ferme ma veste histoire de ne pas laisser passer le vent glacial et j'hausse les épaules, « J'en sais rien, c'pas toi le maître des trucs illégaux ? » Je souris en coin, « J'veux dire, c'est toi qui m'a tout appris. » Et ce qui est sûr, c'est que l'élève ne dépassera jamais le maître là-dessus.

« J'en sais rien, c'pas toi le maître des trucs illégaux ? » Si, évidemment. L'adrénaline, c'est ce qui le tient en vie. Tout est amplifié. Chaque course, chaque cri, chaque rire. Il hausse les épaules. Il est le maitre, mais elle est en droit de reproduire les mêmes actes. D'en faire sa propre histoire. Chicago n'était peut-être pas la plus belle ville des Etats-Unis, mais il y avait une atmosphère d'aventure. C'est c'qu'il a toujours voulu lui transmettre. « J'veux dire, c'est toi qui m'a tout appris. » Fin sourire sur le coin des lèvres, les yeux légèrement plissés, satisfait. « C'est le moment de faire honore à ton maitre. » Il y a tellement de possibilités. Il y a tant de règles à transgresser. Elles ne demandent que ça. On est pas des moutons, Connor, on est les exceptions. Les plus forts, les anticonformistes. Sauf qu'au contraire des mathers, on a pas besoin d'alcool ou de drogue pour ressentir. Pour vivre. Il arrete Holly avant qu'elle ne s'en aille. « Déjà t'es mal barrée si tu commences à payer le bar. » Tu vois, c'billet-là ? Suffit de le reprendre et de s'en aller. Et comme c'est toi qui apprend, moi j'me barre en premier, te faisais un grand sourire et en bougeant mes doigts pour te saluer.

Bien sûr que c'est Avery qui m'a tout appris. Quand on était ensemble, on avait ce petit goût de l'aventure qui faisait qu'on était pas un couple comme les autres. On cherchait à vibrer ensemble, mais pas comme les couples traditionnels font. Il m'a appris à voler des voitures, à dépasser ma peur de la vitesse en voiture, on s'est déjà barré d'un resto sans payer. On ne faisait que ça et c'est ce qui me manquait dans ma relation avec Lincoln. Ce goût de l'interdit. En fait, on était un peu comme des Bonnie and Clyde des temps modernes. On était des ninjas. Et puisqu'il va être absent pendant de longs mois, j'veux retrouver ça une dernière fois.  « C'est le moment de faire honore à ton maitre. » J'hoche la tête, lui lance un sourire : j'ai hâte de savoir ce qu'il va trouver comme idée. Je pose le billet sur la table, me lève, prête à partir quand tout à coup, il me stoppe dans mon élan, me laissant alors perplexe. « Déjà t'es mal barrée si tu commences à payer le bar. » Je regarde le billet sur la table et alors que je relève la tête pour regarder Avery, je le vois se diriger vers la sortie du bar, me regardant avec ce petit sourire que j'aime tant voir sur son visage. Je me mords la lèvre et je n'ai pas besoin de réfléchir à deux fois avant d'attraper le billet discrètement pour le glisser dans la poche de ma veste. Je regarde autour de moi, comme pour vérifier que personne ne m'a vu et je commence à marcher vers la sortie. Tout semble s'être fait dans la discrétion la plus totale quand soudain, j'entends une voix m'interpeller : "Mademoiselle ? Mademoiselle ?" Sans même me retourner, je commence à courir vers la sortie, attrapant alors le bras d'Avery au passage devant le bar pour nous mettre à courir je ne sais pas où. La voix qui continue de m'interpeller s'éloigne petit à petit et je tourne dans une ruelle pour m'arrêter, essoufflée mais également morte de rire. « Mon Dieu mais qu'est-ce que tu me ferais pas faire ?! » , que je dis entre deux bouffées de rire mêlées à ma respiration intense. Ouais, je ne suis toujours pas une grande sportive et ce spring m'a coupé le souffle. Mais ça vaut le coup, parce que j'me sens vivante.