Le temps des reproches (Nina)

J’étais sur les nerfs et ces derniers jours c’était pire que tout… J’avais l’impression que tous mes amis se retournaient peu à peu contre moi. La trahison de Nina me restait tout particulièrement en travers de la gorge. Ma meilleure amie. Enfin l’une de mes meilleures amies, puisque sa sœur occupait une place tout aussi importante dans mon cœur. Et c’est d’ailleurs auprès d’Hippolyte, que je m’étais fait un plaisir de descendre la pauvre Nina. J’avais besoin de classer les gens, et il n’y avait que deux options possibles : soit ils étaient avec moi, soit ils étaient contre moi. Ma tête m’élançait, les maux de tête se faisant de plus en plus fréquent, résistants aux antalgiques. Mes nuits blanches à cogiter n’aidaient surement pas à ce que je retrouve ma forme et mon raisonnement logique. Non. Je voyais des ennemis partout et lorsque, à proximité du campus, mon chemin croisa celui de mon ancienne traitresse de meilleure amie, je changeai volontairement de trottoir pour l’éviter, alors que j’avais très bien vu qu’elle me regardait. Au diable la courtoisie. Au diable la politesse. Au diable l’amitié. Aujourd’hui j’étais d’humeur massacrante, il ne valait mieux pas pour elle qu’elle vienne s’y frotter.  

Si je pensais que changer de trottoir enverrait un message clair, c’était sans compter sur la détermination de Nina. La demoiselle ne semblait pas décider à me laisser bouder sans rien dire. Elle se planta devant moi, m’interpellant sur notre ligne de conduite actuelle : on s’évitait ? « Non. » répliquai-je sèchement, plantant mon regard sombre dans le sien avant de corriger : « JE t’évite. Nuance. » Parce que j’estimais que j’étais celui qui avait été blessé dans l’histoire, celui qu’on avait trahi, ne voyant pas, mes œillères aidant, ce que mon attitude à moi avait pu avoir de blessant pour la jeune femme. Jusqu’à ce qu’elle reprenne la parole avec cette question, mettant mes –mensonges- sur le tapis. « Je te mens ? Tu veux qu’on parle du fait que t’aies emménagé chez une fille qui veut me détruire Nina ? Que tu participes à une réunion contre moi ? Je pensais que t’étais mon amie Nina. » Mon regard se voila alors d’une lueur triste, et je repris, dans mon vent de délire accusateur : « Le premier sms, celui avec la photo dans la ruelle, c’était toi qui l’avais envoyé c’est ça ? » 

C’était donc ça le soucis de son côté ? Le fait que j’aie couché avec Lucky et que j’aie omis de lui dire. Je levai les yeux au ciel, protestant dans un soupir cet argument très peu recevable : « Si il fallait que je te parle de toutes celles qui sont passées dans mon lit… » Comme si je ne lui avais pas caché volontairement, comme si j’avais simplement oublié, comme si Lucky n’était qu’un plan cul comme un autre… Comme si. La vérité, c’était que Nina m’avait bel et bien parlé de son amitié avec la mather, l’autre fois, dans le parc, et que moi, de mon côté, je n’avais pas saisi l’occas’ pour mettre des mots que le lien particuliers qui me liait à la brune. Mais je repris mon ton de reproche pour remettre sur le tapis sa cohabitation avec miss Burberry, l’accusant d’avoir participer à la fameuse « réunion » que j’avais cru surprendre l’autre soir. Nina semblait ne pas comprendre. « Fais pas l’innocente, le soir où j’ai débarqué, après avoir suivi Tate, et que je vous ai tous trouvé là, en train de magouiller contre moi, chez Lucky, avec Lennox, Sloan et pas mal d’autres de ma propre confrérie. » Tous contre moi. Tous même Nina. J’en étais persuadé, ma tête me le criait. Mes yeux la scrutaient avec une déception que je ne cherchais même pas à maquer, blessé, déçu, convaincu que j’étais qu’elle était passée dans le clan ennemi. Et c’est sur le sms groupé que je l’interrogeais, était-elle celle qui avait envoyé ce fameux message ? Elle objectait, elle niait. « Pourquoi tu t’embêterais avec ça ? Peut être parce qu’elle te l’a demandé. Tu es dans son camp hein ? T’es du côté de Lucky et de sa bande de mathers ? Tu veux me faire tomber Nina ? » poursuivis-je, une lueur démente dans les yeux, l’impression soudain de découvrir qu’on m’avait planté un poignard dans le dos. « Hippo, elle est avec vous aussi ? Elle fait partie de ceux qui m’ont trahi ? » 

Nina était en réalité, tout aussi en colère que moi. De mon côté, c’était parce que je me persuadais qu’elle agissait contre moi, qu’elle prenait part au complot anti Cole que mon esprit dérangé imaginait… Alors oui, pas une minute, je ne m’étais mis à sa place, jamais je n’avais imaginé ce qu’elle pouvait ressentir en découvrant tout ça. Elle se mettait à douter à son tour. « Pour ma part, je suis droit dans mes pompes, mais pour ta soit disant meilleure amie c’est une autre histoire si tu veux mon avis. » Après tout, Lucky avait bien organisé une réunion chez elle contre moi. On évoqua ce fameux soir, et Nina en profitait pour m’attaquer au sujet de ma nouvelle petite amie. « Et bien ça nous fait un point commun alors : parce que tu n’es plus la Nina que je connaissais non plus. Elle ne m’aurait jamais tourné le dos. » Qu’est-ce qui s’était passé ? Qu’est-ce qui nous était arrivé ? Etait-ce vraiment la fin de notre amitié ? Je refusais l’idée qu’il s’agissait simplement d’une fête de fin d’année, je secouai la tête, énervé. « Très pratique ce choix de date. Ca vous fait un bel alibi à tous. » Et quand elle m’interroge sur ce qui me fait avoir peur de tout le monde, j’objectai : « Je n’ai pas peur ! » La jeune femme perdait finalement patience, s’énervant à son tour, élevant la voix pour assurer qu’elle n’était dans aucun camp, me demandant selon moi sous quel motif elle s’en prendrait à moi. « T’es la bizut de Tate, peut être que t’agis sous ses ordres… Il veut me faire tomber, reprendre la place de Vp… »

J’assurai que pour ma part, j’étais clair, honnête, droit. Elle tiqua, me demanda si je ne mentais sur rien d’autre. « Je ne mens sur RIEN. » corrigeai-je, ne considérant toujours pas qu’avoir omis de préciser que je couchais avec Lucky ne constituait pas un acte de déloyauté. Nina avait toutes les charges contre elle dans mon esprit torturé. Elle était sur le banc des accusés et moi sur celui des victimes. « T’es venue à Harvard pour ça en fait ? Pour me planter ce couteau dans le dos ? Pour me montrer ton vrai visage ? » Pour me briser le cœur aussi, parce que ça faisait un mal de chien de perdre Nina, de la voir s’éloigner, de la voir choisir le camp ennemi. Y’avait pas de gris dans ma tête : noir ou blanc, fallait choisir son camp. Et j’enchainais, parlant de l’alibi de la date, accusant au passage Tate, accusant tout le monde. Elle avait raison Nina, tous mes proches prenaient. Enfin des –proches- justement, il ne m’en restait guère après le tri paranoïaque que j’avais effectué parmi mes fréquentations. « Il se passe que j’ai enfin ouvert les yeux, j’ai enfin compris ! » m’énervai-je alors. « J’ai compris que vous étiez tous contre moi. » Et qu’elle parle de son statut d’eliot officielle me fit alors partir dans un nouveau délire : « C’était ça alors le but d'endormir ma méfiance ? Accéder au statut de membre à part entière pour me virer, si tu veux pas élire Tate à ma place c’est que c’est toi qui veut prendre ma place ? T’es de mèche avec Oksanna c’est ça ?»