mistakes are proof that you are trying...

Je n’avais pas eu de nouvelles de Tina depuis un bon moment. Bon, je m’étais déculpabilisé de ne pas en avoir pris en me disant qu’elle devait filer le parfait amour avec son Jules. Je la croyais en couple, épanouie, heureuse. Au moins un de nous deux qui réussissait dans ce domaine là quoi. Bref, je pris quand même le temps d’attraper mon portable pour essayer de la joindre, mais pas de réponse… Bizarrement, j’avais un mauvais pressentiment. Je retentais un nouvel appel. Et après avoir entendu une nouvelle fois l’annonce de son répondeur résonner au bout du fil, je rangeai mon téléphone dans ma poche, saisis ma veste et me décidai à me rendre chez elle en personne pour m’assurer que tout allait bien. La demoiselle était quand même celle grâce à qui j’avais pu me remettre à niveau pour la rentrée. Elle m’avait donné quelques cours durant l’été, l’occasion pour moi de la draguer aussi, j’avoue, puisque j’avais passé mon été à ça, à jouer les coureurs, à essayer d’oublier Gabrielle… Mais pour le coup, avec Tina, ça n’avait pas fonctionné, et après un joli vent, j’avais quand même gagné une amie dans la manœuvre. Bref c’est donc inquiet pour la petite brune que j’arrivais à son adresse, entrant dans son immeuble pour aller ensuite toquer à sa porte qu’elle ne tarda pas à ouvrir. « Hey, désolé de te déranger mais ça faisait longtemps, et tu répondais pas à ton té… » Ma phrase mourut sur mes lèvres lorsque j’aperçus une valise dans l’entrebâillement de la porte : « Tu t’en vas Tina ??? Qu’est-ce qui se passe ? » paniquai-je un peu.  

mistakes are the proof that you're trying. — J’étais tranquillement en train de ranger mes valises, et j’essayais clairement de faire ça correctement. J’étais une fille organisée en générale. On ne survit pas dans une famille de six enfants et en étant haute comme trois pommes sans organisation, sans technique pour survivre dans un bordel vivant. Et pourtant, j’étais perturbée de rentrer dans mon appartement. Cette appartement vide et presque sans vie, sans les colocataires que je cherchais pour faire vivre l’endroit comme il l’avait déjà été avant. J’essaye de faire le tri dans mes deux valises, entre ce qui me semble propre ou non, et ce que j’ai ramené d’Italie. Milan, ah Milan. Et quand je pense que je suis née là-bas, que tous mes frères et soeurs sont nés là bas et que pour autant, nous n’y avions jamais passé plus de deux semaines. Milan m’avait aidé à faire le vide. Et ça faisait du bien. Énormément de bien. J’avais arrêté, par moment, de penser à l’humiliation que j’avais subite. Et au final, j’étais partie loin de Boston et d’Harvard plus longtemps que ce que je n’avais été avec Royce.
On toque à la porte et j’enjambe les tas de fringue qui trainent dans l’entrée pour aller ouvrir. À ma plus grande surprise, il s’agit de Denys. Ah Denys. Je lui avais mis un sacré vent. Vu ce qu’il m’était arrivé par la suite, j’aurai peut-être mieux fais de rentrer dans son jeu. Passer la surprise de voir qu’il s’inquiétait pour moi, je l’invite à entrer.
« Ça me fait vraiment plaisir que tu passes, je ne m’y attendais vraiment pas… »
C’était vrai que j’avais du mal à imaginer Denys comme quelqu’un qui continuerait à prendre de mes nouvelles. Et pourtant. Comme quoi je me faisais de mauvaises idées. Il aperçoit alors mes valises.
« Je… Je viens de revenir en fait. Je suis partie pendant deux mois en Italie. Devine pourquoi. »
Je me mets alors à mimer un corps brisé.
« Tout ça parce que je fais pas les bons choix. »

 La brunette me fit entrer me soufflant qu’elle était heureuse que je passe et surprise également. « J’ai essayé de t’appeler avant, et comme tu répondais pas… » J’avais eu un mauvais pressentiment et me voilà. Après cet été, on n’avait pas forcément gardé énormément contact, surtout que je l’avais assez outrageusement draguée. Mais au delà du flirt, j’avais vraiment apprécié la demoiselle alors j’étais sincère, même si elle était en couple et heureuse, ou du moins c’était l’idée que je m’en étais fait puisque j’étais sans nouvelles depuis la rentrée. Fallait croire, aux vues des valises, qu’il y avait une autre explication que le bonheur conjugal à son absence de messages. Tina m’expliqua qu’elle revenait d’Italie où elle avait passé deux mois. Ce fut à mon tour de paraître surpris. « Oh… » Son –devine pourquoi- ne laissait rien présager de bon. « Je suis désolé Tina… » Je me rappelais encore qu’elle m’avait confié que sa précédente histoire s’était mal terminée, sans qu’elle ne s’attarde sur les détails, ça avait eu l’air de la traumatiser et de la refroidir et c’était pour cela qu’elle avait hésité à ce mettre en couple avec son meilleur ami. Et moi, comme un neuneu, je l’avais encouragé et maintenant ? Aïe. Je grimaçais, compatissant : « Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu veux en parler ? » 

mistakes are the proof that you're trying. — « J’ai disparu des écrans radars. Téléphone, réseaux sociaux. J’ai eu besoin d’être seule… »
Je baisse alors la tête comme si j’avais honte d’avoir disparu. Un peu quand même. En même temps, je n’avais fait que fuir, alors que bon, on allait pas se mentir, ma famille m’avait toujours presque programmé pour que je devienne une bête qui ne se laisserait marcher sur les pieds par personne, parce que je m’appelais Linetti.
« Sois pas désolé, c’est aucunement ta faute. »
Je l’aide alors à escalader le bordel qui traine dans l’appartement et l’invite à venir dans le salon. Je me laisse alors tomber dans le canapé et tente tant bien que mal de sourire, forcée parce que je ne peux pas tirer la gueule et ressembler à un zombie alors que quelqu’un se soucie de moi. C’est tellement étonnant de voir Denys, je ne peux pas me permettre de mal l’accueillir, alors qu’au fond j’ai envie de me pendre tout de même.
« Des fois je me dis que si c’était toi que j’avais embrassé je serai peut-être pas dans cet état aujourd’hui. »
Je tente alors la petite touche d’humour, sans grand succès. Des mots assez drôles sont sortis de ma bouche, mais mon expression faciale exprime tout à fait autre chose. La mort psychique peut-être ?
Lorsque Denys me demande ce qu’il s’est passé, je grimace encore.
« Tu te souviens quand je t’avais dis que c’était un coureur ? Bah il a fourré sa langue dans la bouche d’une autre. Et je pense honnêtement qu’il a pas fait que ça. Je pense que je vais devenir nonne, j’aurai moins de problèmes avec les hommes. »
J’essaye encore de garder la tête haute, mais je m’enfonce dans le canapé, comme pour disparaitre et cacher toute possible expression d’une goutte de faiblesse.

  « Hey, t’inquiètes pas, je t’en veux pas Tina… C’est juste que je me suis inquiété. » lui expliquai-je en constatant qu’elle était mal à l’aise et baissait le regard.  Je n’étais pas venu lui faire des reproches ou la blâmer. Et qui serais-je pour faire ça d’ailleurs ? Moi Denys Zacharias, le disparu de 2013 à 2016, celui dont « l’année sabbatique » s’était changée en trois années sabbatiques. Je m’excusais, désolé d’apprendre sa rupture, et elle me guida jusqu’au salon de son appart. Elle se posa dans le canapé, et je pris place à ses côtés, peu convaincu par son petit sourire qui paraissait complètement forcé. Je l’invitai à m’en dire plus, et elle se risqua à un peu d’humour, remettant sur le tapis la petite séance de révision ou plutôt séance de drague de cet été. « Il est encore temps de te rattraper. » répliquai-je en poussant des lèvres, fondant sur elle pour venir déposer un gros smack sur sa joue et essayer ainsi de lui soutirer un sourire plus sincère. Je repris ensuite mon sérieux pour écouter la brunette me raconter ce qu’il s’était passé entre eux. J’hochai la tête lorsqu’elle me rappela son côté coureur, je n’avais pas oublié ce détail puisque c’était la raison qui avait freiné mon amie et qui l’avait rendu un peu hésitante quant à se mettre en couple avec le garçon. Et finalement, l’expérience lui avait donné raison à elle puisque ce type avait été en embrasser une autre, et peut être plus, selon les soupçons de Tina. « Tu feras une nonne super sexy… » commentai-je pour tenter de la détendre alors qu’elle semblait au fond du trou… « Tina… Te rends pas malade pour ce mec, tu sais que c’est lui le plus perdant dans l’histoire. Tu sais quoi ? On devrait sortir ? Aller te changer les idées, s’amuser et fêter ton retour. » suggérai-je, désireux de lui faire perdre sa morosité post rupture. 

mistakes are the proof that you're trying. —Denys n’était pas la seule personne qui s’était inquiétée de mon absence. Parmi toutes les personnes qui s’étaient inquiétées de mon départ précipité on comptait notamment mes meilleurs amis et toutes ces personnes qui avaient et seraient toujours là pour moi. Mais je n’avais jamais vraiment imaginé Denys faire partie de ces personnes là. Je lui avais mis un vent à ce mec, pour un mec qui n’en valait pas réellement la peine en plus. Alors bon, je ne pensais pas qu’il s’inquiéterait au point de venir chez moi.
« Je pensais pas que tu viendrais ou que tu t’inquièterais pour moi à vrai dire… Ça me touche. »
Et je me pouvais pas être plus sincère que ça dans mes paroles. J’avais besoin d’un tel réconfort. C’était rassurant de voir que la cause humaine n’avait pas dépéri à ce point et qu’il y avait toujours, d’une certaine façon, des hommes bien sur terre. C’était juste moi qui tombait sur des cons.
« Ne me tente pas »
J’avoue que je me demande ce qu’il aurait bien pu se passer avec Denys. J’ai du mal à l’imaginer vouloir plus qu’un flirt finalement. Alors que moi, maintenant j’étais bien pommée pour savoir ce que je voulais.
« Non mais tu te rends compte ? J’ouvre mon coeur pour la première fois depuis 2 ans et puis…. J’aurai du maintenir la rumeur comme quoi les Linettis n’ont pas de coeur. »
Et j’aurai fini seule. Mais comme de toute façon c’est ce qu’il va m’arriver, au final, ça aurait été moins douloureux.
J’enfonce alors mon visage dans mes mains.
« Tu vas trainer une dépressive dehors ? Si tu me fais boire je vais commencer à pleurer. Ou me jeter sur le premier mec que je vois pour oublier. T’as vu comme je suis devenue minable ? »
Encore une fois, je retiens des larmes, pour éviter qu’on me croit encore plus faible que je ne le montre déjà.

   Tina était surprise, et touchée à la fois, de ma venue ici et surtout de constater que je m’étais inquiété pour elle.  Je lui servis un petit sourire en reprenant : « C’est normal. On est amis non ? » Enfin, on avait commencé par un flirt, ou plutôt une tentative de flirt de ma part, et ça avait rapidement coupé court quand la brune avait réalisé que c’était les lèvres d’un autre qu’elle voulait contre le sienne, certes… Une drôle d’amitié nous liait donc, mais amitié quand même. Et je n’avais pas oublié les confidences qu’on avait échangé ensuite, la demoiselle et moi, une fois les choses mises à plat. J’écoutais donc avec un air attristé les confessions de mon interlocutrice sur cette histoire ratée, elle qui avait tant hésité à se lancer, à ouvrir son cœur. Elle s’était finalement faite avoir. « Ca veut dire que tu refermes les portes pour deux ans ça ? » questionnai-je avec une petite mine compatissante avant d’ajouter : « T’es tombée sur le mauvais numéro. Je sais que c’est agaçant de s’entendre dire ça, mais je te sers le dicton quand même : -y’a d’autres poissons dans la mer- » Et j’étais pas en train de parler pêche là, j’évoquais bien sûr le fait qu’il y avait des tas de garçons, rien que sur ce campus, et que plus d’un serait ravi d’avoir une petite amie comme elle. Je savais que c’était cliché à entendre, et quand on me servait ce discours pour essayer de me faire oublier Gabrielle, ça avait le don de m’agacer, mais il fallait que je tente de remonter le moral de Valentina quand même.  Je proposais aussi une sortie, mais visiblement ce n’était pas une idée qui l’emballait. Le visage entre les mains, elle soupira qu’elle était devenue minable, et je finis par l’entourer de mes bras pour la serrer contre moi : « Hey, on n’est pas obligés de sortir… On peut rester là si tu préfères. » lui soufflai-je alors avec douceur.

mistakes are the proof that you're trying. —J’esquissais un sourire quand Denys me confirma qu’on était amis. Amis. Que ce mot sonnait bien dans mes oreilles. C’était ce dont j’avais besoin, d’un ami. Je reconnaissais maintenant les personnes qui m’étaient proches, et celles que je devais oublier. Parmi celle que je devais oublier, il y avait bien évidemment Royce. Mais ça, c’était tout de suite plus difficile. Deux mois en Italie n’y avait rien changé. Et apparemment, deux mois en Italie n’avait pas permis à Denys de m’oublier. J’étais peut-être plus inoubliable que ce que je croyais. Même plus importante que ce que certaines personnes s’étaient amusées à me faire croire.
Je rigole quand il me dit que je referme les portes de mon coeur. N’empêche, quand ce type essaye de me remonter le moral, il y arrive presque bien.
« VOUS NE PASSEREZ PAS » Mon imitation de Gandalf était plutôt pourrie mais j’en étais presque fière. « Non mais maintenant je vais faire passer des tests aux mecs pour être sure que ce sont de gentils garçons. Ou alors je vais me transformer en grosse connasse. »
Je rigole alors quand il me parle des poissons dans la mer.
« Ça fait quand même deux fois de suite que je tombe sur des poissons pourris. Moi je suis sûre que les couples heureux c’est une légende. »
Je soupire alors. J’avais l’impression d’être un sacré calimero. Il y avait des gens qui mourraient de faim partout dans le monde et pour autant je restais à me plaindre de peine de coeur. Le premier poisson pourri avait causé pas mal d’embrouilles aussi, et avait prit une petite partie de ma vie avec lui, mais tout de même, il y avait des choses pires dans la vie.
Les bras de Denys entourent alors mon petit corps frêle et plein de tristesse. Je suis bien là, dans ces bras, dans cet échange qui respire l’innocence.
« Je vais finir par croire que tu flirtes encore avec moi. »
Je pose malgré tout ma tête sur son épaule.
« J’vais commander un gentil copain au père noël je pense. »

  J’essayais, comme je pouvais de réconforter un peu la brunette et un franc sourire se dessina sur mes lèvres à son évocation du seigneur des anneaux. « Gandalf, version sexy. J’aime. » plaisantai-je à mon tour avec un petit rire, même si le sérieux reprit vite puisqu’il s’agissait d’un sujet délicat. Et les ruptures compliquées, j’avais eu ma dose, je savais que ça pouvait parfois écoeurer un peu. Tina avait déjà réfléchi à la question : les futurs mecs passeraient tous un test, ou alors elle se transformerait en connasse. « Je préfère la première solution, je t’aime bien comme t’es moi. » Pas envie de la voir s’endurcir et changer. « Et puis je pourrais t’aider, nomme moi directeur de casting. » J’allais les tester moi, tous ses prétendants. J’évoquais le célèbre dicton, les petits poissons dans l’eau, mais elle répliqua qu’elle avait quand même eu deux poiscailles pourris dans ses filets. « J’avoue, t’as pas eu trop de chance… » Je restais un instant songeur, quant à sa réflexion sur les couples heureux qui ne seraient qu’une légende. Est-ce qu’elle disait vrai ? J’avais vraiment l’impression d’avoir vécu des vacances idylliques l’an passé avec Gab. C’était ce qui m’avait complètement fait craquer pour elle… A l’époque, j’aurais été capable d’affirmer que si, les couples heureux, ça existait. Mais aujourd’hui… Le soupir de mon amie m’arracha à ma réflexion et je finis par serrer la jeune femme dans mes bras. Un petit rire s’échappa de mes lèvres quand elle m’accusa de flirt. « J’sais pas faire des câlins autrement que comme ça désolé. Mais promis, j’garde mes lèvres sagement loin des tiennes. » Sa tête termina sur mon épaule et à son commentaire sur noël, je repris : « J’sais pas si il va te l’amener, t’as été sage cette année ? » De l’humour, encore et toujours. Mais cela dit, ça m’évoquait une idée : « Je pourrais te présenter à certains de mes potes ? » Si ils étaient mes amis, c’était que ce n’étaient pas des enfoirés. CQFD.

mistakes are the proof that you're trying. —JDenys réussissait à mettre un sourire sur mon visage. C’était assez bizarre comme sensation, quand on se rendait compte que ça devait faire quelques jours que celui ci était fermé, aussi aimable qu’une porte de prison. Depuis mon retour à Harvard, je devais à nouveau faire face à la réalité. À la dure réalité de ma vie.
« Je peux me laisser pousser la barbe si tu veux. »
J’esquisse à nouveau un petit sourire.
Il tire un peu la gueule en entendant ma technique pour éviter de tomber sur des cons la prochaine fois. S’il y a une prochaine fois bien évidemment. Ce qui me semblait, là tout de suite, impossible, presque au dessus de mes moyens.
« Tu crois pas que ça va leur faire peur s’ils doivent avoir passer un casting, avec un mec ? Ils vont te prendre pour un obstacle tu vas voir. »
Plus une menace en fait. Denys était garçon plutôt mignon, bien foutu. Le genre de mec dont, si j’en étais un, je serai clairement jaloux. Et puis en plus de ça, il était gentil. Il était comme ce genre de mec qu’on voit dans les films. Le genre de mec qu’on reverrait presque de présenter à ses parents. Bon, pour moi, c’était rangé, plié : en gros conflit avec ma famille, je ne risquai clairement pas d’avoir besoin de l’accord, de la bénédiction de mes parents pour me sentir bien.
Je souris quand il me parle de sa manière de faire des calins. Je laisse tomber ma tête sur son épaule.
« Oh tu sais, je suis sûre qu’au fond, ça me dérangerait pas tellement que tu tentes quelque chose. »
En parlant du père noël, je me demande si j’ai vraiment été sage. Je crois que oui. J’ai fuit une organisation mafieuse pour mon propre bien, j’ai recommencé des études. Ouais, je suis plutôt cool. En parlant de ses copains, je fais une petite grimace.
« Si tu dis qu’ils sont gentils, c’est qu’ils sont moches, c’est ça ? Bon après tout je suis plus à ça près. »