J'ai voulu me réfugier dans l'alcool, mais je ne rentre pas dans la bouteille (Beth)

J’étais bien. Posé sur la banquette de la boîte, j’avais alterné joints et verres de vodka et je n’étais plus du tout dans mon état normal. J’étais arrivé avec une bande de potes et je les avais à peu près tous perdu des yeux. Le retour jusqu’à la mather house allait être très compliqué… Et ce n’était pas ce nouveau verre de vodka que je soulevai pour amener à mes lèvres et avaler cul sec qui allait m’aider à avoir les idées claires. C’était juste que j’avais besoin de faire perdurer cet état second. La rentrée, le souvenir de mon frère, le come back d’Emrys, mes histoires avec Hippo, et maintenant les fiançailles de Gabrielle ? C’était trop. Trop pour ma petite tête d’étudiant paumé. Alors oui, j’avais besoin d’oublier et le meilleur moyen restait encore de faire la fête…. Et de ne pas rentrer seul. En zieutant la piste de danse à la recherche d’Ashleigh, je ne repérai pas mon amie mais une autre blonde attira mon regard. Pour qui pourquoi, je n’arrivais pas à détacher mon regard d’elle. Et à aucun moment, dans mon esprit embrumé par les vapeurs d’alcool et de beuh, cela percuta dans ma tête que je la connaissais déjà. Je la fixais pourtant, finissant même par me lever pour aller la rejoindre, comme aimanté. « Hey… » la saluai-je en arrivant à sa hauteur avant de tenter ma chance, sourire charmeur en lui proposant : « Je peux t’inviter à boire un verre ? »

 Un verre de vodka pour oublier sa voix. Deux pour oublier ses vœux. Et trois pour oublier pourquoi. Pourquoi je buvais déjà ? Oui, voilà l’état d’ivresse avancé dans lequel j’avais fini par me retrouver, aidé également des joints fumés au cours de la nuit. La boîte grouillait de monde, j’avais perdu mes amis de vue mais c’est en les cherchant sur la piste que mon regard s’accrocha à cette petite blonde, au point de ne plus pouvoir s’en détourner. Je ne sus pas mettre de sens sur la lueur particulière qui apparut au cœur de ses prunelles lorsque je m’avançais vers elle, incapable de me rappeler de notre précédent accrochage. C’est tout assuré, un brin charmeur que je l’accostais donc en l’invitant à boire un verre. Et joueuse, la voilà qui me lançait un défi : pour qu’elle accepte, je devais m’illustrer à la danse et suivre ses mouvements. « Et bien écoute, je bois mieux que je ne danse… » Elle était prévenue du carnage à venir. « Mais dans ma jeunesse, j’étais le champion de la danse des canards. » racontai-je avec un petit air fier, secouant des coupes comme dans la célèbre choré avant de me reconcentrer. « C’est bon je suis prêt, montre moi les pas. » Et prions pour que ça soit la maracena qu’elle ait en tête, sinon j’étais mal barr’ surtout vu mon taux d’alcoolémie.

  Y’avait ce truc chez cette fille, qui avait attiré et retenu mon regard, mais j’étais trop alcoolisé pour réaliser que c’était juste le fait que l’on s’était déjà croisé, qu’elle était celle sur qui je m’étais défoulé ce fameux jour, bouffé par le souvenir d’Artémis, alors que cela faisait trois ans que mon aîné nous avait quitté. Je ne le réalisais pas, même lorsque la blondinette se montra sur la défensive. Après tout, se faire draguer par un type saoul en boîte de nuit, c’était déjà une raison en soit de se montrer agacée. Sauf qu’elle ne refusa pas le verre, proposant juste un challenge de danse pour le gagner. Ces mots lorsque je la prévenais de mes compétences limitées en la matière auraient surement du me faire tilt, mais non, j’étais déjà en mode –je me concentre- remontant les manches de ma chemise, sautillant sur place pour –m’échauffer- La petite blonde entama donc la chorégraphie, et comme un élève docile, j’imitai ses pas, avec la grâce et la souplesse d’un robot. Un chat y arriverait mieux que moi oui… Alors pour le moment, les pas étaient là, je ne me trompais pas, et ça me suffisait pour me réjouir, même si j’étais raide comme un piquet. « Je m’en sors bien non ? » demandai-je alors à ma professeur du soir. « On va boire un verre maintenant ? » soufflai-je, pensant que la choré était finie…

J’étais plutôt fier de ma prestation. J’étais loin d’être Michael Jackson ok, mais de là à me casser en me qualifiant d’automate. « T’es dure comme prof… » soupirai-je avec un petit air vexé alors qu’ensuite elle ajoutait qu’elle aurait voulu plus de ridicule… « Fallait me demander d’enfiler un tutu. » rigolai-je en levant les bras en l’air et en joignant mes mains, tout en me dressant sur la pointe de mes pieds le temps de tourner sur moi même quelques secondes, mimant ainsi une danseuse étoile. Une danseuse étoile bourrée avec un manche à balai dans le derrière oui, mais danseuse étoile quand même. C’était le moment de me faire faire n’importe quoi, déjà qu’en temps normal, joueur, je résistais rarement au défi, mais alors là avec mon grammage avancé je ne reculerais devant rien. Sauf que quand elle conclut que pour le verre, c’était mort, elle refusait et qu’elle s’éloigna avec un air distant pour aller s’installer sur une chaise. Je la suivis des yeux avec une mine déçue et sentis alors une main se poser dans mon dos. L’un de mes potes n’avait rien raté de la scène et me charria alors sur le vent que je venais de me prendre. L’auto dérision étant mon fort, mon rire accompagna le sien un instant, oubliant un peu le petit pincement que le fait de se voir éconduire avait fait naitre en moi. Et lorsque mon ami me souffla un –tu devrais retenter ta chance, elle vient de te regarder- j’eus de nouveau une petite lueur d’espoir. Et c’est en moon walk, ou plutôt une piètre tentative de moon walk, que je m’approchais de la blondinette : « Allez laisse moi une chance de me rattraper… » réclamai-je en arrivant devant elle.

  J’avais bu, alors forcément, une parole encourageante de l’un de mes amis, et me voilà prêt à la reconquérir. Avançant à la MJ jusqu’à elle, son regard au ciel n’avait pourtant rien d’encourageant là. L’alcool désinhibait certes, mais là c’était presqu’être aveugle que de ne pas voir que je la gonflais. Je lui réclamai une autre chance, pensant que c’était ma piètre prestation de danse qui lui avait donné envie de m’ignorer mais elle se redressa pour me regarder alors et c’est un tout autre discours qu’elle me réserva. D’abord je ne saisis pas. « Ce que je t’ai dit ? » Ca commençait à faire un peu tilt, alors que je répétais en balbutiant ses mots, sourcils froncés, cherchant dans ma tête pourquoi ce petit air fâché sur le visage de cette blondinette –inconnue- ravivait des souvenirs en moi. Cherche dans ta tête de bourré Denys, cherche encore… Et elle se leva alors de sa chaise, se plantant devant moi pour m’apporter la réponse que mon cerveau embrumé commençait à pressentir : « Annabeth… » soufflai-je alors, mon visage se décomposant alors que notre première rencontre me revint en flash. Si j’avais pu disparaître dans un petit trou de souris à cet instant précis, je l’aurais fait…  C’était pour cela qu’elle m’avait tant tapé dans l’œil ce soir, tout simplement parce qu’on se connaissait déjà… « Je… Je suis désolé. » Pour ce soir, pour l’autre fois…  Mortifié, honteux, j’interceptais le serveur qui passait près de moi à cet instant pour lui demander : « Toutes les conso que la demoiselle voudra ce soir, mettez les sur ma note. » Je relâchai le bras de l’employé pour reporter mon regard sur Annabeth, la bénévole du groupe de deuil, les états d’âme de cette terrible journée anniversaire remontant en vague en moi… Non je n’avais plus envie d’une seconde chance, plus envie de danser, plus envie de m’amuser… « Je te laisse tranquille t’en fais pas. Excuse moi de t’avoir importunée… » soufflai-je, tout penaud, en m’éloignant rapidement pour retourner au comptoir me commander un nouveau verre. A boire vite, avant que le spleen ne revienne…