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T'es un sacré con mais j'peux pas t'en vouloir on est fait du même sang.
Jouer les forts, je sais le faire. Le mec qui n'en a rien à faire de rien ni de personne, le mec braqué dans sa carapace, le mec hautain, le mec distant, froid, dur sévère. Je sais jouer la comédie pour me tromper moi-même, et de toute évidence, j'y arrive très bien. Sauf que fort, je ne le suis pas. Je ne le suis pas du tout. Hyper-sensible, empathique, fragile depuis la naissance, mon corps entier est un talon d'Achille. Je ne suis pas fort, je ne sais pas résister. J'encaisse, fait comme si de rien n'était. Mais tout ce qui se passe reste. Dans mon ventre, ça torpille, dans ma tête, ça dégoupille. Si j'étais fort, je serais entrain de sourire. Je serais entrain de le prendre de haut. Je ne serais pas parti. J'aurais ris encore, joué de bons tours à la folie. Sa main attrape mon poignet, il me repousse brutalement. Je l'écoute malgré moi, ses mots qui résonnent comme des putains de tambours de guerre dans ma tête. J'ai pas envie de lâcher, pas envie de sombrer, pas envie de me décomposer. Pas envie d'admettre que j'suis faible, que j'suis incapable d'être autre chose que lâche et hypocrite envers moi-même. Sauf que Darwin lui, ce n'est pas le genre à lâcher. Il frappe, là où il faut. Je me laisse faire, comme un garçon. Comme je me suis toujours laissé faire avec mon père quand il se mettait à me battre. Presque recroquevillé, en retrait, reculant chaque fois qu'il avance. J'ai les larmes qui montent, une putain d'envie d'hurler, je ne me suis jamais senti aussi mal, autant à l'agonie de toute ma vie. Ses paroles font plus mal que la gifle qu'il me colle, je sens qu'il y a un truc en moi qu'est entrain de se casser. Je sens mon cœur se rompre, comme un pont qui s'effondre. Collé dos à la porte, ma tête penché sur le côté, j'essaye encore de fuir. L'altercation, l'évidence, la vérité. J'essaye encore de fuir et trouve la force de résister dans la colère que j'ai envers moi-même : "va te faire voir", murmurais-je à deux doigts du sanglot, avant d'chopper de nouveau son col et d'essayer de le repousser : "va te faire voir ...". J'avais envie de le hurler celui-là. De le crier en plein sa gueule, de toute ma voix. Mais ma voix s'est effacé, elle lasse place à cette tonalité chevrotante et ces gémissements qui s'mettent à résonner dans tout le couloir. Son col fermement tenu, je le sers encore plus fort. Comme si j'voulais l'étrangler, comme si j'voulais qu'il ne me lâche pas. J'me colle à lui, et sans que je puisse le contrôler ma tête tombe sur son épaule et je me mets à chialer. A chialer pour de vrai. Comme je l'avais fait avec Gabrielle pendant le Summer Camp. A chialer comme un animal blessé, un enfant triste, un homme sans ego. L'ego, je le sur-joue, dans le fond, j'suis pas le mec qui laisse l'orgueil prendre le dessus quand mes émotions sont à vif. Et je pleure sur l'épaule de mon cousin, sers son col encore plus, manière étrange de me blottir contre lui. Et je ne dis plus rien. Parce que je n'arrive pas à parler. C'est ce que tu voulais Darwin ? T'as gagné.
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