back to reality (happy)

Regarder Nina nourrir un chiot était une image qu’Happy ne risquait pas d’oublier. Outre sa mémoire hypermnésique, il n’aurait jamais pu mettre dans un coin de sa tête et zapper l’image de son amie proche, un petit chiot sans défense en main, à en prendre soin. Ses gestes n’étaient pas maladroits, bien au contraire, et le futur véto sentait d’ici son envie de bien faire justement. « Mais tu ne viens jamais pour rien ma belle ! » fit-il valoir, car dieu sait combien ils avaient vécu des moments uniques l’un comme l’autre. « Une fois qu’ils seront grands, je ne sais pas. J’avais pensé les confier à un refuge, en espérant qu’ils soient adoptés par des maîtres que j’aurais pu choisir mais je n’arrive pas à m’y résoudre. Je m’y suis trop attaché, je crois… »

Happy haussa aussitôt les épaules à la question de Nina. « Normalement non… du moins pas quatre chiots. Mais vu qu’ils ne sont pas encore trop en mesure d’aboyer, j’en profite » avoua-t-il car il savait que son amie Eliot n’irait pas le balancer. En elle, l’américain avait toute confiance et de loin. De plus, elle mettait l’accent sur le problème qui le turlupinait de plus en plus, et qui n’allait arriver que trop vite sur le devant de la scène : que faire de ses quatre trésors une fois qu’ils n’auraient plus besoin de biberonner ? « Si j’avais les moyens, je me prendrais un appart, ce serait plus simple et je n’aurais pas besoin de me cacher, mais ce n’est pas à l’ordre du jour, alors… pas facile de se résoudre de les confier ! Tu ferais quoi à ma place ? »

Nina venait de lui donner raison et Happy en était bêtement heureux. Qu’on ne le juge pas et entendre une sorte d’encouragement lui redonnait du poil de la bête pour les moments de doutes qu’il pouvait avoir. Clairement, la crainte que les chiots soient découverts et embarqués de force lui donnait des sueurs froides, la nuit. A raison, sans nul doute. Mais à la question de son amie, l’américain esquissa un petit soupir. De la famille… pour lui, c’était tellement compliqué… « Ma mère adoptive est dans le coma et si j’ai récemment découvert que j’avais un jumeau, on ne peut pas dire qu’il me porte dans son cœur. J’irais même jusqu’à dire qu’il pense que je suis con et pauvre donc inintéressant. Il ne voudra jamais en entendre parler et je n’ai aucune confiance en lui… j’aurais trop peur qu’il cherche la première occasion pour s’en débarrasser. Tant pis, je ferais tout ce que je peux pour ne jamais les séparer. Quoi qu’il m’en coûte. »

Happy haussa légèrement les épaules. Depuis qu’il avait fait la connaissance d’Ael, son jumeau, l’américain avait fini par ne plus prêter attention à ses piques. Ou alors, à le défier en retour pour faire bonne mesure. En somme, agir intelligemment et non seulement avec ses hormones lui paraissait être la meilleure des solutions. « Oh tu sais, j’ai toujours été seul dans ma vie, alors ça ne me change pas ! Mais c’est gentil que tu me dises ça, ça me touche. » Et il l’était sincèrement. Avec Nina, se confier était simple, facile. Et il espérait sincèrement être une aussi bonne écoute pour elle. « Pas de tante ni oncle, ou je ne les connais pas… les amis, la plupart sont en chambre de confrérie, donc avec le même souci que moi ! Ou alors, il faudrait que je me trouve un autre boulot et que je me prenne un studio… »

Happy n’attendait rien de sa famille biologique. De toute manière, étant donné la réaction de son jumeau lorsqu’ils s’étaient rencontré, il n’y avait strictement rien à en attendre, à moins d’aimer follement les déceptions. Voilà ce que la rencontre avec Ael avait été pour l’américain, une déception, rien d’autre. Alors il le fuyait pas spécialement sa présence, il n’était pas gamin à ce point, mais disons que le futur véto estimait avoir bien d’autres chats à fouetter que de gérer les sautes d’humeur d’un frère qu’il ne connaissait pas en prime. « Ouais, à la fois je le crains et à la fois j’aimerais ne pas m’en séparer… » Un autre boulot allait le mettre sur le carreau niveau énergie et productivité, autant être honnête. Rater ses études, ce n’était pas le but de la manœuvre non plus. « Tu penses que je vais réussir à trouver quelqu’un qui s’en occuperait, sans les séparer, et qui m’autoriserait à leur rendre visite ? »