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A l'instant même où je quitte ses lèvres, elles se mettent à me manquer. J'voudrais y replonger, encore, maintenant, et tout le temps. J'voudrais les bouffer, les arracher, les avaler, pour qu'elles ne s'échappent plus jamais. J'ai cette sensation de chaud et de froid à l'intérieur de moi. Comme si je me sentais à la fois complètement libéré d'un poids, et à la fois prisonnier. J'pourrais plus m'passer d'elle, j'le sais, quand j'la regarde, j'le sais. En fait, je ne le pouvais déjà plus. Depuis cette course poursuite dans la ruelle jusqu'à mes tribulations entre Prague et Tokyo. Je n'ai pas cessé un instant d'penser à elle et ... Bordel. Je n'étais pas prêt. A ce que ça tombe comme ça, un putain de coup de poing, en plein les dents, qui vient complètement m'assommer. Ou m'réveiller, je ne sais pas. Il y a cette voix dans ma tête, cette partie de moi, qui m'hurle de fuir. D'partir, d'garder mon cœur en papier kraft bien au frais dans son cercueil. Qui m'pousse à regretter, à faire passer ça pour une erreur, stupide erreur de soirée. Mais ... je ne peux pas. Quand j'la regarde dans les yeux, comme ça, je ne peux pas. Juste pas bouger, juste pas partir, juste pas m'éclipser. C'est comme si le sol tout entier s'était effondré sous mes pieds et qu'il n'y avait plus qu'elle, la lumière bleue, qu'explose mes rétines d'une vérité trop cruelle, insupportable de pureté. Elle m'fait l'effet d'une percussion électrique, rythmée, douloureuse, de ma poitrine à mes jambes qui tremblent et que j'essaye de contenir. Il m'faut tout mon courage et toute ma force pour chasser les pensées nocives, pour n'pas me laisser prendre au piège, pour n'pas enfiler mon armure et fuir comme un lâche. J'peux pas fuir, c'est impossible. C'est comme si j'avais attendu ça tout ce temps et ... merde. Je n'avais pas remarqué qu'elle ne s'arrêtait jamais d'être belle. Je n'avais pas remarqué à quel point j'étais obnubilé par ses yeux. Et sa bouche ... bon dieu sa bouche, je n'ai jamais rien vu d'mieux. Je déglutis à peine, une légère amertume que j'essaye de ravaler en même temps que mon haut le cœur. La mélancolie cachée sous mon visage, et puis va te faire foutre. Va te faire foutre Noah avec ta peur, tes frayeurs, ta phobie du cœur et tous ces trucs qui t'forcent à te museler, t'enfermer dans des cages aseptisée pour pas souffrir. Va te faire foutre toi et ta terreur de l'abandon, toi et ta phobie de la trahison, toi et ta peur de toi même, pauvre con. Va te faire foutre, ferme là, pour une fois dans ta putain de vie, ne fais pas semblant d'être ce cadavre amorphe incapable d'émotions. Tout c'travail que j'avais fait pour me fermer vole en éclat par un simple baiser. J'sais bien que demain, mon esprit forcera dans l'autre sens. J'sais bien que ça sera douloureux, éprouvant, éreintant, insupportable d'intensité. Que j'vais la vouloir, et que j'vais en crever. Mais là, maintenant, j'peux juste pas la lâcher. J'peux juste pas faire comme si d'rien n'était parce que c'est elle, parce que c'est moi, que c'est comme ça. Malades, fous à lier, intransigeants et terrifiés. Mais, si j'ai peur, alors elle aura peur avec moi. Et si elle a peur, alors j'serais là. Et sa phrase n'aurait pas pu être plus belle. J'veux dire ... bon sang. Elle vient d'un coup de vent balayer tout ce qui torpille ma tête et m'fait rire, putain d'rire parce que j'le vois bien qu'on est deux cons. Je ris d'amusement, de soulagement, d'frayeur. J'ris parce qu'il faut sortir toute la noirceur. Mes yeux s'mettent à briller, mes narines se dilatent, et presque mielleux d'attendrissement, j'lui dis, en reposant ma main sur sa joue délicatement : "Et toi tu es la personne la plus insupportable que j'connaisse". Et mon visage qui s'rapproche du sien : "Mais j'suis certain que tu peux m'détester encore plus fort", vole un tendre baisé, à peine appuyé. J'voulais pas que ce soit le dernier, ça ne peut pas être le dernier. J'me retire, souriant, gêné, déboussolé. Mes mains qui finissent par tomber dans mes poches et mes yeux qui ne lâchent pas : "Soyons un peu plus sérieux. Les affaires sont les affaires. Qu'est ce que tu as pour moi ?". Désignant d'un signe de tête sa tenue, faussement endurcit, juste histoire de ... prendre à la légère ce tour de magie.
@Lara Kovalenka
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