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Appel : Noah - Lara

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There's this tune I found that makes me think of you somehow. 



Mes rencontres avec Lara ressemblent à une sorte de schizophrénie maitrisée. A chaque fois qu'on se croise, qu'on se voit ou qu'on se parle, on se découvre différemment. Une autre facette de nos personnalités sombres. Comme si nous étions des espaces plongés dans le noir qu'une lampe éclairait quelques fois, mais jamais au même endroit. C'est étrange, déroutant. A en perdre la tête. A ne plus savoir à qui on parle vraiment. Le double d'Echo, la fille froide, ou les bras réconfortants dans lesquels j'ai dansé un slow. Et vice versa. Qui est Noah ? Le connard du bar, le mec pathétique enfoncé dans son lit d'hôpital ou ce sacripant baigné dans son auto-dérision à l'autre bout du combiner. Chaque fois, quelque chose de nouveau chez moi transparait. Je ne retiens pas les élans presque impulsifs qui tendent vers elle, comme si j'voulais qu'elle me connaisse, sans jamais me connaitre vraiment. Comme si j'voulais la comprendre, sans jamais la comprendre vraiment. Lara n'a rien de ces filles qui j'ai l'habitude de côtoyer. Elle n'est pas docile, elle n'est pas torturée, elle n'est pas explosive. Tout en elle est dans la retenue, un sérieux grave pour masquer de profondes abysses, et j'crois que ça m'effraie. Autant que ça m'apaise parce que ... je ne saurais expliqué l'espèce de dépendance que je crée malgré moi vis à vis d'elle, mais j'le sens, c'est là : j'ai besoin d'elle  comme d'une infirmière. Elle n'a pas tord, ils sont beaucoup à venir me voir. Mais y'a ce truc qui se met à vibrer différemment dans ma tête, je pense à elle, je voudrais que ce soit elle de l'autre côté de la porte : "Égoïste de surcroit ? ça commence à faire beaucoup de défaut pour une seule et même personne", la taquinais-je sourire aux lèvres. Histoire de décomplexer la situation, de me montrer plus assuré. Je ne suis pas assuré. Jusque là, j'adorais ma solitude, je la cultivais, elle me paraissait paisible et bénéfique. Mais depuis cette fois dans le bar où j'me suis mis à la chercher, je crois que mon inconscient a réalisé que cette même solitude était terrible. Que c'était elle qui m'avait torturé le coeur toutes ses années, qui m'avait durcit, enfermé dans ma propre armure. Un haut le coeur à la simple pensée de me l'avouer, mais je suis comme les autres. Je doute, j'ai peur, j'ai froid. Moi aussi, parfois, je voudrais pouvoir me reposer sur une épaule, même quand elle ne veut pas de moi. J'me suis mis à avoir plus peur de moi que des autres, parce que j'me suis mis à haïr ma solitude. Haïr toutes ces choses qui planent dans ma tête, qui m'donnent envie de vomir. J'étais seul toute ma vie, j'étais seul dans ce comas, je serais seul en sortant de ce lit. J'ai peur d'être seul, comme cette nuit dans la rue, je voudrais qu'elle soit là. Je ne sais pas pourquoi. Mais je nous vois assis de part et d'autre d'un banc public, le regard perdu dans le vide, sans parler, sans respirer. Et c'est suffisant. C'est réconfortant. Je ne dis pas que j'me sens moins seul quand elle reste là. Mais on peut, peut-être, être seuls à deux. Aucun inconvénient. Serions-nous entrain de flirter ? Je ne veux pas y penser, je ne veux pas réfléchir. Tout ce que je sais c'est que ... ça me fait du bien. Putain de bien, même si je ne sais pas le lui dire : "Tu aimerais que ce soit le cas ?". Que je ne puisse plus me passer de toi. Du tac o tac, la même stratégie. Le direct, l'affront, puisque la meilleure défense est l'attaque. Je ris de bon coeur quand elle parle d'horreur, après tout, j'étais le premier à me désigner comme tel. Et puis, je trouvais ça mignon, vraiment trop mignon qu'elle parle de Kenneth. Bien sûre, je ne la crois pas, je ne veux pas la croire, et quand bien même, qu'en aurais-je à faire ? Elle vient d'accepter. Et j'me sens étrangement ... soulagé. Quoi, moi Noah, j'appréhendais un refus ? Je ne l'ai pas vu venir. Ce manque d'assurance inconscient, cette peur du non, qu'elle ... n'est pas envie de passer du temps avec moi comme moi j'ai envie d'en passer avec elle. Je souris de soulagement, je crois que ça s'entend à ma voix : "Alors Kenneth sera vraiment très, très heureux d'apprendre que tu accepte". Je parle de moi. Et ça m'arrange de ne pas avoir à le dire directement. Baissant la voix, comme s'il fallait de nouveau faire place au silence et raccrocher, j'ajoute : "Je te dis à bientôt Kovalenka". Un peu plus sérieux, malgré moi. Comme si j'assumais mal cette proximité, ce trop plein d'enthousiasme.



© charney for ilh
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Je souriais à nouveau en l’entendant me dire que j’étais égoïste, parce que oui, ça m’amusait. Noah m’amusait, chose que je n’aurais pas crue possible quelques semaines auparavant. C’est ça affirmai-je à ses mots, parce que c’est ainsi que je voulais qu’il me voie. Une vraie plaie, une boule de défaut à l’état pur. Mais est-ce que je souhaitais toujours le repousser comme nous nous étions repoussés jusque là ? Je ne savais plus vraiment. J’aimais le provoquer, et l’entendre me répondre par une nouvelle question. Bien que pour le coup, c’était moi qui me retrouvais à devoir répondre. Qu’y avait-il derrière la voix grave de Noah ? Que se passait-il là derrière ce coup de fil ? Est-ce qu’il était en train de sourire comme moi, ou étais-je la seule idiote dans l’histoire ? Ca serait bien malheureux pour toi dis-je malicieuse, espérant au fond mettre le bazar dans ses pensées. Et puis il y avait sa proposition. Et je m’en voulais de me rendre compte soudain que j’avais envie de le voir. Ailleurs qu’à l’hôpital. Ailleurs que dans ce bar où nos egos c’étaient confrontés. Alors je plaisantais à propos de Kenneth, manière détournée de lui dire que j’acceptais son invitation. Et j’avais l’impression d’être sur une autre planète en entendant son rire franc. Comme si ce coup de téléphone était définitivement à part… Ou qu’il nous permettait de nous dévoiler un peu plus ? Je ne disais rien dans un premier temps en l’entendant me dire que Kenneth serait content de savoir que j’acceptais. Vraiment très très heureux. J’étais perdue, c’était un fait. Je ne savais pas que je lui avais fait une telle impression dis-je alors, laissant le doute planer. Je jouais toujours avec mes cheveux, nerveuse, me rendant peut-être soudain compte d’à quel point j’avais pu me lâcher avec lui sur ces quelques minutes. Mais je n’étais pas tellement sûre de le regretter. Son ton redevenait un peu plus sérieux et bizarrement, cela me fit sourire, à nouveau. A bientôt dis-je simplement, avant de raccrocher.
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Aussi étrange que cela puisse paraitre, j'étais entrain ... de me décoincer. De me laisser aller. De m'amuser presque. Oui, je m'amusais, cette fille me faisait rire et ... c'était surprenant. Elle me fait rire malgré elle, ça sort de moi presque naïvement. Je n'ai pas le souvenir d'avoir vécu beaucoup de moments légers dans ma vie. Souvent grave, presque aigris, je n'hausse pas le ton ni ne me laisse facilement séduire par quelques enfantillages que ce soit. Mais là, c'est différent. Elle est différente, je déteste ça. J'crois que j'aime bien ça. Je ne sais pas trop, je ne veux pas y penser. Tous les derniers aléas de mon existence mon éreinté, autant physiquement que moralement. Et peut-être que c'est ce qui me plait. Même en ayant cherché tout au long de nos rencontre à créer une explosion, quelque chose de violent, qu'elle me ramène à la colère que je quémandais puisqu'il n'y a qu'à travers elle que je sais m'exprimer, rien n'y a fait. Il y a toujours avec Lara cet espèce de double mouvement assez paradoxal. Une tension profonde difficile à comprendre, et des élans presque impulsif. Comme là, au téléphone, quand je ris et que je devine au son de sa voix qu'elle rit probablement avec moi. Ou de moi. Qu'importe. Je n'ai pas envie de réfléchir au masque de fer que je laisse tomber. Ni de me mettre à penser à tout ce qui m'a toujours torturé : et si en vrai j'étais médiocre, banal, pas drôle, clairement barbant, indigne d'intérêt ? et si j'enlève mon armure, est-ce qu'on m'appréciera pour de vrai ? Je sens là une faille en moi-même qui n'est pas tant liée à cette alien, mais plus à la situation dans laquelle je me trouve. Sur mon lit d'hôpital, après avoir visiter la mort, je me dis que ça n'en vaut peut-être pas la peine. D'être aussi rude avec moi-même, avec le monde, d'être aussi triste et de me complaire dans cette tristesse. Peut-être que je pourrais, moi aussi, attraper des arcs en ciel et me mettre à colorier ma vie. Je ne sais pas. J'ai honte à cette seule pensée, j'essaye de me détacher de tout ça et de me concentrer sur sa voix. Sa voix que je n'avais jamais entendu aussi ... espiègle. Je ne l'a connais pas tant que ça sa voix, et je crois que je l'aime bien. Pour mettre le bazar, elle mettait le bazar. Dans ma tête, de part en part. Et je crois que ça ne m'embêtait pas plus que ça, parce que ses mots, ses rires, sa voix, c'est le seul truc qu'était ni triste, ni aseptisé, que j'entendais depuis des mois. J'me sentais presque ... vivant. Et plus à demi mort comme cette épouvantable situation me le rappelait constamment. Je calmais mes rires sans trop forcer. Comme s'il fallait que cette conversation reste un secret, que ces quelques mots balançaient se taisent pour le moment. Il ne fallait plus y penser : "Détrompe-toi, tu lui as fait une ... grande impression". Sans doute est-ce de moi que je parle. Oui, sans aucun doute, c'est de moi que je parle. Je pince mon sourire quand il nait à l'ouïe du "à bientôt". Et je la laisse raccrocher, encore pendu au combiner, essayant de recoller les morceaux pour comprendre ce qu'il venait de se passer. Qu'est ce qu'il vient de se passer ?




© charney for ilh
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