NIELS LARSEN ► mads mikkelsen

Cher Journal,

Je me nomme Niels Larsen et je suis né à Østerbro, au Danemark, il y a cinquante ans. Mes parents n'étaient pas très riches, mais suffisamment pour que deux ans après ma naissance, ils achètent des billets, aller simple, en direction de l'Ecosse. Pourquoi l'Ecosse ? Parce que mon père avait décidé qu'une vie meilleure nous attendait là-bas. Pourquoi l'Ecosse plutôt qu'un autre pays ? Je ne l'ai jamais sû et ne le saurais jamais. Quoi qu'il en soit, mon enfance et mon adolescence se déroulèrent sans problème particulier. Je suis fils unique et cela m'a toujours manqué de ne pas avoir de frère ou de soeur, mais j'ai fait avec comme on dit. Je compensais avec mes amis. Mes parents m'ont toujours dit que pour devenir quelqu'un, il fallait s'en donner les moyens en travaillant très dur. Depuis tout petit, j'appliquais ce principe et une fois adolescent, mon baccalauréat en poche, je me dirigeais vers des études de médecine. Naturellement, l'université étant hors de prix pour le porte-monnaie parental, je demandais une bourse. Je réussi à la décrocher pour entrer à la prestigieuse université d'Harvard.

Dire que mes parents étaient fiers le jour où je leur ai annoncé cela était un euphémisme, je n'ai jamais vu autant de fierté dans leur regard que ce jour là. Ainsi, je suis donc parti à Cambridge le temps que dura mes études, jusqu'à l'âge de vingt-six ans où j'ai obtenu mon doctorat. Je faisais des allers-retours entre l'Ecosse et les Etats-Unis pendant mes vacances d'été et mes parents voulaient savoir tout ce que je faisais à l'université. Ils n'avaient jamais eu la chance d'y aller et voulaient que je leur raconte absolument tout. Naturellement, je gardais pour moi mes expériences sentimentales. De même qu'ils n'ont jamais été au courant pour ma bisexualité. Ils n'auraient pas compris. C'est après avoir été diplômé que j'ai fait la connaissance de celui qui allait devenir mon meilleur ami : Lawrence Austen. C'était assez surprenant, considérant qu'il n'avait que seize ans, mais il était déjà très mature pour son âge.

Je décrochais rapidement un stage puis un emploi à l'hôpital de la ville. A l'âge de trente ans, je fis la connaissance d'une femme charmante. Nous sommes sorti ensemble pendant cinq ans avant de nous mettre en ménage. Elle et moi n'étions pas pour le mariage, cependant, quand je parlais d'elle je disais "ma femme" et elle disait "mon mari" en parlant de moi, nous n'avions pas besoin de papier pour cela. Elle s'appelait Elena et elle était vraiment magnifique, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, c'était une femme qu'on ne pouvait qu'aimer. Quand j'eus quarante ans, je vécu dans le même temps, un grand bonheur, mais aussi un drame affreux. Ma femme mit au monde notre fille, Sélène, mais elle mourut en couche. Lorsque les infirmières m'emmenèrent voir ma fille après m'avoir annoncé la mort de ma femme, je me sentais comme anesthésié, comme si je venais de perdre une partie de moi. Je ne voulais pas être en charge de quelqu'un, je ne m'en sentais pas capable, pourtant, lorsque j'ai posé les yeux sur ma fille et qu'elle a fixé mon regard, j'ai caressé doucement sa main avec mon index et lorsqu'elle s'en saisit...j'ai su que plus rien ne serait comme avant, j'ai su que ce petit être venait de me capturer et que je ne vivrais plus que pour elle désormais. Je demandais à Lawrence d'être le parrain de ma fille et il accepta, pour mon plus grand bonheur.

Trois ans après la naissance de Sélène, je pris la décision de partir avec elle aux Etats-Unis, pour lui offrir une nouvelle vie. Nous sommes allé à Cambridge. Je me suis fait embaucher à l'hôpital de la ville. Tout se passait très bien, mais trois ans après notre arrivée, j'avais donc quarante-six ans, Sélène et moi revenions d'un goûter d'anniversaire d'une camarade de ma fille et nous avons eu un accident de la route. Tout de suite, ma première pensée fut pour Sélène et je me jetais sur elle pour la protéger tandis que la voiture faisait des tonneaux. Lorsque j'ai repris connaissance, j'étais à l'hôpital où l'on m'annonça coup sur coup que ma fille s'en sortait avec seulement quelques bleus, mais que mon bras avait perdu sa motricité. Tout du moins je ne pouvais plus le bouger comme avant ayant eu quelques tendons de sectionnés. Ils n'avaient pas besoin d'aller plus loin dans leurs explications, je savais ce que cela voulait dire, je n'aurais plus le droit d'opérer. Avouez que pour un chirurgien, c'est plutôt dommage.

J'ai conservé mon poste à l'hôpital encore quelques temps avant de décider d'arrêter de me voiler la face. Si je ne pouvais plus opérer, inutile que je reste.J'ai donc décidé d'ouvrir mon propre cabinet et de devenir médecin généraliste. Cela fait deux ans que je travaille ainsi et cela me plaît beaucoup.

Ma vie se déroule ainsi maintenant, partagé entre mon travail, l'éducation de ma fille et mes amis. Côté vie sentimentale, je ne veux plus fréquenter de femmes, je veux que la mère de Sélène soit la seule et unique femme que j'ai aimé. Pour les hommes...je ne dis pas non, mais pour le moment ce n'est rien de sérieux. Le jour où j'aurai envie de me fixer avec quelqu'un, il faudra qu'il plaise avant tout à ma fille.
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